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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 3

Titre :	L'édito - Islam noir
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 3
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	islma religion Afrique région
Note de contenu :	C'était, en 1964, le titre d'un ouvrage publié au Seuil par Vincent-Mansour Monteil. Cet orientaliste était le fils de Charles Monteil, un de ces administrateurs curieux qui avaient découvert les sociétés ouest-africaines au temps de la colonisation. Cet « Islam noir », non pas celui de l'Éthiopie, ni du grand commerce esclavagiste de l'océan Indien, c'était celui de l'Afrique de l'Ouest, le Sahel, aujourd'hui le Mali, le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger ou le Nigeria... L'opposant à l'« Islam arabe », il y faisait le portrait d'une religion syncrétique et tolérante, une vision qui s'accorde bien mal avec le déchaînement de violences qui ravagent, depuis une décennie, les rives sud du Sahara. Appuyé sur une masse de travaux récents dus aux meilleurs spécialistes, ce dossier - en sortant des catégories coloniales - vise à mieux comprendre les spécificités d'une religion qui surprend les observateurs depuis plus de mille ans. L'islam se diffuse en effet en Afrique de l'Ouest dès le VIIIe siècle, via les routes commerciales qui assurent, à travers le Sahara, le transit de l'or et des esclaves. Les souverains africains se convertissent à partir de l'An Mil et, au XIVe siècle, la réputation de puissance et de richesse de Mansa Musa, représenté sur l'Atlas catalan tenant un globe d'or dans la main (il est reproduit sur notre une), n'est plus à faire : le sultanat du Mâli est alors l'un des centres les plus dynamiques du monde islamique. Reste que, dans cet empire stable et puissant, l'islam, comme le rappellent ici François-Xavier Fauvelle et Hadrien Collet, cantonné aux villes, est une religion minoritaire, qui cohabite avec les religions traditionnelles. Le voyageur arabe Ibn Battuta nous a légué une description devenue célèbre d'une fête musulmane où des griots arborent un masque hérissé de plumes et muni d'un bec rouge. C'est au XIXe siècle que la région s'est plus profondément islamisée. Il ne faut pas minimiser, dans la construction humaine et politique du Sahel, l'importance des grands mouvements de djihad qui, s'appuyant sur l'activité des confréries, s'assurèrent par la conquête la domination d'entités politiques immenses (tel Sokoto). La colonisation a joué son rôle. Camille Lefebvre évoque dans ce dossier la stupéfiante aventure de ces officiers français isolés en terre étrangère qui, cyniques ou médusés, n'ont pas hésité à instrumentaliser les confréries pour coloniser au nom d'Allah (!). Le djihad en Afrique de l'Ouest n'est pas un produit d'importation. Ce qui est un produit d'importation, c'est la terreur imposée depuis dix ans par les desperados libérés par la fin de la guerre civile algérienne, l'éclatement de la Libye post-Kadhafi ou l'écrasement de Daech. Ce cataclysme géopolitique a projeté au Sahel des combattants, des modes d'action et des objectifs qui doivent plus à l'islamisme mondialisé d'Al-Qaida (Aqmi) et au wahhabisme saoudien. Ce qui n'empêche pas ces modernes djihadistes d'instrumentaliser à leur tour le long passé musulman de la région, revendiquant la filiation avec les grands djihads du XIXe siècle. Loin de la vision d'un « Islam noir » idéalisé au temps de la décolonisation, tout aussi criminel serait d'enraciner le déchaînement de terreur globalisée que subit aujourd'hui la région dans un Islam millénaire dont les historiens de ce dossier nous rappellent la complexité et la richesse. De cette violence les populations du Mali ou du Burkina Faso sont les premières victimes.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 4

Titre :	Forum (novembre 2022)
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 4
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Indochine insurrection rectificatifs numéro précédent
Note de contenu :	Indochine Le dossier « Indochine, la "sale guerre", 1945-1954 » a suscité l'intérêt de nos lecteurs. L'un d'entre eux nous envoie cet extrait méconnu des Mémoires du général Marcel Bigeard (Pour une parcelle de gloire, Édition 1, 1997), au sujet du général Giap : « Me voilà prisonnier de ces petits Vietnamiens dont [...] nous estimions qu'ils étaient seulement bons à faire des infirmiers et des chauffeurs. Alors que ces hommes au moral extraordinaire débutaient à zéro en 1945 avec un idéal, un armement hétéroclite, un but : chasser les Français, en neuf années, Giap a battu notre Corps expéditionnaire. Qui eût cru que ces petits Tonkinois de la rizière [...] formés politiquement et militairement, pourraient fournir un instrument de combat fanatique, [...] capable non seulement à l'échelon combattant mais aussi à l'échelon commandement [...] ? Que de leçons à tirer de tout cela... » Jean-Pierre Visan nous reproche quant à lui de n'avoir « publié que des articles à charge ». « Le Vietnam était majoritairement anticommuniste. Cette victoire est militaire mais, en aucun cas, comme c'est soutenu, idéologique. Qu'il y ait eu des deux côtés, sans balance égale, des "bavures", c'est évident, comme dans chaque guerre, mais vous n'expliquez pas l'histoire particulière de cette dite colonie. Il y en a marre de ces articles de French bashing. » Alain Monteagle nous suggère un peu d'uchronie : « Si de Gaulle, avec son autorité, avait pris position pour la négociation avec Hô Chi Minh, et donc évité la guerre, l'armée française n'aurait pas eu l'humiliation de Diên Biên Phu et n'aurait peut-être pas eu de revanche à prendre en Algérie. » La réponse de la rédaction Ce sujet a fait émerger des opinions contrastées chez nos lecteurs. Nous tenons à rappeler que nous avons consacré une place aux exactions vietnamiennes à l'encontre des Français dans notre dossier (p. 36). De plus, une grande partie des sources portant sur la brutalité de la guerre d'Indochine sont tirées de Mémoires publiés par des témoins vietnamiens anticommunistes, ce qui permet de nuancer cette vision purement idéologique du conflit. L'insurrection malgache de 1947 Laurent Cavelier nous fait une suggestion : « Il y a soixante-quinze ans, l'insurrection malgache était réprimée dans un bain de sang. Cet épisode est totalement inconnu en France. Le faire émerger de l'oubli me semble être un enjeu mémoriel et historique fondamental. » La réponse de la rédaction Nous avons déjà publié sur le sujet l'article de Jean Fremigacci « La vérité sur la grande révolte de Madagascar », dans L'Histoire n° 318 (mars 2007), que l'on peut retrouver sur notre site internet. Phileas Fogg et le train Jean-Luc Gauchon a lu avec attention l'article de Sylvain Venayre « A quelle heure arrive le train ? » (L'Histoire n° 497-498, juillet-août 2022, p. 81) : « Je lis que, dans le roman de Jules Verne Le Tour du monde en 80 jours, la traversée des États-Unis est "la seule partie du voyage de Phileas Fogg que celui-ci effectue en train". Cela ne me semble pas exact : le train est utilisé dès le départ de Londres, et aussi en Inde ; ainsi, on lit dans le chapitre XIV : "Quelques instants après, Phileas Fogg, sir Francis Cromarty et Passepartout, installés dans un confortable wagon dont Mrs Aouda occupait la meilleure place, couraient à toute vapeur vers Bénarès." » Rectificatifs > Plusieurs lecteurs nous ont signalé une erreur dans notre numéro sur « Les Turcs et leurs empires » (L'Histoire Collection n° 96, juillet-septembre 2022, p. 85). Une photographie, légendée « Des soldats ottomans en route vers le front », montre en réalité des soldats des troupes coloniales françaises, appelés péjorativement « Turcos ». > Dans le même numéro, Georges Canto précise à propos de la photo de « l'Ile de la démocratie » (p. 113) : « Il aurait été bon de nommer l'île en question, Yassiada, qui fait partie des îles des Princes, au large d'Istanbul, dans la mer de Marmara. » > Une coquille s'est glissée dans l'enquête sur « Les Français et l'histoire » de notre dernier numéro (L'Histoire n° 500, p. 17). La série « Histoire de France » en 13 volumes, parue chez Belin sous la direction de Joël Cornette, s'est écoulée à 353 000 exemplaires et non 213 000. > Dans l'article « Pie XII et les réfugiés juifs » (L'Histoire n° 499), les notes 3 et 4 correspondent en réalité aux insertions 1 et 2. La note 1 complète la citation de l'historien Renato Moro (p. 71), et la note 2 concerne l'historien Giovanni Miccoli (p. 71).

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 6-8

Titre :	On va en parler (novembre 2022)
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 6-8
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	11 novembre lauréats gens hommage agenda ressources
Note de contenu :	Troyes CITÉ DU VITRAIL Une Cité du vitrail ouvre à Troyes le 17 décembre 2022, dans l'hôtel-Dieu, joyau architectural du XVIIIe siècle. Les visiteurs pourront notamment admirer une pièce unique retrouvée presque par hasard en 2018, un vitrail du XIIe siècle, le plus ancien de la collection. Pour les passionnés, un atelier explique les différents matériaux, outils, étapes de la fabrication. Ressources HISTOIRE DE L'ÉDUCATION Le site Le Pupitre fait la veille des recherches qui s'intéressent à l'éducation dans une perspective historique. Il vient de mettre en ligne une fiche sur l'histoire de l'éducation, ses acteurs, ses matériaux, et sur la diffusion des résultats de la recherche, avec des liens spécifiques pour accéder aux données. pupitre.hypotheses.org/7400 Gévaudan UN MUSÉE POUR LA BÊTE Le musée du Gévaudan, labellisé musée de France et gratuit, possède plus de 16 000 pièces sur l'histoire de la Lozère, ancienne province royale du Gévaudan. Implanté dans deux ensembles remarquables du XVIIe siècle : l'hôtel de Ressouches et la salle des Vertus, il présente aussi des oeuvres contemporaines, dont une Bête du Gévaudan, allusion au fait divers du XVIIIe siècle qui marqua profondément le territoire. Préhistoire CHIRURGIE INFANTILE Une grotte en Indonésie a révélé le squelette d'un jeune homme qui avait subi, il y a plus de 30 000 ans, une amputation du pied et avait survécu plusieurs années. Une découverte qui bouleverse notre connaissance du savoir-faire médical pour les périodes très anciennes. Toulouse A LA POINTE La 6e édition du festival L'histoire à venir se tiendra du 25 au 28 mai 2023 sur le thème « Il était une fois le progrès ». On attend le programme avec impatience. Périgueux LIVRE GOURMAND Créé en 1990, le Festival du livre gourmand se tient les 18, 19 et 20 novembre à Périgueux, réunissant 80 chefs et auteurs. On y retrouvera Bruno Laurioux qui présentera le numéro de L'Histoire Collection n° 97 sur « La cuisine et la table. Une culture française ». Archives HENRI WEBER Les archives du militant et intellectuel de gauche Henri Weber, mort en 2020, seront versées au centre d'archives de la Fondation Jean-Jaurès. Ses papiers rendent compte de son engagement comme leader trotskiste en Mai 68 (photo), puis comme membre du Parti socialiste à partir de 1986, élu à Saint-Denis, à Dieppe et au Parlement européen. L'inventaire est en ligne.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 6

Titre :	On va en parler - Le 11 Novembre a 100 ans !
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 6
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	11 novembre anniversaire
Note de contenu :	Connaissez-vous le Souvenir français ? Née en 1887 pour rappeler la guerre de 1870 et, plus largement aujourd'hui, entretenir la mémoire de tous ceux qui ont servi la France, la dynamique association présidée par Serge Barcellini organise tous les mois un geste commémoratif. En novembre 2022, à l'occasion du centenaire de la loi qui, en France, a instauré la date de l'armistice comme jour férié, elle rend hommage à Gabriel Boissy au cimetière de Souvignargues (Gard). Journaliste à L'Intransigeant, c'est lui qui proposa de placer au-dessus de la tombe du Soldat inconnu une flamme afin de rappeler le sacrifice et le souvenir des soldats. Son idée rencontra un vif succès. Ainsi, le 11 novembre 1923, pour la première fois, fut allumée une flamme sur la tombe installée sous l'Arc de triomphe à Paris trois ans plus tôt. La tombe de Gabriel Boissy avait été découverte à l'abandon en 2011. Elle a été rénovée avec l'aide du Souvenir français et des Gueules cassées. Les 1 600 comités locaux du Souvenir français entretiennent et restaurent ainsi des centaines de tombes de « morts pour la France », mais également les monuments et les stèles. Une activité dont témoignera, au mois de décembre, en clôture de cette année mémorielle, la remise des plaques funéraires acquises par Le Souvenir français à leurs communes d'origine. Rens. : le-souvenir-francais.fr Image : Anniversaire de l'armistice le 11 novembre 1922, à Rethondes. Le président Millerand décore l'amiral anglais Wemyss. Maurice-Louis Branger / Roger-Viollet.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 7

Titre :	On va en parler - Hommage : Malicieux Paul Veyne
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Claire Sotinel, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 7
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Paul Veyne hommage historien
Note de contenu :	Assurément, Paul Veyne, mort le 29 septembre 2022, reste un grand historien, mais on aime penser à lui comme à un historien vagabond et malicieux, ouvrant toutes les portes que rencontre sa curiosité, se délectant des polémiques déclenchées. Quel paradoxe de présenter son oeuvre comme une série de classiques, quand il a cultivé le goût des chemins de traverse et, souvent, de la provocation ! Pionnier de l'interdisciplinarité, jonglant avec des concepts butinés dans la sociologie ou l'anthropologie, ses livres majeurs sont le contraire de sommes indépassables. Le Pain et le Cirque (Seuil, 1976), qui place la pratique du don à la cité au centre des sociétés gréco-romaines, ne définit pas l'évergétisme, mais a ouvert un champ d'enquêtes qui n'a pas fini d'être labouré depuis près de cinquante ans. Le point d'interrogation du titre Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l'imagination constituante (Seuil, 1983) n'est pas une fantaisie d'éditeur. La question reste ouverte après lecture. Aucun de ses livres n'est facile, mais tous, et plus encore ses très nombreux articles, engagent avec le lecteur un dialogue étonné et actuel.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 7

Titre :	On va en parler - Blois 2022 : les lauréats
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 7
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	gens lauréats Blois France
Note de contenu :	Grand Prix Il couronne Malika Rahal pour Algérie 1962. Une histoire populaire (La Découverte, 2022). Entretien avec Malika Rahal pour lhistoire.fr « 1962 : le temps des possibles », Compte rendu de Marie-Pierre Ulloa, L’Histoire n° 493, mars 2022. Prix Augustin-Thierry Il honore Loïc Artiaga pour Rocky. La revanche rêvée des Blancs (Les Prairies ordinaires, 2021, cf. p. 26). Entretien acec Loïc Artiaga pour lhistoire.fr Prix lycéen du Livre d'histoire Il revient à Jérémie Foa pour Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy (La Découverte, 2021). Entretien avec Jérémie Foa pour lhistoire.fr « La Saint-Barthélemy : le crime des voisins », Compte-rendu de Joël Cornette, L’Histoire n° 487, septembre 2021. Prix Château- de-Cheverny de la BD historique Il est décerné à Wilfrid Lupano et Léonard Chemineau pour La Bibliomule de Cordoue (Dargaud, 2021). Entretien avec Pascal Ory, président du jury, pour lhistoire.fr « Des livres sauvés des flammes », Pascal Ory, L’Histoire n° 494, avril 2022. Prix Anthony-Rowley Il récompense Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre (dir.) pour L'Épicerie du monde. La mondialisation par les produits alimentaires, du XVIIIe siècle à nos jours (Fayard, 2022). Entretien avec Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre pour lhistoire.fr « Le monde dans nos assiettes », Compte-rendu par Antoine de Baecque, L’Histoire n° 499, septembre 2022. Grand Prix du documentaire historique Il est décerné à Arnaud Sauli, le réalisateur de Sheol (2022). Entretien avec Arnaud Sauli pour lhistoire.fr

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 8

Titre :	on va en parler - Les gens (novembre 2022)
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 8
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	gens musée Condé Inha Acte sud
Note de contenu :	Mathieu Deldicque Au musée Condé Le nouveau directeur du musée était déjà en poste à Chantilly depuis 2015, et a été commissaire de plusieurs expositions sur le Grand Condé, Clouet, Raphaël et, en 2022, Dürer. Éric de Chassey A l'INHA Il est reconduit pour un troisième mandat à la direction générale de l'Institut national d'histoire de l'art, devenu le premier centre de documentation dans ce domaine. Parmi ses priorités, le soutien aux jeunes chercheurs, la recherche autour de problématiques nouvelles et la rédaction d'une ambitieuse histoire de l'art à l'échelle européenne. Anne-Sylvie Bameule Actes Sud Elle succédera, le 1er janvier 2023, à Françoise Nyssen à la tête d'Actes Sud, éditeur de Nina Berberova et d'Éric Vuillard. Julie Gautier devient directrice générale et Pauline Capitani directrice des opérations. Elles incarnent donc la troisième génération de cette famille à la tête d'une maison d'édition qui fêtera en 2023 ses 45 ans d'existence.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p 8

Titre :	On va en parler - La vie de l'édition (novembre 2022)
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p 8
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	édition Atlas de guerres le Coran Mondes anciens Jackie Kennedy biographie Soliman Catherine II
Note de contenu :	Atlas des guerres chez Autrement Autrement lance une nouvelle série d'Atlas des guerres, avec un volume sur l'Antiquité (Proche-Orient, Égypte, Grèce et Rome) et un autre sur le Moyen Age, du Ve au XVe siècle. Jackie, Catherine, Soliman et les autres La nouvelle maison d'édition Calype propose de courtes biographies (112 pages) consacrées à des personnalités. Les premières concernent Jackie Kennedy (Hélène Harter), Soliman le Magnifique (Frédéric Hitzel), Catherine II (Thierry Sarmant) et Napoléon (Aurélien Lignereux). Suivront en janvier Rachel Carson (Thierry Paquot), Cicéron (Charles Guérin) puis Suzanne Lenglen (Jean-Christophe Piffaut). Le Coran, version souple Le grand succès du Coran des historiens (cf. L'Histoire n° 472, juin 2020) a incité ses auteurs, sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, à proposer une version mise à jour et augmentée de son premier volume sous le nouveau titre Histoire du Coran, toujours au Cerf. Petits Mondes anciens La superbe collection « Mondes anciens », dirigée par Joël Cornette chez Belin, se décline désormais en format (presque) poche, en reprenant le texte et les illustrations des volumes. Préhistoires d'Europe (Anne Lehoëff) et L'Égypte des pharaons (Damien Agut et Juan Carlos Moreno-García) sont déjà disponibles.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 12-19

Titre :	Evénement : Bobigny, 1972 : le procès de l'avortement
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Bibia Pavard, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 12-19
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	viol avortement procès Marie-Claire Chevalier mineur loi Veil 1972
Note de contenu :	Il y a cinquante ans se sont tenus à Bobigny les procès de la jeune Marie-Claire Chevalier, de sa mère et de celles qui les ont aidées. Leur avocate Gisèle Halimi en a fait une tribune pour la liberté d'avorter. Ses papiers viennent d'être versés aux Archives nationales et permettent de mesurer l'ampleur des soutiens reçus par les accusées. En octobre et novembre 1972, au tribunal de Bobigny, se joue le destin de cinq femmes, mais aussi celui de la loi qui pénalise l'avortement depuis 1920. Les procès de Bobigny révèlent au grand public le drame vécu par Marie-Claire Chevalier, qui, enceinte à 16 ans à la suite d'un viol, a mis fin clandestinement à sa grossesse, aidée par sa mère et ses collègues. Ils offrent à celles et ceux qui se battent pour le droit d'avorter, dans un cadre sûr et médicalisé, une formidable caisse de résonance. Agir clandestinement « Je savais que je courais beaucoup de risques mais Marie-Claire avait décidé qu'elle ne voulait pas de cet enfant. [...] J'ai vécu cela moi aussi, je le vis encore, les humiliations, les affronts. Mère célibataire, montrée du doigt. Alors en aucun cas j'aurais permis que ma fille subisse le calvaire que j'ai subi. » Le 8 novembre 1972 Michèle Chevalier, 38 ans, employée à la RATP, mère de trois filles, comparaît devan ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 20-21

Titre :	Actualité : Godard historien
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Antoine Baecque de, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 20-21
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Godard cinéaste cinéma mort historien
Note de contenu :	Le cinéaste est mort le 13 septembre 2022 à l'âge de 91 ans. Longtemps absente de son oeuvre, l'histoire s'y invite à la fin du XXe siècle. Elle y devient omniprésente et indispensable. Avec les cheveux roux d'une gamine des rues chez Renoir, je mettrai le feu à toute l'histoire de la civilisation moderne. » lance Jean-Luc Godard dans le documentaire The Old Place (2000). Longtemps, le passé, et plus encore son propre passé, n'ont eu aucune place dans les films du cinéaste. François Truffaut s'en étonnait d'ailleurs : « En douze films, écrit-il en 1967, Godard n'a jamais fait allusion au passé, même pas dans le dialogue. Réfléchissez à cela : pas une fois un personnage de Godard n'a parlé de ses parents ou de son enfance, c'est extraordinaire. Il ne filme que ce qui est moderne[1]. » Trente ans plus tard, on aurait presque pu renverser la proposition, tout aussi « extraordinaire » : des Histoire(s) du cinéma (1986) à JLG/JLG (1995), il n'existe plus dans les films de Godard de la fin du XXe siècle que ce qui revient du passé. L'histoire est devenue, au fil de ses films, sa grande préoccupation.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 22-23

Titre :	Actualité : Viktor Orbán et ses cousins asiatiques
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Marie-Madeleine Cevins de, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 22-23
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Viktor Orban Hongrie ministre Huns touranisme Magna Hungaria
Note de contenu :	Le Premier ministre met volontiers en avant les traits qui rapprochent les Hongrois de leurs « cousins » asiatiques, minimisant du même coup leur ancrage à l'Occident. Faut-il lui donner raison ? En 2011, sept ans après l'entrée de la Hongrie dans l'Union européenne, Viktor Orbán annonçait son « ouverture vers l'Est ». Depuis, les déclarations d'amitié et les échanges culturels en direction de la Turquie, des républiques d'Asie centrale, de la Corée du Sud, du Japon et de la Chine se sont multipliés. D'ambitieux partenariats économiques, agricoles, industriels et commerciaux ont vu le jour, montrant que la Hongrie, si insignifiante soit-elle à côté du géant russe, entend bien se positionner elle aussi sur les nouvelles routes de la soie. Pour cela, elle est le seul État européen à disposer d'un atout idéologique : ses origines exotiques, que le gouvernement Orbán ne manque jamais de souligner - non sans contradiction avec les valeurs chrétiennes qu'il prétend défendre au gré du contexte. Érigée en doctrine au XIXe siècle, la thèse des liens de sang unissant les Hongrois aux Turcs, aux Mongols, aux Ouïgours, voire aux Japonais et aux Coréens, a été démentie il y a plu ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 24-25

Titre :	Actualité : La « révolution » des femmes
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Yannick Ripa, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 24-25
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	masculin-féminin film femmes révolution Michelle Perrot
Note de contenu :	Michelle Perrot prononce la conférence inaugurale du Festival international du film d'histoire de Pessac consacré à « Masculin-féminin ». Il y a trente ans, elle codirigeait la monumentale Histoire des femmes en cinq volumes. Près de 5 millions d'exemplaires vendus dans plus d'une dizaine de pays en trente ans. Dernier en date cette année : la Croatie ! L'Histoire des femmes en Occident est un phénomène éditorial étonnant car, lors de la publication de ses cinq volumes, de l'Antiquité au XXe siècle, la valeur scientifique de ce sujet n'était toujours pas reconnue. Contre toute attente, ce ne sont pas les pionnières de l'histoire des femmes qui se lancèrent pareil défi, mais les éditeurs italiens Vito et Giuseppe Laterza, qui avaient publié la traduction de L'Histoire de la vie privée (Seuil, 1985), codirigée par Philippe Ariès et Georges Duby. Connaissant l'intérêt de ce dernier pour la place des femmes dans l'histoire, depuis son fameux Le Chevalier, la femme et le prêtre (Hachette, 1981), ils lui proposèrent, au printemps 1987, de diriger une Storia della donna (« Histoire de la femme »). Convaincu de l'importance du projet, le médiéviste estima que M ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 26-27

Titre :	Actualité : Boxer, de Milon à Rocky
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Maurice SARTRE, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 26-27
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	boxe art noble boxeur lutte pugilat athlète histoire
Note de contenu :	Le « noble art » déchaîne les passions depuis la Grèce antique. Deux livres montrent comment il est le révélateur de la société dans laquelle il se pratique. Décriée pour sa violence sans égale, la boxe a peu retenu l'attention des historiens et des intellectuels, et rares sont ceux, aujourd'hui, qui comme Joyce Carol Oates osent avouer leur passion. Deux livres parus à moins d'une année d'intervalle invitent l'historien à faire le détour par l'espace limité du combat et celui, plus large, de la vie des boxeurs. De l'Antiquité grecque, grâce à la somme réalisée par Jean-Manuel Roubineau, aux premières décennies du XXIe siècle avec Loïc Artiaga, on apprend beaucoup sur un sport qui reste, pour le non-initié, difficile à comprendre. Dans la Grèce antique, observe Jean-Manuel Roubineau, la boxe, bien documentée du VIIIe siècle av. J.-C. jusqu'à l'époque impériale, jouit d'une popularité immense. Et son plus éminent représentant, Milon de Crotone - auquel l'auteur a consacré une excellente biographie (PUF, 2016) -, fut sans doute l'athlète le plus réputé de tous les temps. Comme les sports « légers » - courses et lancers -, les sports « lourds » - lutte, pugilat (boxe, pugmê) et pancrace (ce dernier combinant les deux premiers mais sans les lanières de poings qui caractérisent le second) - ignorent les différences de poids des concurrents pour s'en tenir à deux catégories, les hommes et les jeunes gens. Avantage indéniable aux plus lourds, comme le montrent les vases peints où la masse musculaire des boxeurs tranche avec l'aspect longiligne des coureurs. Quelques textes soulignent volontiers la bestialité des athlètes en les comparant au taureau, au lion, au sanglier et autres animaux redoutables. Des boxeurs divinisés En historien, Jean-Manuel Roubineau ne laisse aucun aspect dans l'ombre, et, en praticien, explique de façon précise les aspects les plus techniques. Cela va de la tenue aux règles du combat en passant par l'entraînement, le régime alimentaire, les compétitions, l'argent, la corruption, les blessures. On ne peut s'empêcher d'établir la comparaison avec la boxe contemporaine en matière de recrutement (la classe moyenne plutôt que les plus pauvres), de techniques d'entraînement (le combat contre son ombre, le sac, le sparring) et d'entraîneurs (si coûteux qu'il faut parfois recourir à l'emprunt ou aux subventions). Mais aussi de matchs arrangés (y compris par contrat en bonne et due forme : on en a conservé un), de lésions physiques et mentales, d'ambiance des stades, chauffés à blanc par la présence de stars. Des athlètes, et surtout des boxeurs, finissent divinisés comme Théogénès de Thasos. D'autres connaissent une fin tragique pour ne pas avoir su se retirer à temps comme l'a fait Asclépiadès, effrayé par la jalousie de ses concurrents après six années de combat. Seule la tenue a changé puisque la nudité est de règle en Grèce dès le VIe siècle, en dehors d'un éventuel suspensoir destiné à maintenir la verge dans une flaccidité décente. Mais est-ce le hasard si les boxeurs contemporains vêtus d'un simple short sont les plus dénudés des athlètes ? Sans oublier la pesée en slip, voire nus. De même, si les gants ronds sont attestés tardivement pour l'entraînement, les pugilistes antiques se protègent par des lanières, dont la consistance et le placement évoluent au cours du temps, et qui peuvent être lestées de ferraille pour blesser plus sûrement : dans des sociétés où tous les hommes libres sont préparés à la guerre, la prise d'un tel risque effraie moins. Jean-Manuel Roubineau conclut, à juste titre, au terme d'une somme passionnante, que « la boxe est fille d'Arès » et les boxeurs confrontés aux mêmes dangers que les guerriers. Avec Loïc Artiaga, lauréat du prix Augustin-Thierry à Blois (cf. p. 7), nul besoin d'être un fan de Sylvester Stallone - et des six Rocky sortis sur les écrans entre 1976 et 2006, sans oublier la série dérivée des Creed (2015-2018) -, pour mesurer l'importance du sujet. On peut s'étonner qu'un historien se focalise sur un personnage de fiction ; mais l'est-il vraiment ? N'a-t-il pas fait son entrée au Hall of Fame de la boxe, seul athlète fictif à jouir d'un tel traitement ? Au fil de la lecture, la vie, les succès et les échecs de Robert Rocky Balboa, immigré italien de Philadelphie, montrent une image très informée de la boxe contemporaine, mais surtout les aspirations et les craintes d'une population blanche profondément conservatrice, voire réactionnaire. Avec talent et efficacité, Loïc Artiaga entrecroise fiction et réalité - un astérisque distingue les personnages fictifs pour les non-initiés -, au point que le héros devient à bien des égards plus réel que les champions de son temps. Enraciné dans sa ville comme dans sa communauté, Rocky incarne les valeurs d'une petite bourgeoisie assimilée tout en restant très attachée à ses valeurs traditionnelles. Semblable ou différent de ses adversaires, il devient la référence de cette classe qu'effraie la montée en puissance des Africains-Américains dans le monde du sport, et notamment la boxe. Sport violent, donc réputé viril, la boxe sert de révélateur des tensions qui traversent la société états-unienne. « L'étalon italien », comme on surnomme Rocky, oppose ainsi sa virilité contrôlée (il a épousé une vendeuse, Adrian) à la sexualité supposée débridée de ses concurrents (son premier adversaire devenu son ami est père d'un fils illégitime). Incarnation de la suprématie blanche, il défend la supériorité états-unienne face au reste du monde et surtout face à l'Union soviétique en allant affronter - et vaincre - son champion sur son terrain. Par l'étude des dialogues comme des situations, Loïc Artiaga met en évidence les clichés, le discours rétrograde, les comportements machistes, l'ancrage antisoviétique d'une société blanche qui se sent menacée. Diminué et infirme bien avant l'âge, le champion, à travers des films qui surent épouser les mutations de leur temps, devient porteur des angoisses et des tensions d'une nation entière. Comme sport, la boxe n'en sort peut-être pas réhabilitée, mais comme objet d'histoire, la voilà brillamment placée sous le feu des projecteurs. A lire : J.-M. Roubineau, A poings fermés, PUF, 2022. L. Artiaga, Rocky. La revanche rêvée des Blancs, Les Prairies ordinaires, 2021. L'auteur Maurice Sartre est professeur émérite à l'université de Tours.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 98

Titre :	Carte blanche : D-Day land
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Pierre ASSOULINE, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 98
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	débarquement bataille hommage Assouline
Note de contenu :	En 2025 ou 2026 ouvrira un vaste site « immersif » sur le Débarquement, la bataille de Normandie et jusqu'à la Libération de Paris, à Carentan-les-Marais, dans la Manche. La polémique enfle. Bien sûr, on se gardera de tout procès d'intention. Il n'empêche : quand les porteurs d'un tel projet ont si souvent à la bouche les mots « hommage », « pédagogie », « utile » et des expressions telles que « transmission aux jeunes générations », cela finit par devenir suspect. L'initiative est venue d'un producteur de télévision (Stéphane Gateau), d'un homme de médias (Richard Lenormand), d'un producteur de comédies musicales (Roberto Ciurleo) et d'un communicant (Régis Lefebvre). Ils assurent qu'avec ce Débarquement revisité en 3D il ne s'agira pas d'un parc d'attractions ni d'un D-Day land mais d'une « narration ». Allez savoir pourquoi, on a des doutes nourris par la manière même dont ils présentent leur affaire : un grand spectacle « immersif » (on n'y échappe plus désormais) s'appuyant sur « les nouvelles technologies » (idem) afin de produire « un documentaire vivant ». Cet « Hommage aux héros » (tel est le nom de ce projet), installé à Carentan-les-Marais (Manche), sera constitué d'un théâtre tapissé d'écrans de 1 000 places, mobile puisque les spectateurs seront déplacés sur 400 mètres au moyen d'une plate-forme sur pneus. Ce projet fait penser à un show aux accents d'un grand jeu vidéo. A se demander s'il s'agit d'instruire ou plutôt d'éblouir et d'émouvoir. L'argument avancé est le risque d'oubli lié à la disparition des derniers témoins. Une « imposture » selon les historiens Annette Becker, Julian Jackson, Jean-Luc Leleu et Olivier Wieviorka, qui se sont fendus d'une cinglante tribune dans Le Monde du 27 septembre 2022 : « Touchant tous les publics, le cinéma, la littérature, les bandes dessinées ou les jeux vidéo regorgent de références à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, lorsque celle-ci ne s'invite pas dans les débats de l'élection présidentielle française. » Les réunions de concertation publique préalables ont été houleuses. Le projet est soutenu par le président de la Région Normandie Hervé Morin (sensible à la création de 250 emplois, techniciens, figurants, etc.), des banques, dont le Crédit agricole Normandie, mais aussi par Tristan Lecoq, inspecteur général de l'Éducation nationale chargé de la mémoire des conflits, et par le général de corps d'armée Olivier Tramond, en qualité de conseiller militaire. De l'autre côté, les opposants dénoncent un prétexte pour une finalité purement mercantile, rejoints par des enseignants accablés par la mode de l'histoire émotive. Les défenseurs de l'environnement soulignent, pour leur part, que, dans la commune de Carentan-les-Marais, 16 hectares sur les 30 mobilisés devront être artificialisés, provoquant une rupture et une destruction de biodiversité. Les uns et les autres se disputent la caution d'anciens combattants. L'Américain Charles Norman Shay, qui participa à la première vague d'assaut sur Omaha Beach, défend le projet. Tandis que Léon Gautier, dernier survivant des 177 membres du commando Kieffer, les seuls soldats français du 6 Juin, le dénonce : « Une bonne fois pour toutes, je suis totalement opposé au projet. Je ne souhaite pas qu'on fasse de l'argent sur la mémoire de mes camarades. Il y a déjà bien suffisamment de musées traitant du Débarquement en Normandie pour ne pas en ajouter un de plus. On ne peut faire un parc sur la mort de gens qui ont donné leur vie pour la France. » Les initiateurs du projet ont voulu parer à la fronde en créant un comité d'éthique associé à un conseil scientifique réunissant des historiens réputés tels que Jean Quellien, spécialiste du Débarquement, professeur émérite à l'université de Caen, le Britannique Antony Beevor et Stéphane Simonnet, ancien directeur scientifique du mémorial de Caen. Le budget est de 90 millions d'euros ; 600 000 visiteurs sont attendus chaque année à partir de 2026. Un autre type de débarquement. Pierre Assouline est membre du comité scientifique de L'Histoire, il vient de publier Le Paquebot (Gallimard, 2022)

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 28-55

Titre :	Dossier : L'Islam africain
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 28-55
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Islam Afrique dossier
Note de contenu :	L'islam se diffuse en Afrique de l'Ouest depuis le Maghreb berbère dès le VIIIe siècle, via les routes commerciales. Les souverains africains choisissent de se convertir vers l'An Mil, mais les pratiques anciennes ne disparaissent pas, même au sein du prestigieux sultanat de Mansa Musa au Mâli. Cette coexistence religieuse a façonné l'Islam sahélien durant des siècles. Remise en cause avec les djihads du XIXe siècle et la colonisation française, elle est aujourd'hui menacée par un islamisme rigoriste et terroriste qui s'est implanté dans la région.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 30-35

Titre :	Dossier : L'Islam africain - Une marge de l'empire islamique ?
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Emmanuelle Tixier du Mesnil, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 30-35
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Islam Afrique empire islamique
Note de contenu :	Au cours des VIIe et VIIIe siècles, l'islamisation du Maghreb et de l'Égypte se fait au rythme des conquêtes. Le Sahel rejoint quant à lui le système-monde de l'empire islamique au contact des marchands, véritables intermédiaires entre les deux rives du Sahara. L'Afrique est l'un des trois continents sur lesquels s'étend l'empire islamique né des conquêtes des VIIe et VIIIe siècles. Dès la mort de Muhammad, en 632, afin de consolider l'État naissant et de réaliser l'unité des tribus arabes, les premiers califes attaquent les deux empires voisins de la péninsule arabique : l'empire perse sassanide et l'empire byzantin. Le premier est vaincu dans les années 630-640, entraînant la conquête de l'Irak et de l'Iran ; le second est amputé de ses provinces de Syrie et d'Égypte, dans la décennie qui suit. Les portes de la Libye sont atteintes à la fin des années 640. Les conquêtes de l'Islam marquent alors une pause en raison de la guerre civile, la fitna, qui suit l'assassinat du troisième calife, Uthman, en 656, et rythme le califat d'Ali (656-661), cousin et gendre du Prophète. Lui succède la première dynastie de l'histoire de l'Islam, celle des Omeyyades, qui reprend l'expansion pour transcender les divisions. C'est alors que s ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 36-42

Titre :	Dossier : L'Islam africain - Sultanat du Mâli : une religion parmi d'autres
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Hadrien Collet, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 36-42
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Islam Afrique Aïd fétiche griot mansa religion Djenné
Note de contenu :	A la fin du Moyen Age, le sultanat du Mâli est la puissance hégémonique au Sahel. Son souverain, Mansa Musa, est célèbre dans tout le monde musulman. Mais l'islam reste un phénomène urbain et élitaire qui coexiste avec les anciennes religions. Du rivage du Sénégal actuel à la boucle du Niger, le sultanat du Mâli*, plus vaste empire du Sahel entre le XIIIe et le XVe siècle, rivalise avec les plus grands sultanats de l'Islam. Pour comprendre la place qu'y occupe cette religion, il nous faut remonter quelques siècles en arrière. Entre le VIIIe et le Xe siècle, des petites communautés de musulmans locaux et étrangers se forment dans les terminus caravaniers du Sahel : des villes-marchés qui sont soit des cités-États, soit sous le contrôle de royaumes puissants et dont les religions sont étroitement associées aux dynasties au pouvoir. En l'absence d'un cadre politique islamique, ces premières communautés musulmanes se choisissent un intendant chargé de gérer leurs affaires et de traiter avec les pouvoirs sahéliens, qui, tant que leurs activités respectent les lois du royaume, leur accordent une certaine autonomie. Entre 950 et 1050, les communautés musulmanes sont devenues assez importantes pour s'affirmer dans ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 40

Titre :	Dossier : L'Islam africain - L'obsession Tombouctou
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Hadrien Collet, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 40
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Islam Afrique ville manuscrits ouest-africain
Note de contenu :	La ville aux 333 saints et aux milliers de manuscrits a fait rêver les voyageurs européens. Au prix de nombreux malentendus. Au XIXe siècle, Tombouctou obsède les explorateurs. Le Français René Caillié, premier à en repartir vivant en 1828, écrit : « [Tombouctou est] l'objet continuel de toutes mes pensées, le but de tous mes efforts ; ma résolution fut prise de l'atteindre ou de périr. » A cette époque, la splendeur de la ville, qui sera occupée par les Français à partir de 1894, est pourtant passée. Ce que l'on sait de ses origines repose sur le Tarikh al-Sudan (« histoire du Soudan »), chronique achevée au XVIIe siècle par le savant Abd al-Rahman al-Sadi. D'abord lieu de campement saisonnier des Touareg Maghcharen, le site devient un point de rencontre pour les marchands, ce qui incita ces mêmes Touareg à y fonder une localité vers 1100. A l'époque, le petit établissement est idéalement situé entre le puissant royaume de Ghâna à l'ouest et le non moins puissant royaume de Gao à l'est. Son insertion rapide dans les réseaux du commerce transsaharien invite à penser que la ville ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 44-49

Titre :	Dossier : L'Islam africain - XIXe siècle : le temps des djihads
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Camille Lefebvre, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 44-49
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Islam Afrique Sahel Sahara musulman non-musulman djihad Kano empire
Note de contenu :	Deux phénomènes participent à la progression de l'islamisation du Sahel et du Sahara entre le XIXe et le XXe siècle : les mouvements de djihad, qui transforment la région, puis l'arrivée des Français, qui instrumentalisent la religion musulmane pour la coloniser. Dans le Sahara et le Sahel, au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, l'islam est un fait familier et ancien puisque présent depuis plus de huit siècles, mais les pratiques religieuses islamiques y restent très hétérogènes. Au sein des mêmes espaces se côtoient différentes manières d'être musulman, des degrés très divers de ferveur et, presque partout, l'islam voisine avec d'autres formes de croyances : l'imbrication des registres religieux musulmans et non-musulmans y est courante. C'est dans ce contexte que, du Cap-Vert au Soudan d'aujourd'hui, en passant par la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le nord du Cameroun, le Mali, le Sénégal, le Tchad, le Burkina Faso, la Guinée et même le nord de la Centrafrique, ont lieu une série de mouvements de renouveau religieux appelant au djihad. Balayant, pendant plus d'un siècle, la région d'ouest en est, puis d'est en ouest, ce phénomène modifie en profondeur ces sociétés et les structures de leurs États, ce qui en fait l'un des événe ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 50-53

Titre :	Dossier : L'Islam africain - « Villes disparues, mémoires fragiles »
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	François-Xavier Fauvelle, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 50-53
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Islam Afrique vestiges symboles Magie talismans Sahel
Note de contenu :	Il ne reste souvent que des vestiges des grandes cités sahéliennes du Moyen Age. Pourtant la connaissance de cette histoire millénaire comme celle des contraintes environnementales propres à la région sont indispensables pour comprendre la flambée actuelle de l'islamisme. L'Histoire : Depuis une dizaine d'années, le Sahel est le théâtre d'une résurgence de l'islamisme. Que nous apporte la longue durée pour comprendre cette histoire ? François-Xavier Fauvelle : Un islamisme rigoriste et insurrectionnel existe au Sahel depuis le début des années 2000 ; pensons à Boko Haram, dans le nord du Nigeria. Ce qui a changé depuis une décennie, c'est la mise en circulation, à travers le Sahara et au Sahel, de l'immense arsenal libyen avec la guerre civile de 2011 en Libye et l'intervention française, britannique et américaine pour mettre fin au régime de Kadhafi. Ces armes ont bénéficié à de nombreux groupes sociaux dans le Sahara et au Sahel qui ont troqué leurs revendications sociales pour une « guerre sainte » (djihad) islamique et pour des actions de guérilla, d'enlèvements, d'assassinats, au nom d'une pratique rigoriste et très conservatrice de l'islam. Ce mouvement a ensuite très rapidement gagné en direc ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 54-55

Titre :	Dossier : L'Islam africain - Aqmi, Mujao, EIGS... Portraits de djihadistes au Sahel
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Andrew Lebovich, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 54-55
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Islam Afrique djihadistes Sahel appropriation Sahara
Note de contenu :	Largement composé de combattants venus de l'étranger, le djihadisme qui terrorise la région instrumentalise son long passé religieux. La présence de groupes djihadistes au Sahel et au Sahara attire l'attention de l'opinion publique française depuis le déclenchement de l'opération Serval en 2013. Mais, en réalité, ces djihadistes, qui sont parmi les plus actifs au monde, cherchent à s'implanter dans la région depuis une trentaine d'années pour certains. Tout commence avec les Groupes islamiques armés (GIA) apparus durant la guerre civile algérienne. En 1998 des membres des GIA ont fait scission créant le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Le GSPC se diffuse progressivement dans le Sud algérien, au Mali, au Niger, et, en 2007, prête allégeance à Al-Qaida, devenant Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Aqmi enchaîne dès lors les enlèvements d'étrangers, les attentats contre les forces de sécurité de Mauritanie, du Mali, et du Niger, et cherche à s'immiscer dans le tissu social, politique et économique de ces pays. « Islam noir », « Islam arabe » ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 56-61

Titre :	L'Atelier des CHERCHEURS - Une princesse hittite à la cour d'Égypte
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Marine Yoyotte, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 56-61
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Ramses II Hattis Hittites reine Egypte
Note de contenu :	En prenant pour « grande épouse royale » la fille du roi hittite, Ramsès II consolide les liens avec son meilleur ennemi. Après d'âpres négociations. En l'an 34 du règne de Ramsès II (vers 1245 av. n. è.) se joue un épisode capital en matière de diplomatie entre l'Égypte et le Proche-Orient : le pharaon prend pour « grande épouse royale » la fille aînée d'Hattusili III et de Puduhepa, roi et reine du Hatti (on parle également d'Empire hittite, cf. p. 58). Au XIIIe siècle av. n. è., l'Égypte et le Hatti, dont le coeur du royaume se situe en Anatolie centrale (Turquie actuelle), sont les deux empires les plus influents en Méditerranée orientale. Leur rivalité porte sur la région du Levant (les royaumes de Canaan, d'Ougarit et d'Amurru), territoire stratégique et zone tampon. La célèbre bataille de chars de Qadesh (Syrie actuelle, v. 1274 av. n. è.) qui opposa Ramsès II à Muwatalli II, vantée sur les murs des temples d'Égypte comme une grande victoire, ne fut en réalité qu'un semi-succès : tant les troupes hittites qu'égyptiennes subirent beaucoup de pertes. Quoi qu'il en soit, en l'an 21 (v. 1258 av. n. è.) ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 62-65

Titre :	L'Atelier des CHERCHEURS - La Sorbonne : l'université inattendue
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Thierry Kouamé, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 62-65
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	Sorbonne collège faculté maîtres bibliothèque hébergement pauvres
Note de contenu :	Simple collège à sa création, vers 1257, c'est-à-dire, au Moyen Age, un hébergement pour des étudiants pauvres, la Sorbonne va devenir le coeur de la prestigieuse Université de Paris trois siècles plus tard. Comment expliquer ce succès ? La naissance de la Sorbonne remonte au milieu du XIIIe siècle, dans un moment charnière de l'histoire de l'Université de Paris. Depuis le milieu du XIIe siècle, en effet, des maîtres disposant d'une autorisation ecclésiastique pour l'enseignement public, la licentia docendi (notre future licence), se sont installés entre la montagne Sainte-Geneviève et l'île de la Cité pour y délivrer un enseignement de haut niveau. Au début du XIIIe siècle ils se regroupent au sein d'une corporation dotée de privilèges reconnus par les autorités royale et ecclésiastique : c'est la naissance de l'Université de Paris, entérinée par divers actes officiels entre 1200 (charte accordée par Philippe Auguste) et 1231 (bulle du pape Grégoire IX). Le même processus se déroule à Bologne et Oxford dans les mêmes années. L'étymologie du mot (du latin universitas, « corporation ») dit bien la nature de la nouvelle institution : il ne s'agit pas d'un établissement, mais d'une association ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 66-71

Titre :	L'Atelier des CHERCHEURS - « Travailleuses, rentrez chez vous ! »
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Lucas Marchand, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 66-71
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	femmes travail munitionnette indemnité ouvrières militantes armistice
Note de contenu :	Le 13 novembre 1918 une circulaire ministérielle ordonne aux femmes travaillant dans les usines de guerre de retourner dans leur foyer, oubliant que les 1,3 million de Français tués au combat laissent autant d'emplois vacants et que 600 000 veuves ne pourront vivre comme avant. Les refus et les résistances furent nombreux. Nous sommes maintenant une force et nous avons le devoir d'élever la voix » : c'est le constat que fait Hélène Brion, militante féministe et pacifiste, dans L'Action féministe en décembre 1918, et avec elle de nombreuses femmes au lendemain de la Première Guerre mondiale. Beaucoup ont travaillé à l'usine, ont milité, ont tissé de nouvelles solidarités. Cependant, en France, après l'armistice, le bilan est amer pour les femmes, les possibilités d'émancipation entrevues faisant place à un renforcement du conservatisme et des stéréotypes genrés ainsi qu'à une consolidation de leur ségrégation professionnelle. La paix revenue, les quelque 430 000 femmes employées dans les usines de guerre, principalement dans la métallurgie et l'armement, que l'on a appelées « munitionnettes » et dont on a célébré le sacrifice pour la patrie, doivent laisser la place aux soldats, censés rentrer rapidement du front. Après être passées dans la lumière, les ouvrières sont appelées ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 72-73

Titre :	Décryptage d'image : Les « couleurs du silence » : Rio de Janeiro, 1909
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Laurent Vidal, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 72-73
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	autochromes paysage Rio de Janeiro post-raciale discrimination photos
Note de contenu :	Du 9 au 22 septembre 1909 Albert Kahn séjourne à Rio de Janeiro, pour affaires. Ce banquier humaniste, mécène des bourses autour du monde pour de jeunes universitaires (dont le géographe Pierre Denis, qui a séjourné à Rio en 1907), expérimente aussi des formes d'enregistrement du réel en vue de la mise en place des « Archives de la planète » qui verront le jour trois ans plus tard (cf. L'Histoire n° 487, pp. 76-77). Une quarantaine d'autochromes et plus de 150 vues stéréoscopiques témoignent de son passage dans l'ex-capitale brésilienne. Si l'opérateur nous est inconnu, nul doute que ces clichés révèlent le regard porté par Kahn sur cette métropole, qui semble à la fois si proche de l'Europe (se rêvant en Paris tropical) et pourtant si distante par sa société post-esclavagiste et sa nature exubérante. Les autochromes (dont la marque a été déposée ...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 74-75

Titre :	Guide des Livres : Tuées parce que femmes
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Yannick Ripa, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 74-75
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	féminicides archives ouvrages récits
Note de contenu :	Deux ouvrages collectifs invitent à se saisir d'archives oubliées pour retracer les fondements, les continuités, mais aussi les divergences, qui forment l'histoire longue des féminicides. Lancé en 1976 par le Tribunal international des crimes, le mot « féminicide » a mis longtemps à s'imposer. D'abord concurrencé par « fémicide », utilisé par l'OMS, il est adopté par l'ONU en 2012, avant de faire son entrée dans Le Petit Robert en 2015. Si le mot est récent, « le meurtre de femmes parce que femmes », lui, ne l'est pas. Faute d'être clairement nommé, il fut néanmoins soit confondu avec des crimes sans dimension genrée, soit vidé de son contenu sexiste par l'appellation « crime passionnel », suggérant que ces violences étaient uniquement domestiques, et non sociétales, religieuses ou politiques. Rendre visibles ces crimes qui, « le plus souvent, ont été impunis, pour de multiples raisons », afin qu'ils ne soient « ni minimisés, ni oubliés » est l'objectif de l'antiquisante Lydie Bodiou et du contemporanéiste Frédéric Chauvaud, éminent spécialiste en la matière. L'ambition du colossal ouvrage dirigé par l'historienne Christelle Taraud, réputée pour ses travaux sur la prostitution coloniale, est d'être, lui, un outil de résistance : déterrer, depuis la préhistoire jusqu'à nos jours, les racines des féminicides, entendus dans leur sens le plus large - tout crime commis contre une femme -, doit contribuer à mettre fin à cette « pandémie » qui décime tant d'individus de sexe féminin et atteint même les foetus féminins. Selon la maîtresse d'oeuvre de cette somme, les féminicides, symboles du patriarcat, connaissent une constante inflation en raison de leur association avec le capitalisme et le (néo)colonialisme. Selon l'Office des Nations unies contre les drogues et les crimes, dans le monde en 2020, 47 000 femmes ont été tuées « par un partenaire intime ou un membre de leur famille ». En France, 102 femmes le furent en 2020, 114 en 2021, 106 093 au Brésil entre 1983 et 2013 et 10 par jour au Mexique en 2020. Si l'objet d'étude de ces deux livres est le même, le ton diffère : la révolte et la colère se lisent dans le second, une histoire globale forte d'environ 150 signataires (dont on aurait aimé connaître davantage que le patronyme) qui mêle articles originaux ou publiés, extraits littéraires, reproductions iconographiques, transcriptions de sources. Cette foisonnante récolte confirme ce que Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud démontrent : les archives du féminicide existent, seule la volonté de les trouver a longtemps fait défaut. Les 22 contributions pluridisciplinaires de leur ouvrage traquent les traces de ces meurtres de femmes, jamais identifiés comme tels. Le risque aurait été de n'offrir qu'un inventaire, destiné aux chercheurs plus qu'au grand public et de surcroît non exhaustif, des sources disponibles pour étudier ce phénomène. L'ouvrage évite cet écueil. Il nomme les pièces à conviction : lettres de rémission médiévales, rapports des présidents d'assises envoyés au ministère de la Justice au XIXe siècle, fonds de l'American Women's Hospital sur le génocide arménien, paroles masculines dans les programmes de prévention, médiatisation, récit militant contre un déni de justice à Toulouse en 2015, etc. Mais il révèle aussi la façon dont ces crimes ont été perçus à leur époque, en fonction de différentes normes genrées associant le pouvoir et l'honneur au masculin, la réserve et la soumission au féminin. Ne faut-il pas attribuer à la banalisation de la violence en milieu colonial le pilonnage de la plupart des feuillets des réquisitoires des crimes, toutes catégories confondues ? Si les archives coloniales d'outre-mer ont permis de comptabiliser 6 % de féminicides sur 785 meurtres commis en Nouvelle-Calédonie entre 1860 et 1940 (dont 40 % par des Européens, 22 % par des Kanaks et 20 % par des « engagés »), elles n'informent guère davantage. Cette remarquable entreprise parvient, à la suite d'Arlette Farge, à pénétrer au coeur de l'archive, en se déprenant de nos jugements et de nos moeurs. Pour autant, notre réaction devant ces faits ne peut être celle du passé, y compris proche : ainsi de l'uxoricide (meurtre de l'épouse par l'époux) d'Hélène Rytmann perpétré par le philosophe Louis Althusser en 1980. Tenter de comprendre ces crimes en qualifiant leur cause avec précision est une des qualités des recherches passionnantes de ces livres. Elles perçoivent la logique rendant possibles de multiples féminicides, voire les encourageant, ou les jugeant si différemment : condamnés (souvent peu sévèrement), minimisés, invisibilisés, niés, excusés, ou même légalisés. Cas extrême : dans la Rome antique, « l'institutionnalisation de la mise à mort des femmes », pour « souillure sexuelle », adultère, mais aussi consommation de vin, prélude à ladite impureté. Cette condamnation, souligne Aude Chatelard, « relève du contrôle des corps et de la sexualité féminine, mais aussi de la reproduction et de la protection de la pureté des lignées familiales ». Ces victimes meurent, non parce que femmes au sexe haï par l'homme, mais pour avoir enfreint des règles genrées. On l'aura compris, identifier les féminicides et leurs origines dépend de la définition à laquelle on se réfère. De même le choix de distinguer un continuum entre ces violences assassines, lequel accuse le patriarcat. La mise en lumière de ce « continuum féminicidaire » systémique est au coeur de l'histoire mondiale dirigée par Christelle Taraud. Ces crimes y sont reliés entre eux sans souci de leur géographie et de leur chronologie, les regroupant en raison de leur articulation avec les masculinismes, les génocides, la colonisation... Cette lecture est particulièrement probante dans le cas des « chasses aux sorcières », de l'élimination de ces femmes « diaboliques » par l'Inquisition ou de la traque actuelle de certaines Africaines, pareillement accusées. Mais d'un livre à l'autre, une question interpelle : l'absence d'une unique définition du féminicide ne brouille-t-elle pas le message ? Si le viol est indiscutablement un crime, celle qui, traumatisée, y survit se considère-t-elle comme victime d'un féminicide ? Cette acception ne risque-t-elle pas de cacher la finalité complexe des viols de guerre ? Le débat est ouvert, il ne peut qu'enrichir les apports essentiels de ces livres sur un sujet d'une toujours brûlante actualité. Mot clé : Livres Yannick Ripa est professeure à l'université Paris-VIII. Les Archives du féminicide, Lydie Bodiou, Frédéric Chauvaud (dir.), Hermann, 2022, 460 p., 35 €. Féminicides. Une histoire mondiale, Christelle Taraud (dir.), La Découverte, 2022, 928 p., 39 €.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 76

Titre :	Guide des Livres : Nettoyage ethnique à Diego-Garcia
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Eric Jennings, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 76
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	ethnique Philippe Sands lecture
Note de contenu :	Dans les années 1960, les Britanniques ont chassé les habitants de l'archipel des Chagos. Pour le lecteur avisé, Diego-Garcia évoquera le nom d'une île de l'Océan indien qui a servi de base pour les États-Unis au long de la guerre froide, puis pendant les deux guerres d'Irak et celle d'Afghanistan. Mais ce que retrace ici l'avocat franco-britannique Philippe Sands, c'est l'histoire d'une stratégie délibérée de la part du Royaume-Uni de vider cet archipel de sa population, tout en le scindant de l'État mauricien, qui voit le jour en 1968, déjà amputé des îles Chagos. L'objectif consistant à créer une nouvelle entité baptisée British Indian Ocean Territory. Les 1500 habitants de l'archipel en furent chassés, leurs animaux domestiques abattus, leurs biens saisis, leurs tombes laissées à l'abandon. Tout cela dans le but de permettre aux États-Unis se servir de Diego-Garcia comme base navale. L'approche est originale, la lecture vive : Philippe Sands est acteur assumé de cette histoire tout en se faisant le relais de témoignages et le narrateur des souvenirs d'une femme en particulier, Liseby Élysé. L'analyse se situe au carrefour des droits humains, de la colonisation, des relations internationales, et de l'esprit de Bandung. Est mis à nu, au passage, le discours néocolonial britannique décrivant les insulaires comme des Vendredi, ou encore des « saisonniers » et qualifiant de « visites patrimoniales » les rares pèlerinages autorisés aux Chagossiens dans ce début de nouveau millénaire. Quelques rares critiques viennent au fil de ce récit riche en rebondissements, qui achemine le lecteur aux Nations unies, au Nicaragua, en Namibie et surtout au tribunal international de La Haye. Les archives mauriciennes auraient pu s'avérer précieuses ; l'utilisation exacte des îles Chagos pendant la guerre froide aurait pu être plus détaillée. Cela ne retire rien à l'originalité de ce bel ouvrage, superbement illustré, pionnier dans son analyse d'un véritable nettoyage ethnique, voire d'une « déportation », coïncidant avec une décolonisation incomplète. Les populations majoritairement descendantes d'esclaves d'Afrique orientale se sont vues arrachées de leurs îles dans des conditions indignes, qui leur ont justement rappelé l'esclavage. Une récente décision à La Haye laisse entrevoir un retour des Chagossiens sur leur terre natale. A suivre. Mot clé : Livres Éric Jennings est professeur à l'université de Toronto. La Dernière Colonie, Philippe Sands, Albin Michel, 2022, 240 p., 21,90 €.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 76

Titre :	Guide des Livres : L'affirmation du sang royal
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Anne-Marie Cocula, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 76
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture Arlette Jouanna sang princes légitimité
Note de contenu :	Plongée dans les relations entre les princes et les monarques de l'Ancien Régime. Cet ultime ouvrage d'Arlette Jouanna morte le 29 janvier 2022 s'impose comme la conclusion de l'oeuvre d'une grande historienne. Cette fois, elle scrute, du XIVe au XVIIIe siècle, le groupe resserré et changeant des grands acteurs des relations de pouvoir autour du roi : les princes du sang. Enquête passionnante dont elle souligne l'originalité : « Jamais n'a été envisagé dans le temps long le problème posé à la monarchie française par l'articulation entre la légitimité "naturelle" du sang des princes, à mi-chemin entre la sphère privée et la sphère publique, et la légitimité juridique de la volonté royale, créatrice du droit. » La genèse de la sacralisation des « seigneurs du sang de France » coïncide avec le règne de Philippe VI de Valois, successeur en 1328 des derniers rois capétiens de la branche aînée, Louis X, Philippe V et Charles IV, privés de descendance masculine. Leurs filles furent donc exclues du trône. Dix ans plus tard survinrent les prétentions d'Édouard III, petit-fils par sa mère de Philippe le Bel, avec pour aboutissement la guerre de Cent Ans. Cette « double exclusion » des princesses du sang constitue une singularité bien française. Ce parcours historique s'opère en trois séquences : celle de « l'affirmation politique du sang de France » du milieu du XIVe siècle jusqu'à l'avènement d'Henri IV ; celle de « la défense du rang » avec pour arbitre Richelieu, pour héros fluctuant Henri II de Condé et pour chef d'orchestre Louis XIV ; enfin, au XVIIIe siècle, la longue période du « retour au politique » avec pour apogée la Régence, pour alliés les membres des parlements et, pour apprenti sorcier, le duc d'Orléans, qui monte sur l'échafaud le 6 novembre 1793. Démonstration rigoureuse, riche en récits, références et scènes de théâtre, l'ouvrage ne perd jamais de vue la diversité des destins de personnages de premier plan impatients de se saisir d'un pouvoir presque à portée de main. A cet égard, l'analyse pénétrante d'Arlette Jouanna va au-delà du régime monarchique. Mot clé : Livres Anne Marie Cocula-Vaillières est professeure honoraire de l'université de Bordeaux-Montaigne. Le Sang des princes. Les ambiguïtés de la légitimité monarchique, Arlette Jouanna, Gallimard, 2022, 368 p., 22,50 €.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 77

Titre :	Guide des Livres : Marchands chinois
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	François Gipouloux, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 77
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture marchands commerce Chine capitalisme
Note de contenu :	Commerce, argent, pouvoir. L'impossible avènement d'un capitalisme en Chine, XVIe-XIXe siècle, François Gipouloux, CNRS Éditions, 2022, 368 p., 25 €. C'est devenu une question classique que celle de la « grande divergence » (Kenneth Pomeranz) : pourquoi la Chine n'a-t-elle pas vu se développer, entre le XVIe et le XIXe siècle, le capitalisme qui fleurissait alors en Europe ? François Gipouloux ne se contente pas ici de synthétiser les différentes explications avancées en la matière, ni les travaux nombreux qui ont entrepris de débarrasser l'histoire économique chinoise de la lecture schématique et eurocentrée qui l'avait si longtemps obscurcie. On n'étudie plus l'économie chinoise pour identifier ses erreurs et ses lacunes par rapport à l'économie européenne, et l'on sait bien aujourd'hui que ce ne sont pas les marchands occidentaux qui ont réhabilité en Chine un commerce qui aurait été méprisé et négligé au nom de conceptions confucéennes. Au-delà de son utile effort de synthèse, c'est aussi une recherche originale que propose ici l'auteur, nourrie de sources variées glanées dans le Fujian, l'Anhui, le Shanxi et le Guangdong depuis plus d'une décennie. Marchands du Fujian dont le commerce maritime en mer de Chine se confond volontiers avec la piraterie ; marchands de sel et de bois du Huizhou frayant avec les milieux officiels ; banquiers du Shanxi au coeur d'un commerce continental : c'est au plus près des acteurs de l'économie chinoise que ce livre retrace l'histoire, indissociablement sociale et politique, de l'économie chinoise au temps de la « grande divergence ».

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 77

Titre :	Guide des Livres : Le génie des indigents mensuel 501
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Laurence Fontaine, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 77
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture pauvreté histoire sociale Europe
Note de contenu :	Vivre pauvre. Quelques enseignements tirés de l'Europe des Lumières, Laurence Fontaine, Gallimard, 2022, 512 p., 24 €. Il est probable que ce livre de Laurence Fontaine sur la pauvreté à l'époque des Lumières serve de référence tant il comble tout autant les amateurs d'une histoire sociale ambitieuse que ceux qui s'intéressent aux enjeux contemporains. L'historienne écrit en effet également pour le présent comme l'indique une conclusion pour le moins confondante où elle suggère que la mise à bas des sociétés d'Ancien Régime, fondamentalement inégalitaires, n'a pas empêché certains préjugés de traverser les siècles. Le coeur de l'ouvrage, plus classique, n'en est pas moins extrêmement pertinent. La première partie consiste en une étude précise sur la pauvreté à l'échelle européenne, y compris dans sa dimension genrée. L'auteure nous invite à une véritable immersion dans l'« économie populaire » où la profusion des témoignages individuels comme le luxe des détails n'épuisent jamais la richesse des analyses globales. Il est alors fascinant de constater l'extraordinaire intelligence collective, en particulier en matière de microcrédit, dont font preuve ceux qui n'ont presque rien pour survivre. La seconde section de l'ouvrage s'appuie sur les 125 mémoires envoyés à l'occasion du concours de l'Académie des sciences de Châlons-sur-Marne en 1777, pour saisir comment l'élite transforme la précarité observée au quotidien en question sociale. Comme aujourd'hui, ce type de jugement en surplomb nous en apprend souvent plus sur celui qui l'émet que sur celui qui en est l'objet.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 77

Titre :	Guide des Livres : Un curé en Révolution
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Françoise Hildesheimer, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 77
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture curé Révolution vandalisme oeuvres d'art
Note de contenu :	L'Abbé Grégoire. Une « tête de fer » en Révolution, Françoise Hildesheimer, Nouveau Monde Éditions, 2022, 424 p., 24,90 €. Connu pour ses rapports sur le « vandalisme révolutionnaire » et son opposition aux destructions des oeuvres d'art et biens d'Église pendant la Terreur, l'abbé Grégoire est-il aussi celui qui, douze ans plus tôt, a fait enlever les statues de l'église d'Emberménil (Lorraine) dont il venait d'obtenir la cure, afin de lutter contre l'idolâtrie ? Il est difficile de l'affirmer avec certitude. Pourtant ce paradoxe résume aussi bien l'intérêt que présente la vie de Grégoire que l'esprit de la biographie que livre ici Françoise Hildesheimer, spécialiste de l'histoire politique et religieuse du XVIIIe siècle. Curé engagé dans le mouvement patriotique puis dans la Révolution, notamment en faveur des droits des Juifs et des esclaves, évêque constitutionnel de Blois, Henri Grégoire, que Napoléon surnomma « tête de fer », laisse une carrière aussi riche et singulière que longue, traversée des contradictions qui ont été celles de ses contemporains. Haletante, érudite, cette biographie nous invite à plonger dans cette « vie percutée par l'histoire », sans céder à la tentation de la réhabilitation, tout en rappelant à quel point la Révolution et son legs sont d'une nature indissolublement politique et religieuse.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 77

Titre :	Guide des Livres : Les esclaves de Louis XIV
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Meredith Martin, Auteur ; Gillian Weiss, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 77
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture esclaves Roi-Soleil Marseille
Note de contenu :	Le Roi-Soleil en mer. Art maritime et galériens, Meredith Martin, Gillian Weiss trad. de l'anglais par Élise Trogrlic, EHESS Éditions, 2022, 404 p., 32 €. Saviez-vous qu'il y avait des esclaves en France au temps du Roi-Soleil ? C'est là le premier intérêt de ce livre issu d'une recherche menée par deux historiennes américaines, qui dévoile un pan méconnu du Grand Siècle : l'esclavage à Marseille. Lorsque Louis XIV ordonna à Colbert de transformer la ville rebelle qu'il venait de soumettre (en 1660) en base navale pour les galères et en port franc pour le commerce du Levant, des centaines d'esclaves turcs - 200 en 1664, 2 000 en 1670 - furent achetés à Messine, Venise, Istanbul et ailleurs, ou « razziés » sur les rivages de l'Afrique du Nord. A la fin du XVIIe siècle, 40 galères mouillaient à Marseille, tout à la gloire de Louis XIV. Elles étaient autant des instruments de puissance que des oeuvres d'art. C'est là le second intérêt de ce livre, magnifiquement illustré : mettre en valeur la propagande qui se déploie dans la décoration des navires. La représentation des esclaves turcs sur les galères mais aussi sur les vaisseaux de ligne a contribué à façonner l'image du Roi-Soleil en souverain dominant les mers, à l'exemple du Royal Louis (1670), vaisseau amiral de la flotte du Levant : la plus imposante des sculptures était un bas-relief dessiné par Charles Le Brun recouvert de feuilles d'or montrant un Louis XIV en conquérant romain assis sur un trône, deux esclaves turcs enchaînés à ses pieds. Galères et galériens contribuèrent ainsi à parfaire l'image du roi « très chrétien », les esclaves donnant à voir la domination que le royaume voulait exercer sur l'Islam. La Couronne chercha aussi par là à faire taire les critiques concernant les accords conclus depuis l'époque de François Ier avec l'Empire ottoman. Envers du décor : ces esclaves arabes et africains qui travaillent et dorment enchaînés à un banc, trempés par l'eau salée et écrasés par le soleil, trimant au rythme des coups de fouet, dévorés par les puces et les poux, dans la pestilence de leur sueur et de leurs excréments...

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 78

Titre :	Guide des Livres : La résilience hors Paris
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Jérôme Batout, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 78
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture province Paris débât histoire politique
Note de contenu :	La Revanche de la province, Jérôme Batout, Gallimard-Le Débat, 2022, 128 p., 12 €. Sur le pont aux ânes qu'est l'examen du rapport historique entre Paris et la province, le philosophe et économiste Jérôme Batout ouvre allègrement une perspective nouvelle. Bien sûr, dit-il, il faut prendre en compte la « périphérie » de Christophe Guilluy, les « archipels » de Jérôme Fourquet, les aïeux valise à la main sur le quai de Montparnasse ou d'Austerlitz, les Rastignac défiant en vain la capitale, l'orgueil d'État si rond-de-cuir et ses préfets si dévoués. Mais voilà, surprise : aujourd'hui on ne s'enterre plus à Mamers ou en Ardèche et, au contraire, « la province fait enfin bloc et cesse d'avoir honte » ! En somme, c'est Bienvenue chez les Ch'tis depuis le film de 2008. On taquinera Jérôme Batout, prisonnier de la brièveté de son essai et de ses anticipations qui le font galoper trop vite, à propos de sa description des enjeux de pouvoirs sur la longue durée, de Louis XIV domestiquant les puissants à Versailles à l'arrogance des arrondissements du centre de Paris orchestrant jusqu'aux bals de sous-préfecture ; sur les rapports de force mais aussi de gratitude, respectifs et réciproques, pérennisés sous drapeau ministériel, industriel, financier, démographique, linguistique, savant ou culturel. Il ne peint guère les Parisiens et les provinciaux à l'oeuvre et, du coup, l'on pense très fort à Emmanuel Le Roy Ladurie et sa belle Histoire de France des régions (Seuil, 2001). On s'interroge aussi sur l'exhumation du mot « province », longtemps rayé de la carte et qu'au demeurant personne ne revendique. On dispute cependant avec plaisir, en se demandant si Jérôme Batout n'a pas raison de nous prendre ainsi au collet. Après tout, il est vrai que le Roi-Soleil et Colbert ont visé juste ; qu'en 1848 le suffrage universel a établi une paix armée entre l'autorité centrale, les élus locaux et les électeurs ; que le maillage des échanges et des richesses a garanti une sorte de fluidité, de complémentarité et même de division mimétique profitables au pays tout entier, Paris gérant mais la province restant nourricière. Ce temps-là est révolu, affirme Jérôme Batout, quoi qu'en disent les nostalgiques et les souverainistes. La force du livre est de dire l'ampleur du revirement contemporain en l'arrimant à deux déferlantes, si visibles depuis les années 1980 : la mondialisation d'abord, qui a conduit Paris à « larguer » la province pour « chercher son salut sur les marchés financiers, avec des entreprises sans ouvriers ou des supermarchés sans agriculteurs » et, pour l'argent de poche, la tour Eiffel visitée en masse ; mais aussi la Californian way of life d'importation, qui a « réarmé culturellement la province française » en mettant en vedette ses temporalités au style de vie supposé plus doux, voire plus « bio » et en 5 G. Si bien que Paris et la province en viennent au désarmement général. Mais la province sera gagnante, puisque sa revanche est très inventive et peut redevenir nourricière. Ainsi s'ouvre l'éventail d'un « champ des possibles », y compris dans l'Outre-Mer, auquel le livre réserve, ce qui est rare, un bon chapitre.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 86

Titre :	Guide des bandes dessinées : Malraux en croisière avec « La Joconde »
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Pascal ORY, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 86
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture bd joconde
Note de contenu :	En 1962, La Joconde est prêtée aux musées américains. L'occasion d'une étonnante traversée de l'Atlantique. Scénariste et dialoguiste, Hervé Bourhis est un auteur fécond. Connu pour sa série Le Teckel, il porte un intérêt certain à la vie politique. Mais ce grand amateur des Ramones et du heavy metal ne nous avait pas préparés au scénario du Ministre et La Joconde, dont, avant de le découvrir, seuls quelques initiés peuvent deviner de quoi il s'agit. Si la Joconde du titre est bien celle de Léonard de Vinci, le ministre en question est André Malraux, en charge des « affaires culturelles » sous la présidence du général de Gaulle. Malraux partageait avec son président une conception toute spirituelle et volontiers patriotique de la culture, cet « ensemble des réponses mystérieuses que peut se faire un homme quand il regarde dans la glace ce que sera son visage de mort ». Les grands événements culturels de l'ère Malraux peuvent tous s'interpréter à cette lumière. Deux d'entre eux mêlent étroitement religion de l'art et géopolitique : l'exposition Toutânkhamon de 1967 organisée dans le cadre de la nouvelle « politique arabe » de la France et prototype de la manifestation de masse (1 240 000 visites) ; et le voyage de La Joconde aux États-Unis en 1962, à destination du Moma et de la National Gallery of Art. Il fallait un certain culot - qu'Hervé Bourhis associé à Franck Bourgeron ont eu - pour faire de cet épisode la base d'un scénario de bande dessinée. Ils ont traité en farce vaudevillesque cette traversée, pour l'essentiel à huis clos à bord du paquebot France, comme de bien entendu. Pour ce faire il suffisait d'y lancer, comme un chien dans un jeu de quilles, un personnage lyrique et névrosé. Sujet à des hallucinations alimentées par diverses substances, Malraux est traversé de sursauts politiques où la guerre d'Espagne s'entremêle avec la Résistance, l'auteur de romans admirés avec l'aventurier mythomane, de Gaulle avec Mao. Une folle équipée Autour de ce personnage toujours sur le fil du rasoir, entre grandiose et ridicule, s'agitent des faire-valoir plaisants, caricatures d'une commedia embarquées dans cette folle équipée. Certains sont stéréotypés - l'officier de sécurité soupçonné d'être Algérie-française, l'énarque souffre-douleur, le commandant de bord, sosie du général de Gaulle... D'autres sont des personnalités plus originales dont on peut s'amuser à chercher les clés. A commencer par une redoutable conservatrice du Louvre dénommée Leblanc de Romilly. Le nom est peut-être emprunté à l'helléniste Jacqueline de Romilly mais le caractère se rapprocherait plutôt de celui de Christiane Desroches-Noblecourt, future organisatrice de l'exposition Toutânkhamon. Pendant cette traversée très agitée - mer d'huile mais embrouilles en série, notamment un plongeon du tableau dans les eaux de l'océan Atlantique - passe aussi dans le champ une jeune et riche péronnelle. Attirée par les fortes personnalités, elle ne se trouve à bord que parce qu'elle compte bien poursuivre son chemin après New York jusqu'à La Havane, fief de Fidel Castro. Autant de caractéristiques propres à la rendre désirable aux yeux du ministre. Là aussi le petit jeu permet de retrouver en cette « Chantal Laforge-Sellières » un mélange de références à certains rejetons de la haute bourgeoisie de l'époque tentés par l'extrême gauche. Avec - pourquoi pas ? - un zeste de mondanité à la Louise de Vilmorin, compagne, à l'époque, de Malraux. A voir celui-ci jouer au joli coeur avec Chantal on en vient à se demander si la principale motivation de ce voyage étonnant avec La Joconde n'était pas, pour l'amoureux de Clara, de Josette, de Madeleine, de Louise et de quelques autres, une manière, en effet extraordinaire, donc digne de lui, de séduire la Première Dame du président des États-Unis en exercice : une certaine Jackie Kennedy, née Bouvier... Pascal Ory est professeur émérite à l'université Paris-I. Le Ministre et la Joconde, F. Bourgeron, H. Bourhis, H. Tanquerelle, Casterman, 2022.

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in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 88

Titre :	Guide des Classiques : « L'Idée coloniale en France, 1871-1962 »
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Sylvain Veynare, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 88
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	lecture France colonies thèse
Note de contenu :	En 1972 Raoul Girardet montrait que, même au temps de son apogée, l'idée coloniale n'a cessé d'être contestée. La thèse En trois parties chronologiques, Raoul Girardet analyse la progressive mise en forme de « l'idée coloniale », puis son apogée aux alentours de l'exposition de Vincennes de 1931 et enfin son reflux avec les guerres de décolonisation. Situant son travail sur le plan de « l'histoire collective des idées, des sentiments et des croyances », il identifie les acteurs majeurs de la propagande en faveur de la politique de colonisation, les moyens par lesquels ceux-ci ont entrepris de conquérir l'opinion publique et les innombrables débats auxquels l'idée coloniale a donné lieu, distinguant notamment avec soin les différentes formes historiques de l'anticolonialisme. Loin d'une histoire classique des idées, Girardet, en tentant de mesurer la force de pénétration de l'idée coloniale dans l'opinion publique, livre des analyses que l'on doit inscrire dans la généalogie de l'histoire des représentations et des imaginaires sociaux. Girardet montre que, même au temps de son apogée, l'idée coloniale n'a cessé d'être contestée - au point que « le débat colonial » aurait peut-être été un titre plus approprié à son livre. Étonnamment, il observe que, au moment de la parution de celui-ci, en 1972, « le débat colonial semble définitivement clos ». Le constat peut nous paraître étrange, aujourd'hui que le passé colonial est omniprésent dans l'espace public. Mais il est peut-être aussi la raison qui fait que, malgré les engagements personnels de l'auteur, son histoire de l'idée coloniale, réduite aux conditions de son émergence, de son triomphe et de sa disparition, est si apaisée, « dix ans après les accords d'Évian ». Ce qu'il en reste L'Idée coloniale en France appartient au genre curieux des synthèses qui préexistent aux travaux sur lesquels elles pourraient être fondées. Dans une note liminaire à la deuxième édition (1978), Raoul Girardet présentait ainsi son livre comme le « premier jalon d'une historiographie dont nous ne pouvons prévoir le déroulement ». Depuis lors, en effet, les recherches sur le parti colonial, sur les sciences impériales, sur l'idéologie de la mission civilisatrice, sur les modalités de réception du discours de propagande et sur les différents scandales coloniaux se sont multipliées, précisant et nuançant la thèse de Girardet. Surtout, ces recherches ont dépassé le double cadre - républicain et national - dans lequel Girardet enfermait l'idée coloniale. Elles ont mis en avant d'autres césures que celle de 1871 - remontant aux lendemains de la conquête d'Alger ou à la guerre d'indépendance haïtienne. Se réclamant de l'histoire comparée des sociétés impériales ou de l'histoire transnationale des empires, elles ont également contesté la singularité française de l'idée coloniale. Sylvain Venayre est professeur à l'université Grenoble-Alpes. Raoul Girardet « Singulièrement libre », disait-il. L'itinéraire de Raoul Girardet (1917-2013) fut d'abord celui d'un homme de droite, élevé dans une famille de tradition militaire : maurrassien et membre de l'Action française dans les années 1930 ; résistant issu du nationalisme pendant la Seconde Guerre mondiale ; partisan de l'Algérie française dans le cadre de l'OAS au début des années 1960. Devenu maître de conférences puis professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, où il a enseigné pendant une trentaine d'années, il a constitué, avec Jean Touchard et René Rémond, une équipe d'enseignants très populaires auprès de leurs étudiants (dont Jean-Pierre Chevènement, qui signe la brève préface de cette réédition). S'il a publié moins que ses collègues - « par paresse », selon lui -, on lui doit des études dont le sérieux et la rigueur sont d'autant plus remarquables qu'elles portaient sur ses propres passions et valeurs : la société militaire, le nationalisme, le colonialisme et les mythologies politiques françaises.

[article]
in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 94-95

Titre :	Guide des Sorties : Cinéma - Les mondes de Charlotte
Type de document :	Livres, articles, périodiques
Auteurs :	Antoine Baecque de, Auteur
Année de publication :	2022
Article en page(s) :	p. 94-95
Langues :	Français (fre)
Mots-clés :	film d'animation nazi France Allemagne
Note de contenu :	Ce film d'animation mêle l'oeuvre et la vie de l'artiste Charlotte Salomon assassinée par les nazis. En quelques mois, entre fin 1940 et mi 1942, Charlotte Salomon, une jeune artiste berlinoise de 25 ans, peint, en petit format quart-raisin, plus de 1 300 gouaches et aquarelles illustrant son existence et celle de ses proches. Mais aussi ses rêves, ses cauchemars, la vie quotidienne et l'actualité historique qu'elle a traversées depuis quinze ans. Elle est alors réfugiée à Villefranche-sur-Mer, près de Nice, dans une petite maison au fond de la grande propriété d'une riche Américaine d'origine allemande, Ottilie Moore, qui accueille des personnes venues des quatre coins de l'Europe en guerre. Cette oeuvre rassemblée sous le titre Leben ? Oder Theater ? (Vie ? Ou Théâtre ?), désormais reconnue dans le monde entier, est un exemple assez unique d'expression artistique et sensible d'une vie et d'une psyché tourmentées par les aléas de l'existence et les événements de l'histoire. Extrêmement colorées, entre narration et symbolisme, visions oniriques et réalisme documentaire, aux traits habiles, souvent virtuoses, serpentins ou parfois torturés, ces peintures sont particulièrement émouvantes. Surtout, elles composent une épopée intime où chaque spectateur peut sentir palpiter les émotions de l'artiste, saisir ses emportements ou ses angoisses, partager les faits de son existence comme les scènes dont elle a, le plus souvent, été le témoin. Ce roman familial visuel ne cache rien des malheurs qui la frappent, ni des élans et des amours qui, soudain, peuvent l'emporter, l'élever, l'accabler. Il révèle même les actes qu'elle se sent obligée de commettre : elle empoisonne son grand-père impotent et autoritaire d'une omelette au véronal. Brutale prise de conscience Le film d'Éric Warin et Tahir Rana choisit la technique de l'animation pour entremêler la vie et l'oeuvre. L'idée est belle car le style même de Charlotte Salomon s'y prête à merveille. Soudain, sur l'écran, les traits et les couleurs apparaissent, dessinent la forme du film, font surgir mots, poèmes, dates ou recomposent des saynètes et des rêves, des moments d'histoire : la Nuit de cristal, les chasses aux Juifs dans le Berlin nazi... Exactement comme l'artiste l'a fait elle-même, en accompagnant son oeuvre complexe de textes et de musiques, de citations littéraires, de jeux cryptés, de ponctuations fortes. Au point que certains commentateurs ont pu y voir la naissance du roman graphique, comme si les « planches » de Vie ? Ou Théâtre ? s'apparentaient aux cases d'une immense bande dessinée où se jouaient un destin et une vocation. Le film raconte aussi, avec les ressources d'une animation classique de ligne claire, les éléments d'une courte existence incroyablement dense et riche, marquée par de successives et brutales prises de conscience. Ainsi, depuis Berlin, où les nazis prennent le pouvoir et écartent les Juifs de places importantes (notamment le père de Charlotte, médecin et professeur d'université, et la jeune artiste, renvoyée de l'Académie des Beaux-Arts), jusqu'à l'arrestation à Nice de Charlotte et de son mari, déportés en octobre 1943 à Auschwitz, où elle est immédiatement assassinée, la jeune femme encaisse des chocs successifs qui lui révèlent sa voie d'artiste. Être juive alors que sa conscience et son existence laïques l'avaient, jusqu'au début des années 1930, préservée dans le confort de la bonne bourgeoisie de Charlottenbourg. Fuir un pays et une culture tandis qu'elle est tout imprégnée du plus raffiné de la civilisation germanique, ayant trouvé peu à peu sa place au sein de l'avant-garde artistique. Découvrant, enfin, la part maudite de sa lignée féminine : sa mère s'est suicidée, sa grand-mère le fait sous ses yeux, et de nombreuses femmes proches l'ont fait. A chaque fois, face au désespoir et à l'angoisse, il s'agit de surmonter ces traumas, de se montrer plus forte que l'histoire et que les femmes de sa famille. Charlotte Salomon, même si elle en est morte, emportée par le drame de l'histoire, a démontré comment se sauver par l'art, quand ce dernier parvient à donner forme à sa vie.

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