[article] in Pratiques corporelles > N°53 (Décembre 1981) . - p. 8-14 Titre : | Le passage à l'acte et le passage par l'acte. Vers une théorie analytique de la motricité. [Dossier : Le corps dans la thérapie : La motricité dans la cure psychanalytique] | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Guy Tonella, Auteur | Année de publication : | 1981 | Article en page(s) : | p. 8-14 | Langues : | Français (fre) | Résumé : | Il était déjà question de regard dans les séances d'analyse qui précédaient celles-ci. Jean-Claude est allongé sur le divan. Il ME parle de l'entrevue qu'il a eue la veille au soir avec la patronne d'un restaurant pour être embauché comme serveur. Il ME dit alors : "Vers la fin de l'entrevue, elle m'a parlé en me regardant droit dans les yeux avec insistance. Ca m'a gêné, je n'ai pas pu soutenir son regard. J'étais profondément mal à l'aise... Je ne sais pas pourquoi". Il se tait, esquisse un mouvement de redressement, tourne la tête et ME regarde. Il s'allonge de nouveau. Silence : il cherche, ça se sent. Il ME dit : "Ca me RAPPELLE le regard de mon père : j'étais tout petit, je ne pouvais déjà plus le regarder dans les yeux... je baissais les yeux".
Evidence du transfert.
Passage à l'acte ou passage par l'acte ?
Il n'est pas interdit de me regarder. Mais l'interprétation classique d'un tel comportement serait celui du passage à l'acte (acting out) : agissement ou mise en acte motrice d'un désir refoulé qui resurgit maintenant pour se satisfaire directement par le mouvement du corps, court circuitant la parole qui, si elle contenait le désir inconscient et le signifiait par les mots, le donnerait à lire, à décrypter, jusqu'au souvenir de ses origines. Répéter au lieu de se remémorer.
Pourtant, ici, c'est dans la répétition agie que le souvenir eut lieu. Répétition dans l'acte du désir inconscient de regarder le père, porteur du phallus, désir refoulé si précocement - son père, sa mère y ayant aidé - que Jean-Claude oscille, à 31 ans et depuis des années, entre une conduite de trous de serrure obsédante, et une attraction mystique quasi irrépressible mais combien frustrante car il n'y aurait là plus rien à voir du corps d'une femme réelle par un trou de serrure.
Dans le droit fil de la tradition psychanalytique, la question est posée : jusqu'où la parole peut-elle réinvestir les traces mnésiques et jusqu'où la parole est-elle -n'est-elle que - la traductrice en représentation conscience, symbolisatrice, des désirs refoulés et de affects qui y sont liés ? |
[article] Le passage à l'acte et le passage par l'acte. Vers une théorie analytique de la motricité. [Dossier : Le corps dans la thérapie : La motricité dans la cure psychanalytique] [Livres, articles, périodiques] / Guy Tonella, Auteur . - 1981 . - p. 8-14. Langues : Français ( fre) in Pratiques corporelles > N°53 (Décembre 1981) . - p. 8-14 Résumé : | Il était déjà question de regard dans les séances d'analyse qui précédaient celles-ci. Jean-Claude est allongé sur le divan. Il ME parle de l'entrevue qu'il a eue la veille au soir avec la patronne d'un restaurant pour être embauché comme serveur. Il ME dit alors : "Vers la fin de l'entrevue, elle m'a parlé en me regardant droit dans les yeux avec insistance. Ca m'a gêné, je n'ai pas pu soutenir son regard. J'étais profondément mal à l'aise... Je ne sais pas pourquoi". Il se tait, esquisse un mouvement de redressement, tourne la tête et ME regarde. Il s'allonge de nouveau. Silence : il cherche, ça se sent. Il ME dit : "Ca me RAPPELLE le regard de mon père : j'étais tout petit, je ne pouvais déjà plus le regarder dans les yeux... je baissais les yeux".
Evidence du transfert.
Passage à l'acte ou passage par l'acte ?
Il n'est pas interdit de me regarder. Mais l'interprétation classique d'un tel comportement serait celui du passage à l'acte (acting out) : agissement ou mise en acte motrice d'un désir refoulé qui resurgit maintenant pour se satisfaire directement par le mouvement du corps, court circuitant la parole qui, si elle contenait le désir inconscient et le signifiait par les mots, le donnerait à lire, à décrypter, jusqu'au souvenir de ses origines. Répéter au lieu de se remémorer.
Pourtant, ici, c'est dans la répétition agie que le souvenir eut lieu. Répétition dans l'acte du désir inconscient de regarder le père, porteur du phallus, désir refoulé si précocement - son père, sa mère y ayant aidé - que Jean-Claude oscille, à 31 ans et depuis des années, entre une conduite de trous de serrure obsédante, et une attraction mystique quasi irrépressible mais combien frustrante car il n'y aurait là plus rien à voir du corps d'une femme réelle par un trou de serrure.
Dans le droit fil de la tradition psychanalytique, la question est posée : jusqu'où la parole peut-elle réinvestir les traces mnésiques et jusqu'où la parole est-elle -n'est-elle que - la traductrice en représentation conscience, symbolisatrice, des désirs refoulés et de affects qui y sont liés ? |
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