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[article]
in L'Histoire > N° 482 (Avril 2021) . - 86
Titre : "Epilogue" de Pablo Velarde Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Pascal ORY, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : 86 Langues : Français (fre) [article] "Epilogue" de Pablo Velarde [Livres, articles, périodiques] / Pascal ORY, Auteur . - 2021 . - 86.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 482 (Avril 2021) . - 86Guide des bandes dessinées : 1928, le marathon d'El Ouafi / Pascal ORY in L'Histoire, N° 500 (Octobre 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 500 (Octobre 2022) . - p. 88
Titre : Guide des bandes dessinées : 1928, le marathon d'El Ouafi Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Pascal ORY, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 88 Langues : Français (fre) Mots-clés : lecture BD 1928 marathon J.O. vainqueur El Ouafi Note de contenu : Aux Jeux olympiques d'Amsterdam un coureur français inattendu s'impose.
Avec ses tonalités ocre, parfois marquées de figures bleues tournant fugitivement au gris, l'album de Nicolas Debon est superbe. L'histoire qu'il nous raconte est à la hauteur, mais pas seulement, puisqu'elle se termine plutôt mal, hors champ. Le hors-champ, ici, est composé, comme souvent dans les albums d'aujourd'hui, de quelques pages d'informations historiques, pleines de détails intéressants mais qui, placées à la fin du volume, lestent tout ce qui précède d'une gravité supplémentaire. Les 100 pages qui précèdent ont, elles, tout du théâtre classique : unité de temps et de lieu, puisqu'il s'agit du marathon des Jeux olympiques de 1928, sur le stade olympique d'Amsterdam.
Les premières planches nous plongent dans le discours solennel de Pierre de Coubertin, rêvant de fonder le monde nouveau, sa « saine démocratie », son « sage et pacifique internationalisme » - on lit entre les phrases les contre-modèles de la démocratie pas saine et de l'internationalisme pas sage -, sur la « rencontre heureuse et fraternelle » entre les jeunesses du monde.
Une revue de détail des nationalités concurrentes au moment où les marathoniens entrent sur la piste met en vedette les plus remarquables : glorieux Américains, mystérieux Japonais et, par-dessus tout, impressionnants « Finlandais volants » qui, aux JO précédents, ont monopolisé les médailles des courses de fond et de demi-fond. A côté de ces illustres les Français font plutôt pâle figure.
Parmi les quatre coureurs un certain Ahmed Boughéra El Ouafi se fait d'autant moins remarquer qu'il est Algérien, alors qu'il possède déjà un palmarès très honorable à son actif, y compris aux JO de 1924 - dont tout le monde sait aujourd'hui qu'ils se sont tenus à Paris. Au reste plutôt chétif, même si sa réputation est déjà faite au sein de l'usine Renault de Billancourt, où il est entré comme décolleteur - façon Charlot des Temps modernes - et où il peut se préparer de manière, en fait, presque professionnelle.
La course est suivie à travers le regard d'un journaliste français, Jules Maertens, du quotidien L'Auto, lui-même ancien champion de fond. Un regard mobilisé par le suivi des athlètes, mais un esprit traversé par des flashs de pensée : le monde nouveau, harmonieux et plus juste, qui naît de la Grande Guerre, la course qui se tend, « telle l'échine d'un animal fabuleux », et les considérations techniques sur les chaussures ad hoc. Jusqu'à ce que « le petit Arabe » commence à se détacher. Là « les diplômes, la renommée, la fortune ne sont d'aucun secours ». Les leaders, les uns après les autres, décrochent, et c'est maintenant le pays natal qui, par bouffées, vient au-devant du coureur, le désert, l'oued, les figures agiles des peintures rupestres, les tirailleurs algériens sur le front...
Un vainqueur imprévu et discret
Ahmed Boughéra El Ouafi est donc le vainqueur, imprévu et discret, du marathon olympique de 1928. L'album dessiné s'achève sur cette victoire, glorieuse et solitaire, comme toutes les victoires. L'album documentaire nous en dit plus sur son destin. Plus, mais pas beaucoup, car l'homme échappe à l'investigation. Après son quart d'heure de célébrité il accepte une tournée commerciale aux États-Unis, ce qui entraîne son exclusion définitive de la compétition. C'est son successeur des Jeux de 1956, Alain Mimoun, qui l'exhume de l'oubli - hélas pour peu de temps : il meurt trois ans plus tard dans une fusillade, en banlieue. Règlement de comptes crapuleux ? Règlement de comptes politique, entre le FLN et les messalistes du MNA (4 000 morts entre 1956 et 1952) ? Ou, simplement, erreur de cible ? Il paraît qu'on ne saura jamais. Toujours est-il qu'avec le retard de rigueur et le repentir postcolonial il est désormais beaucoup question d'El Ouafi. Dans la liste des ouvrages et des oeuvres qu'il aura suscités depuis un quart de siècle, gageons que l'album de Nicolas Debon est ce qu'il y a de plus fort et, disons le mot, de plus beau.
Pascal Ory est professeur émérite à l'université Paris-I.
Marathon, Nicolas Debon, Dargaud, 2021.
[article] Guide des bandes dessinées : 1928, le marathon d'El Ouafi [Livres, articles, périodiques] / Pascal ORY, Auteur . - 2022 . - p. 88.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 500 (Octobre 2022) . - p. 88
Mots-clés : lecture BD 1928 marathon J.O. vainqueur El Ouafi Note de contenu : Aux Jeux olympiques d'Amsterdam un coureur français inattendu s'impose.
Avec ses tonalités ocre, parfois marquées de figures bleues tournant fugitivement au gris, l'album de Nicolas Debon est superbe. L'histoire qu'il nous raconte est à la hauteur, mais pas seulement, puisqu'elle se termine plutôt mal, hors champ. Le hors-champ, ici, est composé, comme souvent dans les albums d'aujourd'hui, de quelques pages d'informations historiques, pleines de détails intéressants mais qui, placées à la fin du volume, lestent tout ce qui précède d'une gravité supplémentaire. Les 100 pages qui précèdent ont, elles, tout du théâtre classique : unité de temps et de lieu, puisqu'il s'agit du marathon des Jeux olympiques de 1928, sur le stade olympique d'Amsterdam.
Les premières planches nous plongent dans le discours solennel de Pierre de Coubertin, rêvant de fonder le monde nouveau, sa « saine démocratie », son « sage et pacifique internationalisme » - on lit entre les phrases les contre-modèles de la démocratie pas saine et de l'internationalisme pas sage -, sur la « rencontre heureuse et fraternelle » entre les jeunesses du monde.
Une revue de détail des nationalités concurrentes au moment où les marathoniens entrent sur la piste met en vedette les plus remarquables : glorieux Américains, mystérieux Japonais et, par-dessus tout, impressionnants « Finlandais volants » qui, aux JO précédents, ont monopolisé les médailles des courses de fond et de demi-fond. A côté de ces illustres les Français font plutôt pâle figure.
Parmi les quatre coureurs un certain Ahmed Boughéra El Ouafi se fait d'autant moins remarquer qu'il est Algérien, alors qu'il possède déjà un palmarès très honorable à son actif, y compris aux JO de 1924 - dont tout le monde sait aujourd'hui qu'ils se sont tenus à Paris. Au reste plutôt chétif, même si sa réputation est déjà faite au sein de l'usine Renault de Billancourt, où il est entré comme décolleteur - façon Charlot des Temps modernes - et où il peut se préparer de manière, en fait, presque professionnelle.
La course est suivie à travers le regard d'un journaliste français, Jules Maertens, du quotidien L'Auto, lui-même ancien champion de fond. Un regard mobilisé par le suivi des athlètes, mais un esprit traversé par des flashs de pensée : le monde nouveau, harmonieux et plus juste, qui naît de la Grande Guerre, la course qui se tend, « telle l'échine d'un animal fabuleux », et les considérations techniques sur les chaussures ad hoc. Jusqu'à ce que « le petit Arabe » commence à se détacher. Là « les diplômes, la renommée, la fortune ne sont d'aucun secours ». Les leaders, les uns après les autres, décrochent, et c'est maintenant le pays natal qui, par bouffées, vient au-devant du coureur, le désert, l'oued, les figures agiles des peintures rupestres, les tirailleurs algériens sur le front...
Un vainqueur imprévu et discret
Ahmed Boughéra El Ouafi est donc le vainqueur, imprévu et discret, du marathon olympique de 1928. L'album dessiné s'achève sur cette victoire, glorieuse et solitaire, comme toutes les victoires. L'album documentaire nous en dit plus sur son destin. Plus, mais pas beaucoup, car l'homme échappe à l'investigation. Après son quart d'heure de célébrité il accepte une tournée commerciale aux États-Unis, ce qui entraîne son exclusion définitive de la compétition. C'est son successeur des Jeux de 1956, Alain Mimoun, qui l'exhume de l'oubli - hélas pour peu de temps : il meurt trois ans plus tard dans une fusillade, en banlieue. Règlement de comptes crapuleux ? Règlement de comptes politique, entre le FLN et les messalistes du MNA (4 000 morts entre 1956 et 1952) ? Ou, simplement, erreur de cible ? Il paraît qu'on ne saura jamais. Toujours est-il qu'avec le retard de rigueur et le repentir postcolonial il est désormais beaucoup question d'El Ouafi. Dans la liste des ouvrages et des oeuvres qu'il aura suscités depuis un quart de siècle, gageons que l'album de Nicolas Debon est ce qu'il y a de plus fort et, disons le mot, de plus beau.
Pascal Ory est professeur émérite à l'université Paris-I.
Marathon, Nicolas Debon, Dargaud, 2021.
Guide des bandes dessinées : Le dernier vol d'Hugo Pratt / Pascal ORY in L'Histoire, N° 495 (Mai 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 495 (Mai 2022) . - p. 88
Titre : Guide des bandes dessinées : Le dernier vol d'Hugo Pratt Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Pascal ORY, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 88 Langues : Français (fre) Mots-clés : lecture bd Hugo Pratt Note de contenu : Cinq des derniers récits du maître de la bande dessinée sont regroupés dans un album.
Saint-Exupéry. Le Dernier Vol et autres récits : le titre est complexe, voire ambigu. Seul le premier récit a pour héros l'auteur de Terre des hommes, en ce jour du 31 juillet 1944 où, au-dessus de la Méditerranée, la chasse allemande eut raison de son avion désarmé. L'ensemble de ce bel objet éditorial de plus de 300 pages comprend, en fait, quatre autres nouvelles rééditées, ayant en commun de mettre en scène des militaires, ici britanniques, là italiens, entre les lendemains de la Première Guerre mondiale et les derniers mois de la Seconde.
On retrouve dans ce recueil toutes les qualités qui ont fait le succès d'Hugo Pratt. Allons plus loin : qui ont imposé aux jeunes bédéphiles des années 1960 - le signataire de ces lignes en faisait partie - la révolution Pratt. Révolution graphique faite d'un dessin élégant et nonchalant, aux cadrages raffinés. Révolution littéraire, avec des scénarios et des dialogues absolument inédits dans le monde de la BD - encore très conformiste à cette époque. Toutes ces caractéristiques éclatèrent au grand jour à partir de 1970 dans la série des Corto Maltese. Le Pratt de Saint-Exupéry se rattacherait plutôt à ses périodes argentine et italienne, où l'auteur se confrontait plus explicitement à la tradition populaire des genres - ici l'« aventure » et l'« action » (Ernie Pike, Ann de la jungle, Les Scorpions du désert...). Mais les dates de publication de ces nouvelles (de 1993 à 1995) les situent clairement dans ses dernières années de vie, où, conforté par l'admiration des jeunes générations - de lecteurs d'abord, d'auteurs ensuite -, il peut laisser libre cours à ses audaces, y compris celles qui subvertissent le genre en faisant semblant de l'honorer.
Charme romanesque
Ainsi, dans le deuxième récit, Un pâle soleil printanier, un lieutenant anglais d'ascendance italienne est recruté, à partir d'un poème de jeunesse, pour une mission délicate visant à prendre sur la côte adriatique le contrôle de nids de mitrailleuses allemands, tenus par des « Turcomans », autrement dit des Kirghizes passés du côté du Reich. Complexité des identités et des intrigues, tragique simplicité des destins individuels : tout Pratt est dans ce genre de détails - qui n'en sont pas -, avec des héros rêveurs et flegmatiques, précipités dans la violence de guerre la plus crue.
Au reste, le charme romanesque de Pratt n'est pas qu'une affaire de littérature ; il décolle volontiers vers le fantastique. Dans le récit Baldwin 622, le héros, Solomon Horaz, se met, en plein Sinaï, à dialoguer avec une locomotive rouillée, qui se révèle missionnée pour l'assassiner, en souvenir d'une femme aimée, agent sioniste. Car, comme il se doit, la tradition populaire dans laquelle Pratt se meut avec le plus d'aisance est celle des amours romantiques, des baroudeuses « garçon manqué » et des femmes fatales.
A cet égard la première nouvelle, monologue intérieur de « Saint-Ex » dans les dernières minutes qui précèdent sa mort aux commandes d'un Lockheed P-38 Lightning, est un concentré de cet art-là, qui brasse la chevalerie moderne des aviateurs, la séduction réciproque de l'écrivain aventureux et de la belle Consuelo Gómez Carrillo, qui est devenue en 1931 Mme de Saint-Exupéry, aussi bien que le franchissement d'une des « sept portes du paradis perdu ». Dans le cockpit du P-38 les espaces et les temps s'entremêlent pendant que se rapprochent inéluctablement deux FW 190 allemands : « Eux sont armés, tandis que moi je n'ai que des appareils photo. »
Publiée en 1994 en langue française dans la belle revue A suivre - celle qui installa Pratt dans le Parnasse des « bédéastes » -, cette méditation se termine par une phrase inachevée : « La mort, c'est... » Le 20 août 1995 le dessinateur put, à son tour, clore la phrase laissée en suspens par son camarade d'écriture.
Pascal Ory est professeur émérite à l'université Paris-I.
Saint-Exupéry. Le Dernier Vol et autres récits, Hugo Pratt, Casterman, 2022, 35 €.
À LIRE AUSSI CE MOIS-CI
Maudite Baleine, W. Chendi, Saint-Égrève, Mosquito, 2022.
Bob Denard, le dernier mercenaire, O. Jouvray, L. Cognet, Grenoble, Glénat, 2021.
Ils sont partout, V. Igounet, J. Schwartzmann, Lara, M. Navarro, Les Arènes BD, 2022.
[article] Guide des bandes dessinées : Le dernier vol d'Hugo Pratt [Livres, articles, périodiques] / Pascal ORY, Auteur . - 2022 . - p. 88.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 495 (Mai 2022) . - p. 88
Mots-clés : lecture bd Hugo Pratt Note de contenu : Cinq des derniers récits du maître de la bande dessinée sont regroupés dans un album.
Saint-Exupéry. Le Dernier Vol et autres récits : le titre est complexe, voire ambigu. Seul le premier récit a pour héros l'auteur de Terre des hommes, en ce jour du 31 juillet 1944 où, au-dessus de la Méditerranée, la chasse allemande eut raison de son avion désarmé. L'ensemble de ce bel objet éditorial de plus de 300 pages comprend, en fait, quatre autres nouvelles rééditées, ayant en commun de mettre en scène des militaires, ici britanniques, là italiens, entre les lendemains de la Première Guerre mondiale et les derniers mois de la Seconde.
On retrouve dans ce recueil toutes les qualités qui ont fait le succès d'Hugo Pratt. Allons plus loin : qui ont imposé aux jeunes bédéphiles des années 1960 - le signataire de ces lignes en faisait partie - la révolution Pratt. Révolution graphique faite d'un dessin élégant et nonchalant, aux cadrages raffinés. Révolution littéraire, avec des scénarios et des dialogues absolument inédits dans le monde de la BD - encore très conformiste à cette époque. Toutes ces caractéristiques éclatèrent au grand jour à partir de 1970 dans la série des Corto Maltese. Le Pratt de Saint-Exupéry se rattacherait plutôt à ses périodes argentine et italienne, où l'auteur se confrontait plus explicitement à la tradition populaire des genres - ici l'« aventure » et l'« action » (Ernie Pike, Ann de la jungle, Les Scorpions du désert...). Mais les dates de publication de ces nouvelles (de 1993 à 1995) les situent clairement dans ses dernières années de vie, où, conforté par l'admiration des jeunes générations - de lecteurs d'abord, d'auteurs ensuite -, il peut laisser libre cours à ses audaces, y compris celles qui subvertissent le genre en faisant semblant de l'honorer.
Charme romanesque
Ainsi, dans le deuxième récit, Un pâle soleil printanier, un lieutenant anglais d'ascendance italienne est recruté, à partir d'un poème de jeunesse, pour une mission délicate visant à prendre sur la côte adriatique le contrôle de nids de mitrailleuses allemands, tenus par des « Turcomans », autrement dit des Kirghizes passés du côté du Reich. Complexité des identités et des intrigues, tragique simplicité des destins individuels : tout Pratt est dans ce genre de détails - qui n'en sont pas -, avec des héros rêveurs et flegmatiques, précipités dans la violence de guerre la plus crue.
Au reste, le charme romanesque de Pratt n'est pas qu'une affaire de littérature ; il décolle volontiers vers le fantastique. Dans le récit Baldwin 622, le héros, Solomon Horaz, se met, en plein Sinaï, à dialoguer avec une locomotive rouillée, qui se révèle missionnée pour l'assassiner, en souvenir d'une femme aimée, agent sioniste. Car, comme il se doit, la tradition populaire dans laquelle Pratt se meut avec le plus d'aisance est celle des amours romantiques, des baroudeuses « garçon manqué » et des femmes fatales.
A cet égard la première nouvelle, monologue intérieur de « Saint-Ex » dans les dernières minutes qui précèdent sa mort aux commandes d'un Lockheed P-38 Lightning, est un concentré de cet art-là, qui brasse la chevalerie moderne des aviateurs, la séduction réciproque de l'écrivain aventureux et de la belle Consuelo Gómez Carrillo, qui est devenue en 1931 Mme de Saint-Exupéry, aussi bien que le franchissement d'une des « sept portes du paradis perdu ». Dans le cockpit du P-38 les espaces et les temps s'entremêlent pendant que se rapprochent inéluctablement deux FW 190 allemands : « Eux sont armés, tandis que moi je n'ai que des appareils photo. »
Publiée en 1994 en langue française dans la belle revue A suivre - celle qui installa Pratt dans le Parnasse des « bédéastes » -, cette méditation se termine par une phrase inachevée : « La mort, c'est... » Le 20 août 1995 le dessinateur put, à son tour, clore la phrase laissée en suspens par son camarade d'écriture.
Pascal Ory est professeur émérite à l'université Paris-I.
Saint-Exupéry. Le Dernier Vol et autres récits, Hugo Pratt, Casterman, 2022, 35 €.
À LIRE AUSSI CE MOIS-CI
Maudite Baleine, W. Chendi, Saint-Égrève, Mosquito, 2022.
Bob Denard, le dernier mercenaire, O. Jouvray, L. Cognet, Grenoble, Glénat, 2021.
Ils sont partout, V. Igounet, J. Schwartzmann, Lara, M. Navarro, Les Arènes BD, 2022.
Guide des bandes dessinées : L'errance d'un tambour / Pascal ORY in L'Histoire, N° 496 (Juin 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 496 (Juin 2022) . - p. 88
Titre : Guide des bandes dessinées : L'errance d'un tambour Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Pascal ORY, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 88 Langues : Français (fre) Mots-clés : BD lecture Russie Napoléon armée guerre Note de contenu : Simon Spruyt relate la campagne de Russie de la Grande Armée de Napoléon et la débâcle qui s'ensuivit.
Celles et ceux, nombreux, qui s'interrogent, ces temps-ci, sur l'identité nationale russe, et en particulier sur les mythes qui l'alimentent, auront tout bénéfice à lire cet album. Dépourvu de toute intention politique ou géopolitique mais animé par un vrai génie romanesque, il est une belle illustration - c'est le mot - de la fameuse formule de Georges Perec sur l'Histoire « avec sa grande Hache ».
Nous sommes en Russie, en 1812. Une date qui aujourd'hui ne dit pas grand-chose aux Français - sauf s'ils s'intéressent à Tchaïkovski, chantre de sa patrie, et à son Ouverture 1812 - mais qui reste inoubliable pour la fierté russe, l'équivalent tsariste de la « Grande Guerre patriotique » de 1941 chère à Vladimir Poutine. L'histoire commence au coeur de la bataille de Borodino, plus connue du côté français sous le nom de « la Moskova » : une victoire française, avant une série de catastrophes qui entraîneront la chute de Napoléon.
Vincent, petit tambour de la Grande Armée, joue en son sein un rôle qui n'a rien de décoratif. Ce n'est pas qu'un « loin-des-balles » ; c'est lui qui donne à ses camarades le rythme, l'allant, peut-être bien le courage. Et, pour ne rien gâter, ce jeune garçon a la figure d'un ange. Le récit qu'il nous fait de ce moment surprenant où les Français pénètrent dans Moscou désert et bientôt incendié est saisissant. Les vainqueurs du jour - qui seront les vaincus du lendemain - entrent dans un univers de plus en plus étrange pour eux et, surtout, de plus en plus inquiétant, où la neige se met à tomber, où les convois s'embourbent, où les cosaques multiplient les escarmouches.
Un peu de chandelle pour le gras
Quand l'ombre de la mort commence à s'étendre sur Vincent, il a la chance d'être fait prisonnier par un gentleman-patriote russe, Denis Davidov (une curieuse figure, celui-là, « poète et général », connu des Russes amateurs de poésie), qui aime les beaux garçons. Au vrai tout est dit dès le début, quand Napoléon passe à cheval à proximité de la petite troupe dont fait partie Vincent. L'empereur esquisse un sourire. Deux soldats croient que ce sourire s'adresse à chacun d'eux personnellement. Le caporal, à qui on ne la fait pas, tranche : « Il ne souriait à personne. Il sait faire semblant. Rien de plus. » Dans son coin, le petit tambour n'en pense pas moins : « Il me souriait à moi. »
Un des charmes de cette aventure qui, partie de la Moskova historique, ne s'arrêtera plus jusqu'au Borodino littéraire de Guerre et Paix, cinquante ans plus tard, est de se nouer autour du fil ténu de cet innocent ambigu, qui échappe à mille morts grâce à sa belle gueule et à son esprit de survie. « Personne n'est innocent, Vincent. Sauf toi » en est la morale, à supposer que c'en soit une. Et il est vrai qu'au moins une fois il aura agi en suivant les principes d'une éthique humaniste, en sauvant la vie à une jeune paysanne russe. Il en sera récompensé puisque la jeune paysanne, à son tour, le sauvera de la colère de ses compatriotes.
On met du temps à comprendre que le récit de Vincent, devenu cinquante ans plus tard moujik à grande barbe, s'adresse à un visiteur russe qui n'est autre que Léon Tolstoï. Ce que l'on comprend, en revanche, dès la première page, c'est que voilà un livre superbe, aux images à la fois très colorées et comme vaporeuses, en contraste troublant avec une réalité violente, faite de têtes coupées et de poitrines perforées. Où, quand le cuistot fait bouillir la marmite, elle est remplie de viande de cheval tué et de poudre à fusil, avec un peu de chandelle pour le gras. Où, après le combat, il n'est pas question de faire des prisonniers. Cette réalité-là, qu'une morale humaniste avait pensé tenir en lisière, est, à ce qu'il paraît, d'une actualité constante.
Pascal Ory est professeur émérite à l'université Paris-I
Le Tambour de la Moskova, Simon Spyrut, Bruxelles, Le Lombard, 2021, 19;99 €.
[article] Guide des bandes dessinées : L'errance d'un tambour [Livres, articles, périodiques] / Pascal ORY, Auteur . - 2022 . - p. 88.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 496 (Juin 2022) . - p. 88
Mots-clés : BD lecture Russie Napoléon armée guerre Note de contenu : Simon Spruyt relate la campagne de Russie de la Grande Armée de Napoléon et la débâcle qui s'ensuivit.
Celles et ceux, nombreux, qui s'interrogent, ces temps-ci, sur l'identité nationale russe, et en particulier sur les mythes qui l'alimentent, auront tout bénéfice à lire cet album. Dépourvu de toute intention politique ou géopolitique mais animé par un vrai génie romanesque, il est une belle illustration - c'est le mot - de la fameuse formule de Georges Perec sur l'Histoire « avec sa grande Hache ».
Nous sommes en Russie, en 1812. Une date qui aujourd'hui ne dit pas grand-chose aux Français - sauf s'ils s'intéressent à Tchaïkovski, chantre de sa patrie, et à son Ouverture 1812 - mais qui reste inoubliable pour la fierté russe, l'équivalent tsariste de la « Grande Guerre patriotique » de 1941 chère à Vladimir Poutine. L'histoire commence au coeur de la bataille de Borodino, plus connue du côté français sous le nom de « la Moskova » : une victoire française, avant une série de catastrophes qui entraîneront la chute de Napoléon.
Vincent, petit tambour de la Grande Armée, joue en son sein un rôle qui n'a rien de décoratif. Ce n'est pas qu'un « loin-des-balles » ; c'est lui qui donne à ses camarades le rythme, l'allant, peut-être bien le courage. Et, pour ne rien gâter, ce jeune garçon a la figure d'un ange. Le récit qu'il nous fait de ce moment surprenant où les Français pénètrent dans Moscou désert et bientôt incendié est saisissant. Les vainqueurs du jour - qui seront les vaincus du lendemain - entrent dans un univers de plus en plus étrange pour eux et, surtout, de plus en plus inquiétant, où la neige se met à tomber, où les convois s'embourbent, où les cosaques multiplient les escarmouches.
Un peu de chandelle pour le gras
Quand l'ombre de la mort commence à s'étendre sur Vincent, il a la chance d'être fait prisonnier par un gentleman-patriote russe, Denis Davidov (une curieuse figure, celui-là, « poète et général », connu des Russes amateurs de poésie), qui aime les beaux garçons. Au vrai tout est dit dès le début, quand Napoléon passe à cheval à proximité de la petite troupe dont fait partie Vincent. L'empereur esquisse un sourire. Deux soldats croient que ce sourire s'adresse à chacun d'eux personnellement. Le caporal, à qui on ne la fait pas, tranche : « Il ne souriait à personne. Il sait faire semblant. Rien de plus. » Dans son coin, le petit tambour n'en pense pas moins : « Il me souriait à moi. »
Un des charmes de cette aventure qui, partie de la Moskova historique, ne s'arrêtera plus jusqu'au Borodino littéraire de Guerre et Paix, cinquante ans plus tard, est de se nouer autour du fil ténu de cet innocent ambigu, qui échappe à mille morts grâce à sa belle gueule et à son esprit de survie. « Personne n'est innocent, Vincent. Sauf toi » en est la morale, à supposer que c'en soit une. Et il est vrai qu'au moins une fois il aura agi en suivant les principes d'une éthique humaniste, en sauvant la vie à une jeune paysanne russe. Il en sera récompensé puisque la jeune paysanne, à son tour, le sauvera de la colère de ses compatriotes.
On met du temps à comprendre que le récit de Vincent, devenu cinquante ans plus tard moujik à grande barbe, s'adresse à un visiteur russe qui n'est autre que Léon Tolstoï. Ce que l'on comprend, en revanche, dès la première page, c'est que voilà un livre superbe, aux images à la fois très colorées et comme vaporeuses, en contraste troublant avec une réalité violente, faite de têtes coupées et de poitrines perforées. Où, quand le cuistot fait bouillir la marmite, elle est remplie de viande de cheval tué et de poudre à fusil, avec un peu de chandelle pour le gras. Où, après le combat, il n'est pas question de faire des prisonniers. Cette réalité-là, qu'une morale humaniste avait pensé tenir en lisière, est, à ce qu'il paraît, d'une actualité constante.
Pascal Ory est professeur émérite à l'université Paris-I
Le Tambour de la Moskova, Simon Spyrut, Bruxelles, Le Lombard, 2021, 19;99 €.
Guide des bandes dessinées : Libre comme Kazantzaki / Pascal ORY in L'Histoire, N° 492 (Février 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 492 (Février 2022) . - p. 90
Titre : Guide des bandes dessinées : Libre comme Kazantzaki Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Pascal ORY, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 90 Langues : Français (fre) Mots-clés : biographie Kazantzaki Crétois Note de contenu : Une biographie de l'écrivain crétois qui vécut en France.
Les auteurs nous préviennent d'emblée : « De Nikos Kazantzaki la majorité des Français ne connaît que les romans Alexis Zorba et La Dernière Tentation. » C'est encore trop optimiste. Il y a eu un moment Kazantzaki dans les années d'après-guerre - il est mort en 1957 - puis dans celles qui ont suivi la sortie sur les écrans de Zorba le Grec (Michael Cacoyannis, 1964) et de La Dernière Tentation du Christ (Martin Scorsese, 1988). Mais il est à craindre que son nom n'évoque plus grand-chose hors du monde grec.
Calme et désespéré
Comme nous le dit le sous-titre du premier tome - Le Regard crétois, 1883-1919 - le livre d'Allain Glykos et Antonin accompagne le destin du héros jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Publié, comme il se doit, aux éditions Cambourakis, connues pour leurs bandes dessinées mais aussi pour leurs éditions ou rééditions d'une dizaine de titres de Kazantzaki, ce premier tome sera suivi d'un second. Un troisième sera peut-être nécessaire, si riche aura été la vie de cet homme dont la biographie ne se limite pas à une bibliographie. Écrivain prolixe, Kazantzaki a écrit des romans mais aussi des poèmes - dont une toute personnelle version de l'Odyssée de 33 333 vers -, des récits de voyage, des essais, des pièces de théâtre, des scénarios de film. Il a traduit en grec populaire (« démotique ») Platon et Nietzsche, Dante et Jules Verne, mais il a aussi parcouru le monde - et plusieurs fois habité la France, où il a suivi l'enseignement de Bergson. Il est intervenu activement dans la vie politique de son pays jusqu'à créer un parti politique de gauche et figurer, quelques mois, dans un gouvernement. Il a aussi supervisé le rapatriement des populations grecques du Caucase et témoigné de la lutte des républicains espagnols.
L'album d'Allain Glykos et Antonin (le dessin de celui-ci est d'une remarquable finesse) ne prend pas la forme d'une biographie classique mais d'une conversation entre le premier - d'ascendance grecque par son père - et Kazantzaki, qui entraîne son interlocuteur sur les chemins de la Crète encore dominée par les Turcs lorsque Nikos y naît. Sur ceux de la Grèce qui s'ébroue dans une indépendance relative, sous l'égide d'une église orthodoxe que Kazantzaki ne cessera de provoquer, à charge pour elle de le persécuter jusqu'au-delà de sa mort. Et sur ceux, enfin, du monde entier, sur lequel à deux reprises l'ouvre la France : à 14 ans quand il entre à l'école française de Naxos, tenue par des prêtres catholiques, et dix ans plus tard, quand il s'installe à Paris et s'inscrit en Sorbonne.
Mais à l'écouter raconter sa vie, on se dit que son principal maître à penser fut son père, auquel il ne manqua pas de s'opposer tout en absorbant sa leçon de vie. Père méditerranéen, super concentré de virilité, qui lui assène des paroles et, plus encore, des actes de patriotisme que le fils traduit surtout comme paroles et actes de liberté. Le père traumatise définitivement Nikos en l'emmenant jusqu'au gibet où les Turcs viennent de pendre des patriotes grecs et l'oblige à leur baiser les pieds : « Ce n'était pas de l'amour mais quelque chose de plus profond, de plus animal. » A son ombre de « lion » la mère de Nikos se contente, comme il se doit, d'être une sainte. La chance de Nikos est que le père a décidé de le pousser vers les études, parce qu'il ne serait bon qu'à ça. A la Sorbonne il découvre, outre la parole de Bergson, les textes de Nietzsche mais, au fond, c'est déjà dans son premier roman, écrit en Grèce avant son départ pour la France, qu'on entend la voix qui s'imposera par la suite dans ses chefs-d'oeuvre : « Je suis calme, parce que je suis désespéré. » On ramène souvent la philosophie de Kazantzaki à la phrase qu'il a fait graver sur sa tombe : « Je n'espère rien, je ne crains rien. Je suis libre. » Comme un écho, peut-on penser, du « remède quadruple » d'Épicure : « Ne pas craindre les dieux, ne pas craindre la mort, le bonheur est facile à obtenir, la souffrance est facile à supporter. » On n'a pas tort. Le XXIe siècle devrait mieux comprendre encore Kazantzaki que ne l'a fait son XXe.
Katzantzaki, t. 1, Le Regard crétois, 1883-1919, Allain Glykos, Antonin, Cambourakis, 2021.
[article] Guide des bandes dessinées : Libre comme Kazantzaki [Livres, articles, périodiques] / Pascal ORY, Auteur . - 2022 . - p. 90.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 492 (Février 2022) . - p. 90
Mots-clés : biographie Kazantzaki Crétois Note de contenu : Une biographie de l'écrivain crétois qui vécut en France.
Les auteurs nous préviennent d'emblée : « De Nikos Kazantzaki la majorité des Français ne connaît que les romans Alexis Zorba et La Dernière Tentation. » C'est encore trop optimiste. Il y a eu un moment Kazantzaki dans les années d'après-guerre - il est mort en 1957 - puis dans celles qui ont suivi la sortie sur les écrans de Zorba le Grec (Michael Cacoyannis, 1964) et de La Dernière Tentation du Christ (Martin Scorsese, 1988). Mais il est à craindre que son nom n'évoque plus grand-chose hors du monde grec.
Calme et désespéré
Comme nous le dit le sous-titre du premier tome - Le Regard crétois, 1883-1919 - le livre d'Allain Glykos et Antonin accompagne le destin du héros jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Publié, comme il se doit, aux éditions Cambourakis, connues pour leurs bandes dessinées mais aussi pour leurs éditions ou rééditions d'une dizaine de titres de Kazantzaki, ce premier tome sera suivi d'un second. Un troisième sera peut-être nécessaire, si riche aura été la vie de cet homme dont la biographie ne se limite pas à une bibliographie. Écrivain prolixe, Kazantzaki a écrit des romans mais aussi des poèmes - dont une toute personnelle version de l'Odyssée de 33 333 vers -, des récits de voyage, des essais, des pièces de théâtre, des scénarios de film. Il a traduit en grec populaire (« démotique ») Platon et Nietzsche, Dante et Jules Verne, mais il a aussi parcouru le monde - et plusieurs fois habité la France, où il a suivi l'enseignement de Bergson. Il est intervenu activement dans la vie politique de son pays jusqu'à créer un parti politique de gauche et figurer, quelques mois, dans un gouvernement. Il a aussi supervisé le rapatriement des populations grecques du Caucase et témoigné de la lutte des républicains espagnols.
L'album d'Allain Glykos et Antonin (le dessin de celui-ci est d'une remarquable finesse) ne prend pas la forme d'une biographie classique mais d'une conversation entre le premier - d'ascendance grecque par son père - et Kazantzaki, qui entraîne son interlocuteur sur les chemins de la Crète encore dominée par les Turcs lorsque Nikos y naît. Sur ceux de la Grèce qui s'ébroue dans une indépendance relative, sous l'égide d'une église orthodoxe que Kazantzaki ne cessera de provoquer, à charge pour elle de le persécuter jusqu'au-delà de sa mort. Et sur ceux, enfin, du monde entier, sur lequel à deux reprises l'ouvre la France : à 14 ans quand il entre à l'école française de Naxos, tenue par des prêtres catholiques, et dix ans plus tard, quand il s'installe à Paris et s'inscrit en Sorbonne.
Mais à l'écouter raconter sa vie, on se dit que son principal maître à penser fut son père, auquel il ne manqua pas de s'opposer tout en absorbant sa leçon de vie. Père méditerranéen, super concentré de virilité, qui lui assène des paroles et, plus encore, des actes de patriotisme que le fils traduit surtout comme paroles et actes de liberté. Le père traumatise définitivement Nikos en l'emmenant jusqu'au gibet où les Turcs viennent de pendre des patriotes grecs et l'oblige à leur baiser les pieds : « Ce n'était pas de l'amour mais quelque chose de plus profond, de plus animal. » A son ombre de « lion » la mère de Nikos se contente, comme il se doit, d'être une sainte. La chance de Nikos est que le père a décidé de le pousser vers les études, parce qu'il ne serait bon qu'à ça. A la Sorbonne il découvre, outre la parole de Bergson, les textes de Nietzsche mais, au fond, c'est déjà dans son premier roman, écrit en Grèce avant son départ pour la France, qu'on entend la voix qui s'imposera par la suite dans ses chefs-d'oeuvre : « Je suis calme, parce que je suis désespéré. » On ramène souvent la philosophie de Kazantzaki à la phrase qu'il a fait graver sur sa tombe : « Je n'espère rien, je ne crains rien. Je suis libre. » Comme un écho, peut-on penser, du « remède quadruple » d'Épicure : « Ne pas craindre les dieux, ne pas craindre la mort, le bonheur est facile à obtenir, la souffrance est facile à supporter. » On n'a pas tort. Le XXIe siècle devrait mieux comprendre encore Kazantzaki que ne l'a fait son XXe.
Katzantzaki, t. 1, Le Regard crétois, 1883-1919, Allain Glykos, Antonin, Cambourakis, 2021.
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