[article] in L'Histoire > N° 493 (Mars 2022) . - p. 99 Titre : | Guide des Livres : Hommes charismatiques | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | David A. Bell, Auteur | Année de publication : | 2022 | Article en page(s) : | p. 99 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | livre modernité révolutionnaire fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle | Note de contenu : | Le Culte des chefs. Charisme et pouvoir à l’âge des révolutions, David A. Bell, Fayard, 2022, 384 p., 26 €.
Poursuivant une réflexion initiée il y a vingt ans avec le « culte de la nation », l'historien américain David A. Bell, analyse ici la manière dont on passe, dans la modernité révolutionnaire, d'un souverain « père des peuples » à un chef « père de la nation ». Le charisme est le principal ressort de cette mutation, qui accompagne l'affirmation nationale et la participation directe du peuple, plus ou moins démocratiquement, à la souveraineté. Nous sommes dans le cadre des révolutions atlantiques, entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle.
L'auteur convoque cinq figures au soutien de sa démonstration. D'abord un précurseur, Pasquale Paoli, qui exprime en Corse, dans les années 1750 et 1760, avant même le déclenchement de ces révolutions, l'identification charismatique d'un peuple à son chef. Puis quatre autres bâtisseurs, George Washington, Napoléon Bonaparte, Toussaint Louverture, Simon Bolivar. Trois Américains et un Européen, un ratio important pour ceux qui réfléchissent à la création des nations. L'ouvrage se présente comme autant de brèves biographies de chacun, mais le propos est surtout de décrire les ressorts de leur pouvoir sur le peuple dans ces nations nouvelles. Naturellement, la réunion de ces cinq hommes d'exception dans des contextes différents, mais dans une même séquence, met en relief les caractères de ce premier âge « démocratique » qui, par certains aspects, n'en finit pas de durer et se trouve, avec le populisme, en quelque sorte réinventé, voire relégitimé.
De quoi est fait ce charisme, à la fin du XVIIIe siècle ? D'abord de victoires militaires obtenues par des hommes courageux, visionnaires. Ce sont ensuite des sauveurs, surgis au milieu du chaos, d'une crise qui menaçait l'existence même du peuple national, ou était perçue comme telle. Ce sont enfin des fondateurs ou, dans le cas de Napoléon, un régénérateur. Et leur relation avec le peuple est d'abord émotionnelle, l'allégeance pouvant devenir une dévotion. Dans un épilogue stimulant, David A. Bell évoque le lien entre césarisme et démocratie, jusqu'à aujourd'hui, et met le charisme au coeur de cette réflexion : « le charisme politique est effectivement une force combustible, dangereuse, mais nous ne pouvons nous en passer ».
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[article] Guide des Livres : Hommes charismatiques [Livres, articles, périodiques] / David A. Bell, Auteur . - 2022 . - p. 99. Langues : Français ( fre) in L'Histoire > N° 493 (Mars 2022) . - p. 99 Mots-clés : | livre modernité révolutionnaire fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle | Note de contenu : | Le Culte des chefs. Charisme et pouvoir à l’âge des révolutions, David A. Bell, Fayard, 2022, 384 p., 26 €.
Poursuivant une réflexion initiée il y a vingt ans avec le « culte de la nation », l'historien américain David A. Bell, analyse ici la manière dont on passe, dans la modernité révolutionnaire, d'un souverain « père des peuples » à un chef « père de la nation ». Le charisme est le principal ressort de cette mutation, qui accompagne l'affirmation nationale et la participation directe du peuple, plus ou moins démocratiquement, à la souveraineté. Nous sommes dans le cadre des révolutions atlantiques, entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle.
L'auteur convoque cinq figures au soutien de sa démonstration. D'abord un précurseur, Pasquale Paoli, qui exprime en Corse, dans les années 1750 et 1760, avant même le déclenchement de ces révolutions, l'identification charismatique d'un peuple à son chef. Puis quatre autres bâtisseurs, George Washington, Napoléon Bonaparte, Toussaint Louverture, Simon Bolivar. Trois Américains et un Européen, un ratio important pour ceux qui réfléchissent à la création des nations. L'ouvrage se présente comme autant de brèves biographies de chacun, mais le propos est surtout de décrire les ressorts de leur pouvoir sur le peuple dans ces nations nouvelles. Naturellement, la réunion de ces cinq hommes d'exception dans des contextes différents, mais dans une même séquence, met en relief les caractères de ce premier âge « démocratique » qui, par certains aspects, n'en finit pas de durer et se trouve, avec le populisme, en quelque sorte réinventé, voire relégitimé.
De quoi est fait ce charisme, à la fin du XVIIIe siècle ? D'abord de victoires militaires obtenues par des hommes courageux, visionnaires. Ce sont ensuite des sauveurs, surgis au milieu du chaos, d'une crise qui menaçait l'existence même du peuple national, ou était perçue comme telle. Ce sont enfin des fondateurs ou, dans le cas de Napoléon, un régénérateur. Et leur relation avec le peuple est d'abord émotionnelle, l'allégeance pouvant devenir une dévotion. Dans un épilogue stimulant, David A. Bell évoque le lien entre césarisme et démocratie, jusqu'à aujourd'hui, et met le charisme au coeur de cette réflexion : « le charisme politique est effectivement une force combustible, dangereuse, mais nous ne pouvons nous en passer ».
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