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Auteur Huguette MEUNIER
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Faire une suggestion Affiner la rechercheActualité : Il était une fois le papyrus / Huguette MEUNIER in L'Histoire, N° 487 (septembre 2021)
[article]
in L'Histoire > N° 487 (septembre 2021) . - p. 20-23
Titre : Actualité : Il était une fois le papyrus Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Huguette MEUNIER, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : p. 20-23 Langues : Français (fre) Mots-clés : papyrus usage exposition Note de contenu :
L'exposition du Collège de France démonte l'idée reçue du papyrus exclusivement égyptien et rappelle le rôle majeur que ce matériau a joué dans la transmission des savoirs antiques.
Dites « papyrus » et aussitôt naissent des images de pharaons, de pyramides, de temples au long du Nil parcouru de felouques. Le papyrus ne s'est pourtant pas limité à l'Égypte pharaonique. Ce qu'illustre l'exposition qui s'ouvre pour les Journées du patrimoine au Collège de France avec une soixantaine de pièces, issues de collections publiques et privées1.
Depuis 2011 la noble institution organise des expositions gratuites dans les domaines d'expertise de ses professeurs. La précédente, en 2018, coordonnée par Thomas Römer, s'intitulait « Mésha et la Bible : Quand une pierre raconte l'histoire ». Cette fois, le papyrus est à l'honneur sous la houlette de Jean-Luc Fournet, titulaire depuis 2015 de la chaire « Culture écrite de l'Antiquité tardive et papyrologie byzantine ».
L'histoire du papyrus est vaste et longue : on le retrouve dans tout le monde méditerranéen - dans les régions hellénisées et romanisées - et il fut utilisé jusqu'au XIe, avant de céder la place au parchemin puis au papier - papier qui tire son origine de la Chine mais son nom du papyrus.
Le papyrus est d'abord présenté en tant qu'objet, dont on suit la fabrication depuis la plante jusqu'aux divers supports, rouleau, coupon, codex.
La deuxième partie s'attarde sur l'Égypte, la région du monde qui en a livré le plus grand nombre, quelque 70 000 conservés, en l'état ou réutilisés, comme la liste de contribuables d'une région au nord-ouest du Fayoum, qui a ensuite servi au cartonnage d'une momie. Les organisateurs ont voulu montrer la diversité des langues utilisées et des thèmes, avec des textes portant sur les activités intellectuelles ou religieuses mais aussi économiques ou juridiques.
Rouleau non déroulé
La dernière partie nous emmène tout autour de la Méditerranée, des Balkans au Proche-Orient en passant par l'Asie Mineure et bien au-delà. Le témoignage le plus oriental fut trouvé en 1977 à Aï Khanoum (Afghanistan actuel), une cité grecque fondée par les Séleucides, par l'équipe de Paul Bernard. Conservé au musée de Kaboul, cet extrait d'un dialogue philosophique est présenté ici sous la forme d'une impression 3D. Le plus occidental, un feuillet latin du Haut Empire, emballait un trésor monétaire dans la villa romaine de Mané Véchen (Morbihan), et fut découvert dans les années 1970. La pièce la plus ancienne connue est le papyrus dit de Khéops (v. 2600 av. J.-C.), trouvé en 2013 au ouadi el-Jarf, un port de la mer Rouge : il donne de précieuses indications sur l'activité des bateliers qui acheminaient les pierres de construction depuis les carrières jusqu'au site de la future pyramide de Khéops. La plus récente est un texte littéraire du XIe siècle de notre ère, aujourd'hui aux États-Unis. L'intérêt majeur de l'exposition est de situer le papyrus, pour la première fois, dans ce vaste cadre, à travers des pièces dont certaines jamais montrées.
Parmi les pépites, les rouleaux issus de la villa dite « des Papyrus » ou « de Pison » à Herculanum, rescapés de l'éruption volcanique de 79. Seule bibliothèque antique, retrouvée in situ, à nous être parvenue dans son intégralité (environ 800 pièces), elle comportait essentiellement des livres épicuriens, notamment ceux du philosophe Philodème de Gadara, Grec de Syrie, contemporain de Cicéron.
En 86 av. J.-C. Sylla avait pris un décret de fermeture des écoles philosophiques d'Athènes et il est possible qu'un disciple ait réussi à sauver une partie de cette bibliothèque.
Un rouleau non déroulé et un autre ouvert piqueront la curiosité, et montreront les difficultés, aujourd'hui encore, à ouvrir ces rouleaux carbonisés et à les déchiffrer.
Toujours dans les vedettes, les papyrus de Ravenne, notamment le célèbre « testament de César », en réalité du VIe siècle. Et ceux de Constantinople, dont un rescrit impérial en latin de Théodose II (Ve siècle), ou la lettre d'un empereur byzantin du IXe siècle. Car, partout, les gouvernants ont largement utilisé ce support d'écriture à la fois souple, résistant, léger et relativement peu onéreux pour leurs administrations et la diffusion des lois dans tout leur territoire.
La France est bien représentée avec des chartes mérovingiennes - les plus anciens documents originaux de la monarchie française -, comme la charte de Dagobert avec sa signature et celle de belle dimension (33,5 cm sur 93 cm) de Clovis II avec, là encore, sa signature autographe et celle de saint Éloi. Une troisième charte, signée Dagobert, mais apocryphe, illustre une autre caractéristique des papyrus, la floraison des faux. Ici, les moines de Saint-Denis, pour contrer les ambitions de l'évêque de Paris sur leurs possessions, ont réutilisé de vieux papyrus qu'ils ont collés deux par deux sur leur face écrite ; sur les faces vierges dégagées, ils ont inscrit les « preuves » de l'ancienneté de leur droit de propriété. Au XVIIe siècle, des curieux ayant soigneusement décollé les papyrus révélèrent du même coup les textes originaux et le subterfuge efficace des moines dionysiens. Auxquels on doit rendre hommage : en réutilisant des supports anciens, les habiles moines ont fait des archives de Saint-Denis le gisement de papyrus médiévaux le plus riche d'Europe après l'Italie.
Au-delà de la beauté de certaines pièces et de l'émotion qu'elles suscitent, il faut surtout comprendre leur importance intellectuelle et culturelle : sans ces papyrus extrêmement bien conservés, notamment dans les bibliothèques monastiques, on ne connaîtrait pas grand-chose des grands auteurs de l'Antiquité. Pline l'Ancien, déjà, en était bien conscient et écrivait que « l'usage du papyrus est essentiel pour le développement de la civilisation, en tout cas pour en fixer la mémoire ».
* Agrégée d'histoire
Note
1. Catalogue J.-L. Fournet (dir.), Le Papyrus dans tous ses États, de Cléopâtre à Clovis, éd. Collège de France, 2021.
Image : Fresque de la maison des Dames à Akrotiri (Grèce, XVIIe siècle av. J.-C.)
Tankwas, cliché J.-Y. Empereur.
[article] Actualité : Il était une fois le papyrus [Livres, articles, périodiques] / Huguette MEUNIER, Auteur . - 2021 . - p. 20-23.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 487 (septembre 2021) . - p. 20-23
Mots-clés : papyrus usage exposition Note de contenu :
L'exposition du Collège de France démonte l'idée reçue du papyrus exclusivement égyptien et rappelle le rôle majeur que ce matériau a joué dans la transmission des savoirs antiques.
Dites « papyrus » et aussitôt naissent des images de pharaons, de pyramides, de temples au long du Nil parcouru de felouques. Le papyrus ne s'est pourtant pas limité à l'Égypte pharaonique. Ce qu'illustre l'exposition qui s'ouvre pour les Journées du patrimoine au Collège de France avec une soixantaine de pièces, issues de collections publiques et privées1.
Depuis 2011 la noble institution organise des expositions gratuites dans les domaines d'expertise de ses professeurs. La précédente, en 2018, coordonnée par Thomas Römer, s'intitulait « Mésha et la Bible : Quand une pierre raconte l'histoire ». Cette fois, le papyrus est à l'honneur sous la houlette de Jean-Luc Fournet, titulaire depuis 2015 de la chaire « Culture écrite de l'Antiquité tardive et papyrologie byzantine ».
L'histoire du papyrus est vaste et longue : on le retrouve dans tout le monde méditerranéen - dans les régions hellénisées et romanisées - et il fut utilisé jusqu'au XIe, avant de céder la place au parchemin puis au papier - papier qui tire son origine de la Chine mais son nom du papyrus.
Le papyrus est d'abord présenté en tant qu'objet, dont on suit la fabrication depuis la plante jusqu'aux divers supports, rouleau, coupon, codex.
La deuxième partie s'attarde sur l'Égypte, la région du monde qui en a livré le plus grand nombre, quelque 70 000 conservés, en l'état ou réutilisés, comme la liste de contribuables d'une région au nord-ouest du Fayoum, qui a ensuite servi au cartonnage d'une momie. Les organisateurs ont voulu montrer la diversité des langues utilisées et des thèmes, avec des textes portant sur les activités intellectuelles ou religieuses mais aussi économiques ou juridiques.
Rouleau non déroulé
La dernière partie nous emmène tout autour de la Méditerranée, des Balkans au Proche-Orient en passant par l'Asie Mineure et bien au-delà. Le témoignage le plus oriental fut trouvé en 1977 à Aï Khanoum (Afghanistan actuel), une cité grecque fondée par les Séleucides, par l'équipe de Paul Bernard. Conservé au musée de Kaboul, cet extrait d'un dialogue philosophique est présenté ici sous la forme d'une impression 3D. Le plus occidental, un feuillet latin du Haut Empire, emballait un trésor monétaire dans la villa romaine de Mané Véchen (Morbihan), et fut découvert dans les années 1970. La pièce la plus ancienne connue est le papyrus dit de Khéops (v. 2600 av. J.-C.), trouvé en 2013 au ouadi el-Jarf, un port de la mer Rouge : il donne de précieuses indications sur l'activité des bateliers qui acheminaient les pierres de construction depuis les carrières jusqu'au site de la future pyramide de Khéops. La plus récente est un texte littéraire du XIe siècle de notre ère, aujourd'hui aux États-Unis. L'intérêt majeur de l'exposition est de situer le papyrus, pour la première fois, dans ce vaste cadre, à travers des pièces dont certaines jamais montrées.
Parmi les pépites, les rouleaux issus de la villa dite « des Papyrus » ou « de Pison » à Herculanum, rescapés de l'éruption volcanique de 79. Seule bibliothèque antique, retrouvée in situ, à nous être parvenue dans son intégralité (environ 800 pièces), elle comportait essentiellement des livres épicuriens, notamment ceux du philosophe Philodème de Gadara, Grec de Syrie, contemporain de Cicéron.
En 86 av. J.-C. Sylla avait pris un décret de fermeture des écoles philosophiques d'Athènes et il est possible qu'un disciple ait réussi à sauver une partie de cette bibliothèque.
Un rouleau non déroulé et un autre ouvert piqueront la curiosité, et montreront les difficultés, aujourd'hui encore, à ouvrir ces rouleaux carbonisés et à les déchiffrer.
Toujours dans les vedettes, les papyrus de Ravenne, notamment le célèbre « testament de César », en réalité du VIe siècle. Et ceux de Constantinople, dont un rescrit impérial en latin de Théodose II (Ve siècle), ou la lettre d'un empereur byzantin du IXe siècle. Car, partout, les gouvernants ont largement utilisé ce support d'écriture à la fois souple, résistant, léger et relativement peu onéreux pour leurs administrations et la diffusion des lois dans tout leur territoire.
La France est bien représentée avec des chartes mérovingiennes - les plus anciens documents originaux de la monarchie française -, comme la charte de Dagobert avec sa signature et celle de belle dimension (33,5 cm sur 93 cm) de Clovis II avec, là encore, sa signature autographe et celle de saint Éloi. Une troisième charte, signée Dagobert, mais apocryphe, illustre une autre caractéristique des papyrus, la floraison des faux. Ici, les moines de Saint-Denis, pour contrer les ambitions de l'évêque de Paris sur leurs possessions, ont réutilisé de vieux papyrus qu'ils ont collés deux par deux sur leur face écrite ; sur les faces vierges dégagées, ils ont inscrit les « preuves » de l'ancienneté de leur droit de propriété. Au XVIIe siècle, des curieux ayant soigneusement décollé les papyrus révélèrent du même coup les textes originaux et le subterfuge efficace des moines dionysiens. Auxquels on doit rendre hommage : en réutilisant des supports anciens, les habiles moines ont fait des archives de Saint-Denis le gisement de papyrus médiévaux le plus riche d'Europe après l'Italie.
Au-delà de la beauté de certaines pièces et de l'émotion qu'elles suscitent, il faut surtout comprendre leur importance intellectuelle et culturelle : sans ces papyrus extrêmement bien conservés, notamment dans les bibliothèques monastiques, on ne connaîtrait pas grand-chose des grands auteurs de l'Antiquité. Pline l'Ancien, déjà, en était bien conscient et écrivait que « l'usage du papyrus est essentiel pour le développement de la civilisation, en tout cas pour en fixer la mémoire ».
* Agrégée d'histoire
Note
1. Catalogue J.-L. Fournet (dir.), Le Papyrus dans tous ses États, de Cléopâtre à Clovis, éd. Collège de France, 2021.
Image : Fresque de la maison des Dames à Akrotiri (Grèce, XVIIe siècle av. J.-C.)
Tankwas, cliché J.-Y. Empereur.
Actualité : La rue est à nous / Huguette MEUNIER in L'Histoire, N° 502 (Décembre 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 502 (Décembre 2022) . - p. 28-29
Titre : Actualité : La rue est à nous Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Huguette MEUNIER, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 28-29 Langues : Français (fre) Mots-clés : rue activités quotidiennes politique puissance publique contrôle Note de contenu : Territoire partagé autant que disputé, la rue apparaît comme un espace de liberté que la puissance publique cherche (en vain ?) à contrôler.
Homme de la rue, fille des rues, gamin des rues... Le langage populaire souligne bien que, depuis toujours, la rue est à tout le monde, mais pas sur le même registre. Et les expressions contemporaines, street art, street food, montrent que son occupation touche des sphères diverses, du plus trivial au plus créatif. La rue, au fil des âges, apparaît ainsi comme un territoire partagé autant que disputé, espace de liberté que la puissance publique cherche à contrôler. Elle est un lieu de plaisir - carnavals du Moyen Age, Grands Boulevards où l'on flâne, Fête de la musique ; un lieu privilégié de la représentation du pouvoir - entrées royales, défilés militaires, descente triomphale de Charles de Gaulle sur les Champs-Élysées à la Libération (puis des vainqueurs de la Coupe du monde en 1998 et 2018) ; mais aussi la scène majeure de la contestation, défilés, barricades, mouvements « Occupy », sit-in.
L'intérêt premier du gros volume coordonné par Danielle Tartakowsky, spécialiste ...[article] Actualité : La rue est à nous [Livres, articles, périodiques] / Huguette MEUNIER, Auteur . - 2022 . - p. 28-29.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 502 (Décembre 2022) . - p. 28-29
Mots-clés : rue activités quotidiennes politique puissance publique contrôle Note de contenu : Territoire partagé autant que disputé, la rue apparaît comme un espace de liberté que la puissance publique cherche (en vain ?) à contrôler.
Homme de la rue, fille des rues, gamin des rues... Le langage populaire souligne bien que, depuis toujours, la rue est à tout le monde, mais pas sur le même registre. Et les expressions contemporaines, street art, street food, montrent que son occupation touche des sphères diverses, du plus trivial au plus créatif. La rue, au fil des âges, apparaît ainsi comme un territoire partagé autant que disputé, espace de liberté que la puissance publique cherche à contrôler. Elle est un lieu de plaisir - carnavals du Moyen Age, Grands Boulevards où l'on flâne, Fête de la musique ; un lieu privilégié de la représentation du pouvoir - entrées royales, défilés militaires, descente triomphale de Charles de Gaulle sur les Champs-Élysées à la Libération (puis des vainqueurs de la Coupe du monde en 1998 et 2018) ; mais aussi la scène majeure de la contestation, défilés, barricades, mouvements « Occupy », sit-in.
L'intérêt premier du gros volume coordonné par Danielle Tartakowsky, spécialiste ...Guide des Livres : Les tavernes du sultan / Huguette MEUNIER in L'Histoire, N° 484 (Juin 2021)
[article]
in L'Histoire > N° 484 (Juin 2021) . - pp.78-79
Titre : Guide des Livres : Les tavernes du sultan Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Huguette MEUNIER, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : pp.78-79 Langues : Français (fre) Mots-clés : alcool Islam Turquie empire ottoman Résumé : Si le Coran prohibe le vin ici-bas mais le promet dans l'au-delà, l'alcool, notamment le raki, n'a jamais cessé d'être produit, vendu et consommé dans l'Empire ottoman et la Turquie moderne. [article] Guide des Livres : Les tavernes du sultan [Livres, articles, périodiques] / Huguette MEUNIER, Auteur . - 2021 . - pp.78-79.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 484 (Juin 2021) . - pp.78-79
Mots-clés : alcool Islam Turquie empire ottoman Résumé : Si le Coran prohibe le vin ici-bas mais le promet dans l'au-delà, l'alcool, notamment le raki, n'a jamais cessé d'être produit, vendu et consommé dans l'Empire ottoman et la Turquie moderne. Guide des Sorties : Exposition - Frères ennemis, vraiment ? / Huguette MEUNIER in L'Histoire, N° 494 (Avril 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 494 (Avril 2022) . - p. 90
Titre : Guide des Sorties : Exposition - Frères ennemis, vraiment ? Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Huguette MEUNIER, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 90 Langues : Français (fre) Mots-clés : exposition frères ennemis juifs musulmans France Note de contenu : La France a bouleversé les relations entre Juifs et musulmans en Afrique du Nord pendant la colonisation puis en métropole après les indépendances.
La France est aujourd'hui le pays européen qui compte les populations juives et musulmanes les plus importantes d'Europe, héritage d'une histoire largement née dans l'espace colonial du Maghreb à la fin du XIXe siècle et qui s'est poursuivie dans les années 1960 après les indépendances.
En 1830, la conquête de l'Algérie puis le protectorat imposé à la Tunisie (1881) et au Maroc (1912) bouleversent les relations entre les deux communautés qui pendant près d'un millénaire avaient partagé une culture commune, même si les Juifs en terre d'islam avaient le statut de « dhimmi », un statut à la fois discriminatoire et protecteur puisqu'ils pouvaient exercer leur culte.
Le décret Crémieux en 1870 accorde automatiquement la nationalité française aux 35 000 « israélites indigènes » d'Algérie. Mais cette émancipation n'est pas accordée par la puissance coloniale aux trois millions de musulmans, ce qui va progressivement creuser un fossé que Benjamin Stora, commissaire de l'exposition, appelle le « malentendu historique sur la place de chacun dans la société française ». Malgré des initiatives pour lancer des ponts : ainsi le « groupe des Quatre » (avec Moses Levy, Jules Lellouche et Antonio Corpora) créé en Tunisie en 1936 par le peintre Pierre Boucherle et que rejoignent après la Seconde Guerre des artistes musulmans comme Yahia Turki, Abdelaziz Gorgi, donnant naissance en 1949 à l'École de Tunis.
En Algérie, la guerre d'indépendance entre 1954 et 1962 sépare encore davantage les communautés. La plupart des Juifs n'adhèrent pas au nationalisme algérien, incertains de leur sort une fois la France partie.
Le souvenir de la coexistence
De 1945 à 1967 arrivent massivement en France des Juifs venus des pays arabo-musulmans (600 000) et parallèlement près de 700 000 travailleurs musulmans. L'exposition présente de nombreuses photographies sur ce thème. Les premiers bénéficient, comme citoyens français, d'une politique de l'accueil, mais doivent recommencer leur vie dans des conditions difficiles tandis que les familles musulmanes arrivées au cours des Trente Glorieuses subissent des discriminations.
En 1967, avec la guerre des Six-Jours entre Israël et l'Égypte, qui a ouvert la voie au régime d'occupation de la Cisjordanie, la question palestinienne change la donne. Et crée des incompréhensions parfois tragiques. De l'autre côté de la Méditerranée, la situation varie : en Algérie, le souvenir de la coexistence judéo-musulmane ne subsiste que chez les plus âgés alors qu'au Maroc et en Tunisie, l'amorce récente de reconnaissance de la part juive dans leurs patrimoines respectifs ouvre un nouveau chapitre d'une histoire en cours. Cette exposition a le mérite, sans oublier les questions qui divisent, de montrer des documents, des oeuvres d'art, des objets et des récits qui illustrent cette relation et la manière aussi dont la France y a pris part.
Emblématique de cette démarche, l'oeuvre de l'artiste franco-algérien Kader Attia Big Bang, une sphère imposante dont les éclats dessinent croissants et étoiles de David : on peut y lire les racines communes aussi bien que les diffractions et éclatements. Tout un symbole.
À VOIR
Juifs et musulmans de la France coloniale à nos jours, jusqu'au 17 juillet au musée national de l'Histoire de l'immigration, Paris.
[article] Guide des Sorties : Exposition - Frères ennemis, vraiment ? [Livres, articles, périodiques] / Huguette MEUNIER, Auteur . - 2022 . - p. 90.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 494 (Avril 2022) . - p. 90
Mots-clés : exposition frères ennemis juifs musulmans France Note de contenu : La France a bouleversé les relations entre Juifs et musulmans en Afrique du Nord pendant la colonisation puis en métropole après les indépendances.
La France est aujourd'hui le pays européen qui compte les populations juives et musulmanes les plus importantes d'Europe, héritage d'une histoire largement née dans l'espace colonial du Maghreb à la fin du XIXe siècle et qui s'est poursuivie dans les années 1960 après les indépendances.
En 1830, la conquête de l'Algérie puis le protectorat imposé à la Tunisie (1881) et au Maroc (1912) bouleversent les relations entre les deux communautés qui pendant près d'un millénaire avaient partagé une culture commune, même si les Juifs en terre d'islam avaient le statut de « dhimmi », un statut à la fois discriminatoire et protecteur puisqu'ils pouvaient exercer leur culte.
Le décret Crémieux en 1870 accorde automatiquement la nationalité française aux 35 000 « israélites indigènes » d'Algérie. Mais cette émancipation n'est pas accordée par la puissance coloniale aux trois millions de musulmans, ce qui va progressivement creuser un fossé que Benjamin Stora, commissaire de l'exposition, appelle le « malentendu historique sur la place de chacun dans la société française ». Malgré des initiatives pour lancer des ponts : ainsi le « groupe des Quatre » (avec Moses Levy, Jules Lellouche et Antonio Corpora) créé en Tunisie en 1936 par le peintre Pierre Boucherle et que rejoignent après la Seconde Guerre des artistes musulmans comme Yahia Turki, Abdelaziz Gorgi, donnant naissance en 1949 à l'École de Tunis.
En Algérie, la guerre d'indépendance entre 1954 et 1962 sépare encore davantage les communautés. La plupart des Juifs n'adhèrent pas au nationalisme algérien, incertains de leur sort une fois la France partie.
Le souvenir de la coexistence
De 1945 à 1967 arrivent massivement en France des Juifs venus des pays arabo-musulmans (600 000) et parallèlement près de 700 000 travailleurs musulmans. L'exposition présente de nombreuses photographies sur ce thème. Les premiers bénéficient, comme citoyens français, d'une politique de l'accueil, mais doivent recommencer leur vie dans des conditions difficiles tandis que les familles musulmanes arrivées au cours des Trente Glorieuses subissent des discriminations.
En 1967, avec la guerre des Six-Jours entre Israël et l'Égypte, qui a ouvert la voie au régime d'occupation de la Cisjordanie, la question palestinienne change la donne. Et crée des incompréhensions parfois tragiques. De l'autre côté de la Méditerranée, la situation varie : en Algérie, le souvenir de la coexistence judéo-musulmane ne subsiste que chez les plus âgés alors qu'au Maroc et en Tunisie, l'amorce récente de reconnaissance de la part juive dans leurs patrimoines respectifs ouvre un nouveau chapitre d'une histoire en cours. Cette exposition a le mérite, sans oublier les questions qui divisent, de montrer des documents, des oeuvres d'art, des objets et des récits qui illustrent cette relation et la manière aussi dont la France y a pris part.
Emblématique de cette démarche, l'oeuvre de l'artiste franco-algérien Kader Attia Big Bang, une sphère imposante dont les éclats dessinent croissants et étoiles de David : on peut y lire les racines communes aussi bien que les diffractions et éclatements. Tout un symbole.
À VOIR
Juifs et musulmans de la France coloniale à nos jours, jusqu'au 17 juillet au musée national de l'Histoire de l'immigration, Paris.
Guide des Sorties : Exposition - Le samouraï au musée / Huguette MEUNIER in L'Histoire, N° 494 (Avril 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 494 (Avril 2022) . - p. 92
Titre : Guide des Sorties : Exposition - Le samouraï au musée Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Huguette MEUNIER, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 92 Langues : Français (fre) Mots-clés : exposition samouraï art asiatiques Note de contenu : Le musée Guimet met en scène cette élite à la fois militaire et lettrée.
Samouraï : le mot convoque tout un imaginaire de guerriers à pied ou à cheval, luttant à mains nues ou maniant le sabre, l'arc et la lance. Les Sept samouraïs ou Rashômon d'Akira Kurosawa, films des années 1950, sont aujourd'hui des classiques. Mais qui étaient vraiment les samouraïs ? C'est au IXe siècle qu'apparaissent au Japon les bushi, petits groupes armés gravitant autour des notables provinciaux. Peu à peu, cette aristocratie guerrière acquiert loin de Kyoto une force et une autonomie qui favorisent des luttes de clans récurrentes entre la fin du XIIe et le XVIe siècle. En 1600, la victoire de Tokugawa consacre la suprématie du shogunat sur l'empereur, et le pouvoir revient aux grands seigneurs. L'exposition que présente le musée Guimet à partir de ses très riches collections japonaises est centrée sur la longue ère d'Edo (1603-1868). Les samouraïs, nom moderne des bushi, constituent une élite à la fois militaire et lettrée, férue de poésie et jouissant de privilèges, dont le très étonnant seppuku : le suicide par éventration pour sauver son honneur.
Le parcours présente, à travers des objets d'art et estampes, les principales facettes de cette caste ambivalente. L'équipement d'abord, veste haori portée sur le kimono, hakama ou pantalon large, les deux sabres dont le port simultané est un monopole du samouraï. L'exposition analyse aussi sa représentation dans les différentes formes de théâtre. Le nô, issu au XIVe siècle de la littérature classique, les marionnettes du bunraku, et, après le XVIIe siècle, le kabuki, qui s'impose dans la bourgeoisie urbaine.
La classe des samouraïs disparaît avec l'instauration du système impérial à l'époque Meiji (1868-1912), et l'interdiction du port du sabre en 1876. Le samouraï peut dès lors entrer dans l'imaginaire - et les musées, pour notre grand plaisir.
À VOIR
L'arc et le sabre, jusqu'au 29 août 2022, au musée national des Arts asiatiques-Guimet, Paris.
[article] Guide des Sorties : Exposition - Le samouraï au musée [Livres, articles, périodiques] / Huguette MEUNIER, Auteur . - 2022 . - p. 92.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 494 (Avril 2022) . - p. 92
Mots-clés : exposition samouraï art asiatiques Note de contenu : Le musée Guimet met en scène cette élite à la fois militaire et lettrée.
Samouraï : le mot convoque tout un imaginaire de guerriers à pied ou à cheval, luttant à mains nues ou maniant le sabre, l'arc et la lance. Les Sept samouraïs ou Rashômon d'Akira Kurosawa, films des années 1950, sont aujourd'hui des classiques. Mais qui étaient vraiment les samouraïs ? C'est au IXe siècle qu'apparaissent au Japon les bushi, petits groupes armés gravitant autour des notables provinciaux. Peu à peu, cette aristocratie guerrière acquiert loin de Kyoto une force et une autonomie qui favorisent des luttes de clans récurrentes entre la fin du XIIe et le XVIe siècle. En 1600, la victoire de Tokugawa consacre la suprématie du shogunat sur l'empereur, et le pouvoir revient aux grands seigneurs. L'exposition que présente le musée Guimet à partir de ses très riches collections japonaises est centrée sur la longue ère d'Edo (1603-1868). Les samouraïs, nom moderne des bushi, constituent une élite à la fois militaire et lettrée, férue de poésie et jouissant de privilèges, dont le très étonnant seppuku : le suicide par éventration pour sauver son honneur.
Le parcours présente, à travers des objets d'art et estampes, les principales facettes de cette caste ambivalente. L'équipement d'abord, veste haori portée sur le kimono, hakama ou pantalon large, les deux sabres dont le port simultané est un monopole du samouraï. L'exposition analyse aussi sa représentation dans les différentes formes de théâtre. Le nô, issu au XIVe siècle de la littérature classique, les marionnettes du bunraku, et, après le XVIIe siècle, le kabuki, qui s'impose dans la bourgeoisie urbaine.
La classe des samouraïs disparaît avec l'instauration du système impérial à l'époque Meiji (1868-1912), et l'interdiction du port du sabre en 1876. Le samouraï peut dès lors entrer dans l'imaginaire - et les musées, pour notre grand plaisir.
À VOIR
L'arc et le sabre, jusqu'au 29 août 2022, au musée national des Arts asiatiques-Guimet, Paris.
Guide des Sorties : Exposition - Soixante ans d'arts ménagers / Huguette MEUNIER in L'Histoire, N° 493 (Mars 2022)
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