[article] in Les Dossiers de l'Obstétrique > 476 (Janvier 2018) Titre : | Le revanche de la chair | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Dominique Memmi, Auteur | Année de publication : | 2018 | Note générale : | Cet article fait partie du dossier : "Corps, genre et sexe". | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | Corps humain Corps Identité Identité sociale Identité collective | Résumé : | Au cours des années 1990, autour de la naissance, autour de la mort, de nouvelles pratiques ont vu le jour sans que ceux qui les ont introduites se soient véritablement donné le mot. Après avoir, dix ans plus tôt, exhorté les pères à couper le cordon ombilical de leur nouveau-né et à leur donner les premiers soins, on a ré-incité les mères à allaiter, et certains tendent aujourd'hui à leur faire regarder, voire emmener, le placenta. Depuis ces années-là aussi, dans tous les pays occidentaux, chaque fois qu'un enfant meurt, autour de sa naissance à l'hôpital, le père et la mère se voient encouragés à regarder et à toucher le corps du bébé. Plus généralement, une nouvelle théorie du deuil, fort décalée par rapport à la théorie freudienne, s'est diffusée comme une traînée de poudre : chacun se devrait de "faire son deuil", et un tel deuil serait "difficile", voire "impossible" sans confrontation avec un corps ou, à défaut, avec des "traces". La littérature, le cinéma, la presse et même les catalogueurs de bibliothèque ont largement contribué à vulgariser et à marquer du sceau de l'évidence cette conception à la fois volontariste et matérialiste du deuil.
Or cette évolution a produit des effets bien réels. Une exigence de traçabilité s'est imposée au point que des freins à la mobilité des cendres, voir à la crémation elle-même, ont été mis en place dans plusieurs pays européens. Le souci croissant de montrer les corps des défunts à leur proches a fortifié des professions entières et en a moralisé d'autres (comme celles du soin en chambres mortuaires). Certains professionnels de la transplantation se sont même mis à formuler explicitement la crainte que la personne greffée ne rejette psychiquement - et non plus physiquement - le greffon, parce que la personnalité du donneur y serait trop présente. Ajoutons à cela la demande de plus en plus pressante de certaines personnes de se confronter, en chair et en os, à ceux qui ont participé à leur naissance "biologique" d'adoptés, de nés sous X ou de don de sperme... |
[article] Le revanche de la chair [Livres, articles, périodiques] / Dominique Memmi, Auteur . - 2018. Cet article fait partie du dossier : "Corps, genre et sexe". Langues : Français ( fre) in Les Dossiers de l'Obstétrique > 476 (Janvier 2018) Mots-clés : | Corps humain Corps Identité Identité sociale Identité collective | Résumé : | Au cours des années 1990, autour de la naissance, autour de la mort, de nouvelles pratiques ont vu le jour sans que ceux qui les ont introduites se soient véritablement donné le mot. Après avoir, dix ans plus tôt, exhorté les pères à couper le cordon ombilical de leur nouveau-né et à leur donner les premiers soins, on a ré-incité les mères à allaiter, et certains tendent aujourd'hui à leur faire regarder, voire emmener, le placenta. Depuis ces années-là aussi, dans tous les pays occidentaux, chaque fois qu'un enfant meurt, autour de sa naissance à l'hôpital, le père et la mère se voient encouragés à regarder et à toucher le corps du bébé. Plus généralement, une nouvelle théorie du deuil, fort décalée par rapport à la théorie freudienne, s'est diffusée comme une traînée de poudre : chacun se devrait de "faire son deuil", et un tel deuil serait "difficile", voire "impossible" sans confrontation avec un corps ou, à défaut, avec des "traces". La littérature, le cinéma, la presse et même les catalogueurs de bibliothèque ont largement contribué à vulgariser et à marquer du sceau de l'évidence cette conception à la fois volontariste et matérialiste du deuil.
Or cette évolution a produit des effets bien réels. Une exigence de traçabilité s'est imposée au point que des freins à la mobilité des cendres, voir à la crémation elle-même, ont été mis en place dans plusieurs pays européens. Le souci croissant de montrer les corps des défunts à leur proches a fortifié des professions entières et en a moralisé d'autres (comme celles du soin en chambres mortuaires). Certains professionnels de la transplantation se sont même mis à formuler explicitement la crainte que la personne greffée ne rejette psychiquement - et non plus physiquement - le greffon, parce que la personnalité du donneur y serait trop présente. Ajoutons à cela la demande de plus en plus pressante de certaines personnes de se confronter, en chair et en os, à ceux qui ont participé à leur naissance "biologique" d'adoptés, de nés sous X ou de don de sperme... |
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