[n° ou bulletin] est un bulletin de / François DortierTitre : | 367 - avril 2024 - Comment vaincre nos fatigues ? : charge mentale, écrans, insomnies, épuisement professionnel | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Année de publication : | 2024 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | Sciences humaines Fatigue | Résumé : | Nous sommes crevés. À plat, vidés, flapis comme de vieux pneus dégonflés. Étymologiquement, la fatigue vient d’ailleurs du latin « fatis », la crevasse, qui a donné l’adverbe « affatim », « jusqu’à crever, éclater ». Plus de la moitié des Français disent en souffrir, 78 % des jeunes de moins de 35 ans. C’est la grande plainte contemporaine, un des premiers motifs de consultation en médecine générale (avec le mal de dos). Elle touche toutes les sphères de nos existences : familiale, professionnelle, politique. On la nomme burn-out, bore-out, brown-out, dépression, charge mentale, fatigue chronique, informationnelle ou démocratique… Elle colonise les corps, mais aussi les âmes, dans un entrelacs indémêlable. « Tristesse : la fatigue qui entre dans l’âme. Fatigue : la tristesse qui entre dans la chair », écrit le poète Christian Bobin (1951-2022).
Cette complainte colore l’air du temps. Elle dit le chemin parcouru depuis les années 1980-1990, marquées par la culture du narcissisme, le libéralisme effréné, l’apologie du corps musclé, des nuits blanches et des succès faciles, quand triomphaient les émissions télévisées « Gym Tonic » et « Ambitions ». À l’instar de nos aïeux du 19e siècle, frappés par une épidémie de neurasthénie au moment de la révolution industrielle, beaucoup se sentent aujourd’hui comme engourdis face à la succession de crises. C’est le propre des atmosphères « fin de siècle ». L’ancien monde n’en finit plus d’agoniser, sans que le nouveau émerge distinctement. Dans l’entre-deux, l’individu se demande où il va. Il tangue. Narcisse s’affaisse dans son canapé et se fait porter pâle. Il revendique une forme d’impuissance mélancolique, à une époque où il devrait s’adapter toujours plus vite à des configurations nouvelles.
Dans son Essai sur la fatigue (1990), Peter Handke la décrit comme fondamentalement « séparatrice ». Se dire fatigué, ce peut être une façon polie de se retirer du monde commun, faire passer en douce son renoncement à l’effort, à l’engagement, au désir. « Pas ce soir, je suis fatiguée… » Sur le plan politique, l’épuisement se décline en abstention, désengagement et repli identitaire. Il faut y prendre garde. L’histoire rappelle que les sociétés s’effondrent plus souvent sous l’effet d’un affaissement que sous celui d’une catastrophe. Pour autant, la fatigue peut aussi s’avérer bonne conseillère. Symptôme, elle parle. Elle indique la nécessité du repos, tout en révélant, en creux, une envie de vivre autrement, plus en accord avec soi-même. À l’échelle individuelle comme collective, elle exprime l’urgence de se réaxer. Elle murmure que nous sommes fragiles, mais vivants. | Note de contenu : | Éditorial
Crève générale !
Héloïse Lhérété, directrice de la rédaction
Courrier des lecteurs
Qui a inventé la pyramide de Maslow ?
Nicolas Journet
Actualité de la recherche
Muséothérapie, une bouffée d'art frais
Sylvain Marcelli
Margot Giacinti : dans les archives du féminicide
Enjeu
Vers la fin des bébés ?
Jean-François Dortier
Entretien
Gérald Bronner : « J'ai cru fiévreusement en la fin du monde »
Comment vaincre nos fatigues ?
Tous fatigués, corps et âmes
Philippe Zawieja
Georges Vigarello : « La fatigue est évaluée différemment suivant les époques »
8 nuances de fatigue
Martine Fournier
Le réconfort de l'effort
David Le Breton
Fatigue chronique : « même grimper un escalier me coûte »
Marion Rousset
Pourquoi les parents craquent
Béatrice Kammerer
La compassion, une force qui fragilise
Philippe Zawieja
Les écrans, miroirs de nos excès
Fabien Trécourt
Comment vaincre nos fatigues ?
Laurence Serfaty
Référence
Psychologie évolutionniste, le cerveau en héritage
Fabien Trécourt
Le jour où...
Gisèle Halimi plaida la dépénalisation de l'avortement
François Dosse
Livre du mois
Une ethnologue chez les « Baba Speed »
Livres
Le mot qui fâche
Écriture inclusive
Nicolas Journet
|
[n° ou bulletin] est un bulletin de / François Dortier367 - avril 2024 - Comment vaincre nos fatigues ? : charge mentale, écrans, insomnies, épuisement professionnel [Livres, articles, périodiques] . - 2024. Langues : Français ( fre) Mots-clés : | Sciences humaines Fatigue | Résumé : | Nous sommes crevés. À plat, vidés, flapis comme de vieux pneus dégonflés. Étymologiquement, la fatigue vient d’ailleurs du latin « fatis », la crevasse, qui a donné l’adverbe « affatim », « jusqu’à crever, éclater ». Plus de la moitié des Français disent en souffrir, 78 % des jeunes de moins de 35 ans. C’est la grande plainte contemporaine, un des premiers motifs de consultation en médecine générale (avec le mal de dos). Elle touche toutes les sphères de nos existences : familiale, professionnelle, politique. On la nomme burn-out, bore-out, brown-out, dépression, charge mentale, fatigue chronique, informationnelle ou démocratique… Elle colonise les corps, mais aussi les âmes, dans un entrelacs indémêlable. « Tristesse : la fatigue qui entre dans l’âme. Fatigue : la tristesse qui entre dans la chair », écrit le poète Christian Bobin (1951-2022).
Cette complainte colore l’air du temps. Elle dit le chemin parcouru depuis les années 1980-1990, marquées par la culture du narcissisme, le libéralisme effréné, l’apologie du corps musclé, des nuits blanches et des succès faciles, quand triomphaient les émissions télévisées « Gym Tonic » et « Ambitions ». À l’instar de nos aïeux du 19e siècle, frappés par une épidémie de neurasthénie au moment de la révolution industrielle, beaucoup se sentent aujourd’hui comme engourdis face à la succession de crises. C’est le propre des atmosphères « fin de siècle ». L’ancien monde n’en finit plus d’agoniser, sans que le nouveau émerge distinctement. Dans l’entre-deux, l’individu se demande où il va. Il tangue. Narcisse s’affaisse dans son canapé et se fait porter pâle. Il revendique une forme d’impuissance mélancolique, à une époque où il devrait s’adapter toujours plus vite à des configurations nouvelles.
Dans son Essai sur la fatigue (1990), Peter Handke la décrit comme fondamentalement « séparatrice ». Se dire fatigué, ce peut être une façon polie de se retirer du monde commun, faire passer en douce son renoncement à l’effort, à l’engagement, au désir. « Pas ce soir, je suis fatiguée… » Sur le plan politique, l’épuisement se décline en abstention, désengagement et repli identitaire. Il faut y prendre garde. L’histoire rappelle que les sociétés s’effondrent plus souvent sous l’effet d’un affaissement que sous celui d’une catastrophe. Pour autant, la fatigue peut aussi s’avérer bonne conseillère. Symptôme, elle parle. Elle indique la nécessité du repos, tout en révélant, en creux, une envie de vivre autrement, plus en accord avec soi-même. À l’échelle individuelle comme collective, elle exprime l’urgence de se réaxer. Elle murmure que nous sommes fragiles, mais vivants. | Note de contenu : | Éditorial
Crève générale !
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