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Auteur Yves Saint-Geours
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Faire une suggestion Affiner la rechercheAstor Piazzolla, la ballade du fou de tango / Yves Saint-Geours in L'Histoire, N° 481 (03/2021)
[article]
in L'Histoire > N° 481 (03/2021) . - pp.20-21
Titre : Astor Piazzolla, la ballade du fou de tango Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Yves Saint-Geours, Auteur Année de publication : 2021 Article en page(s) : pp.20-21 Langues : Français (fre) Résumé : Astor Piazzolla est mort en 1992. Ce musicien argentin a transformé la musique du tango, lui donnant une dimension nouvelle. [article] Astor Piazzolla, la ballade du fou de tango [Livres, articles, périodiques] / Yves Saint-Geours, Auteur . - 2021 . - pp.20-21.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 481 (03/2021) . - pp.20-21
Résumé : Astor Piazzolla est mort en 1992. Ce musicien argentin a transformé la musique du tango, lui donnant une dimension nouvelle. Dossier : Incas - Inca, l'éternel retour / Yves Saint-Geours in L'Histoire, N° 505 (Mars 2023)
[article]
in L'Histoire > N° 505 (Mars 2023) . - p. 52-55
Titre : Dossier : Incas - Inca, l'éternel retour Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Yves Saint-Geours, Auteur Année de publication : 2023 Article en page(s) : p. 52-55 Langues : Français (fre) Mots-clés : histoire Incas politique révolte multiculturalisme Note de contenu : Dans les rébellions qui éclatent contre le gouvernement colonial dans les Andes, le nom du dernier Inca, Tupac Amaru, est invoqué. Aujourd'hui, l'"incaïté" est revendiquée comme part de l'identité indienne. Et réinvestie par le pouvoir politique. [article] Dossier : Incas - Inca, l'éternel retour [Livres, articles, périodiques] / Yves Saint-Geours, Auteur . - 2023 . - p. 52-55.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 505 (Mars 2023) . - p. 52-55
Mots-clés : histoire Incas politique révolte multiculturalisme Note de contenu : Dans les rébellions qui éclatent contre le gouvernement colonial dans les Andes, le nom du dernier Inca, Tupac Amaru, est invoqué. Aujourd'hui, l'"incaïté" est revendiquée comme part de l'identité indienne. Et réinvestie par le pouvoir politique. Guide Livres : Le doux conquistador / Yves Saint-Geours in L'Histoire, N° 504 (Février 2023)
[article]
in L'Histoire > N° 504 (Février 2023) . - p. 86
Titre : Guide Livres : Le doux conquistador Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Yves Saint-Geours, Auteur Année de publication : 2023 Article en page(s) : p. 86 Langues : Français (fre) Mots-clés : livre lecture voyage Amérique indienne sociétés découverte Note de contenu : Qui se souvient de ce conquérant, soucieux de décrire les sociétés découvertes en
Nùñez Cabeza de Vaca occupe une place singulière dans la découverte du Nouveau Monde. D'abord parce qu'il fut le premier à explorer l'espace des États-Unis d'aujourd'hui : la Floride, le nord du golfe du Mexique et le sud de la Californie. Ensuite parce que, loin d'être une conquête, ce fut plutôt une longue errance (1528-1536). L'expédition de 600 hommes au départ de l'Espagne fut réduite à 4 survivants, dont le serviteur marocain Estebanico, premier Africain à avoir mis le pied en Amérique du Nord. Surtout, à cause de l'empathie exprimée par Cabeza de Vaca à l'égard des autochtones, si éloignée de ce qui se passe alors au Mexique et dans les Andes. Revenu en Espagne, il écrit une « relation » à Charles Quint, publiée en 1542 (Naufragios). Si ce récit est plein du souci de porter la parole catholique au Nouveau Monde, c'est aussi un voyage spirituel à la découverte des populations rencontrées et une recherche pour entrer en contact autrement que par la force.
C'est cette histoire que raconte Andrés Reséndez, historien mexicain-américain, dans un ouvrage publié en 2006 et enfin traduit. Chaque étape de l'aventure est analysée avec soin. Son origine, liée aux conflits entre conquistadors et aux arbitrages de la Couronne espagnole. Son organisation et ses déboires : désertions, querelles, un ouragan à Trinidad, le naufrage et la mort de Narvàez, chef de l'expédition (remplacé par Cabeza de Vaca, son trésorier), etc. Les diverses expériences des survivants, en fonction des groupes amérindiens rencontrés : de longues années d'un quasi-esclavage, puis le passage à un autre statut, celui de guérisseurs, de chamanes, d'« hommes-médecine ».
La dernière partie donne au récit toute sa profondeur : la rencontre des survivants avec des Espagnols « chasseurs d'esclaves », médusés devant ces hommes peu vêtus et aux cheveux très longs. Et, très vite, l'incompréhension qui s'installe entre ceux qui « guéri[ssaient] les malades » et ceux qui « tu[aient] ceux qui étaient en bonnes santé ».
Un si étrange pays. Le voyage extraordinaire de Cabeza de Vaca dans l’Amérique indienne, Andrés Resendez, trad. de l’anglais par Paulin Darel, Anacharsis, 2022, 352 p., 24 €.[article] Guide Livres : Le doux conquistador [Livres, articles, périodiques] / Yves Saint-Geours, Auteur . - 2023 . - p. 86.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 504 (Février 2023) . - p. 86
Mots-clés : livre lecture voyage Amérique indienne sociétés découverte Note de contenu : Qui se souvient de ce conquérant, soucieux de décrire les sociétés découvertes en
Nùñez Cabeza de Vaca occupe une place singulière dans la découverte du Nouveau Monde. D'abord parce qu'il fut le premier à explorer l'espace des États-Unis d'aujourd'hui : la Floride, le nord du golfe du Mexique et le sud de la Californie. Ensuite parce que, loin d'être une conquête, ce fut plutôt une longue errance (1528-1536). L'expédition de 600 hommes au départ de l'Espagne fut réduite à 4 survivants, dont le serviteur marocain Estebanico, premier Africain à avoir mis le pied en Amérique du Nord. Surtout, à cause de l'empathie exprimée par Cabeza de Vaca à l'égard des autochtones, si éloignée de ce qui se passe alors au Mexique et dans les Andes. Revenu en Espagne, il écrit une « relation » à Charles Quint, publiée en 1542 (Naufragios). Si ce récit est plein du souci de porter la parole catholique au Nouveau Monde, c'est aussi un voyage spirituel à la découverte des populations rencontrées et une recherche pour entrer en contact autrement que par la force.
C'est cette histoire que raconte Andrés Reséndez, historien mexicain-américain, dans un ouvrage publié en 2006 et enfin traduit. Chaque étape de l'aventure est analysée avec soin. Son origine, liée aux conflits entre conquistadors et aux arbitrages de la Couronne espagnole. Son organisation et ses déboires : désertions, querelles, un ouragan à Trinidad, le naufrage et la mort de Narvàez, chef de l'expédition (remplacé par Cabeza de Vaca, son trésorier), etc. Les diverses expériences des survivants, en fonction des groupes amérindiens rencontrés : de longues années d'un quasi-esclavage, puis le passage à un autre statut, celui de guérisseurs, de chamanes, d'« hommes-médecine ».
La dernière partie donne au récit toute sa profondeur : la rencontre des survivants avec des Espagnols « chasseurs d'esclaves », médusés devant ces hommes peu vêtus et aux cheveux très longs. Et, très vite, l'incompréhension qui s'installe entre ceux qui « guéri[ssaient] les malades » et ceux qui « tu[aient] ceux qui étaient en bonnes santé ».
Un si étrange pays. Le voyage extraordinaire de Cabeza de Vaca dans l’Amérique indienne, Andrés Resendez, trad. de l’anglais par Paulin Darel, Anacharsis, 2022, 352 p., 24 €.Guide des Livres : A quoi pensent les Conquistadors ? / Yves Saint-Geours in L'Histoire, N° 496 (Juin 2022)
[article]
in L'Histoire > N° 496 (Juin 2022) . - p. 80
Titre : Guide des Livres : A quoi pensent les Conquistadors ? Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Yves Saint-Geours, Auteur Année de publication : 2022 Article en page(s) : p. 80 Langues : Français (fre) Mots-clés : lecture Conquistadors Amérique mental Note de contenu : Une plongée dans l'univers mental de ceux qui ont conquis les Amériques.
Colomb, Cortès et Moctezuma, Pizarre et Atawalpa : on est apparemment en terrain balisé, tant les récits de la « conquête », de 1492 à 1542, abondent. Pourtant, il s'agit là d'un maître-livre, car Fernando Cervantes (université de Bristol) enrichit le cadre narratif en y insérant des réflexions sur l'histoire politique, culturelle, et même linguistique, qui permettent d'entrer dans l'univers mental des souverains (les Rois catholiques, Charles Quint) et des conquistadors : le millénarisme chrétien de Joachim de Flore ; les considérations de Saint-Thomas, reprises par le frère Francisco de Vitoria, sur ce qui fonde la domination ou les droits des peuples indigènes en tant que sujets du roi d'Espagne. Cette riche palette permet, sans les justifier, de mieux comprendre les horreurs, et comment, si certaines étaient tolérées, d'autres étaient inadmissibles pour le roi et l'administration espagnole.
Fondée sur une quantité vertigineuse de sources de toute nature, des manuscrits aux chroniques, et d'une ample bibliographie, très anglophone, la fresque avance quelques idées-forces. D'abord, les peuples indigènes ont toujours été vaincus par d'autres peuples indigènes (les Tlaxcaltèques alliés de Cortès au Mexique), quand les souverains eux-mêmes (Manco Inca) n'étaient pas associés aux conquistadors. Ensuite les légendes, dorée et noire, de la conquête, n'aident guère à l'intelligence de ce qui s'est produit alors. Et puis, si les institutions mises en place après un demi-siècle de conquête ont duré presque trois siècles, c'est qu'elles étaient adaptées au mode de relation des souverains avec leurs sujets, fait de respect des droits et privilèges, d'administration décentralisée, de répartition des pouvoirs si difficile à percevoir aujourd'hui. Enfin l'évangélisation n'a pas été un simple vernis sur les cultes préhispaniques, mais bien une acculturation en profondeur qui a créé une religiosité aussi vivace qu'originale.
En bref, ce livre atteint deux objectifs : être une véritable synthèse et être toujours accessible, malgré la complexité.
Mot clé :
Livres
Yves Saint-Geours est membre du comité scientifique de L'Histoire.
Les Conquistadors, Fernando Cervantes, trad. de l’anglais, par Johan-Frédérik Hel Guedj, Perrin, 2022, 579 p., 27 €.
[article] Guide des Livres : A quoi pensent les Conquistadors ? [Livres, articles, périodiques] / Yves Saint-Geours, Auteur . - 2022 . - p. 80.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 496 (Juin 2022) . - p. 80
Mots-clés : lecture Conquistadors Amérique mental Note de contenu : Une plongée dans l'univers mental de ceux qui ont conquis les Amériques.
Colomb, Cortès et Moctezuma, Pizarre et Atawalpa : on est apparemment en terrain balisé, tant les récits de la « conquête », de 1492 à 1542, abondent. Pourtant, il s'agit là d'un maître-livre, car Fernando Cervantes (université de Bristol) enrichit le cadre narratif en y insérant des réflexions sur l'histoire politique, culturelle, et même linguistique, qui permettent d'entrer dans l'univers mental des souverains (les Rois catholiques, Charles Quint) et des conquistadors : le millénarisme chrétien de Joachim de Flore ; les considérations de Saint-Thomas, reprises par le frère Francisco de Vitoria, sur ce qui fonde la domination ou les droits des peuples indigènes en tant que sujets du roi d'Espagne. Cette riche palette permet, sans les justifier, de mieux comprendre les horreurs, et comment, si certaines étaient tolérées, d'autres étaient inadmissibles pour le roi et l'administration espagnole.
Fondée sur une quantité vertigineuse de sources de toute nature, des manuscrits aux chroniques, et d'une ample bibliographie, très anglophone, la fresque avance quelques idées-forces. D'abord, les peuples indigènes ont toujours été vaincus par d'autres peuples indigènes (les Tlaxcaltèques alliés de Cortès au Mexique), quand les souverains eux-mêmes (Manco Inca) n'étaient pas associés aux conquistadors. Ensuite les légendes, dorée et noire, de la conquête, n'aident guère à l'intelligence de ce qui s'est produit alors. Et puis, si les institutions mises en place après un demi-siècle de conquête ont duré presque trois siècles, c'est qu'elles étaient adaptées au mode de relation des souverains avec leurs sujets, fait de respect des droits et privilèges, d'administration décentralisée, de répartition des pouvoirs si difficile à percevoir aujourd'hui. Enfin l'évangélisation n'a pas été un simple vernis sur les cultes préhispaniques, mais bien une acculturation en profondeur qui a créé une religiosité aussi vivace qu'originale.
En bref, ce livre atteint deux objectifs : être une véritable synthèse et être toujours accessible, malgré la complexité.
Mot clé :
Livres
Yves Saint-Geours est membre du comité scientifique de L'Histoire.
Les Conquistadors, Fernando Cervantes, trad. de l’anglais, par Johan-Frédérik Hel Guedj, Perrin, 2022, 579 p., 27 €.
Guide Livres : Le temps des canicides / Yves Saint-Geours in L'Histoire, N° 508 (Juin 2023)
[article]
in L'Histoire > N° 508 (Juin 2023) . - p. 76-77
Titre : Guide Livres : Le temps des canicides Type de document : Livres, articles, périodiques Auteurs : Yves Saint-Geours, Auteur Année de publication : 2023 Article en page(s) : p. 76-77 Langues : Français (fre) Mots-clés : livre lecture massacre chiens Note de contenu : A la fin du XVIIIe siècle, plus de 34 000 chiens furent massacrés dans les villes mexicaines par les autorités. Des tueries semblables eurent ensuite lieu à Paris, Cuba, Madrid ou Istanbul. Arnaud Exbalin montre ce que cela dit de sociétés où l'errance n'a plus sa place.
La liasse 3662 des Archives historiques de la ville de Mexico, section Policia, recèle une documentation unique sur deux massacres de chiens ordonnés par les vice-rois, l'un en 1790-1792 (20 000 victimes), l'autre en 1797-1798 (14 500). C'est au siècle des Lumières que ce genre d'extermination se répand, jusqu'à aujourd'hui. Qui sont donc ces chiens qu'on abat, dans tout l'Occident, et notamment cet Extrême-Occident, qui vit alors au même rythme que de l'autre côté de l'Atlantique ? Et pourquoi ?
C'est à cette passionnante enquête que nous convie Arnaud Exbalin, en campant d'abord le personnage principal, le chien dans l'Amérique de la Conquête. Celui qui était déjà là, dont le xoloitzcuintle, sans poil, promu animal emblématique national dans le XXe siècle mexicain, et le chien espagnol, dont certains molosses dressés pour tuer, « mangeurs d'Indiens » comme dans les codex mexicains des années 1550 ou les gravures de Théodore de Bry. Animal domestique dans l'un et l'autre cas, il est, pour les Amérindiens, plus qu'un auxiliaire de chasse, un commensal ou le symbole de la fidélité. Il est aussi psychopompe, conducteur des âmes dans l'au-delà, ou nourriture rituelle. Pour ces Amérindiens qui participaient à un système de croyances où les frontières entre humain et non-humain étaient incertaines, le meurtre des chiens avait une signification d'une autre nature que la destruction d'êtres nuisibles. Le vice-roi ne s'y trompait d'ailleurs pas, lorsqu'il enjoignait aux gardes de ne pas procéder à une « chasse aveugle » qui pourrait bien dégénérer dans les « quartiers exclusivement peuplés d'Indiens ». A Mexico, la besogne est confiée aux serenos, ces « veilleurs de nuit », souvent de sang mêlé, qui ont en charge la garde et la sécurité d'un quartier. Ils sont certes efficaces, avec leurs bâtons ferrés et leurs hallebardes, mais ils sont aussi honnis, car les choses se passent plutôt mal, les voisins résistent et la révolte gronde face à la cruauté de ces tueries. Est pointé le fait que l'attitude bienveillante à l'égard des animaux ne vient pas en l'occurrence des classes supérieures, influencées par les réflexions sensualistes des Lumières, pour se diffuser ensuite vers la population.
« Chien errant » et « canaille »
Quelque temps avant les premières tueries, et bien avant nombre de villes européennes, Mexico s'est doté d'un éclairage public, ce qui va permettre d'agir nuitamment et participe également d'une gestion urbaine nouvelle, maîtrisée, ordonnée, « civilisée », où nature et culture seraient bien séparées. La catégorie « chien errant » est une invention juridique des Lumières. Les arguments de salubrité, de lutte contre la diffusion des maladies (mais la rage n'est guère présente) ou de rejet du spectacle d'une animalité oisive, quand elle n'est pas luxurieuse, s'imposent, comme s'approfondissent les éléments de domestication (colliers, laisses, etc.). Pourtant, malgré ce contexte, le premier massacre intervient d'abord dans une logique visant à rationaliser la gestion de l'empire et comme une affirmation d'autorité souveraine de la part du vice-roi, face aux autres pouvoirs locaux dans la colonie. C'est ainsi une volonté de contrôle policier des bêtes mais aussi des humains. Revillagigedo, vice-roi régnant en « despote éclairé », mène une ambitieuse politique d'aménagement urbain, de rationalisation, d'embellissement, d'ordre, dans un moment de prospérité, au début de son mandat. Quant au vice-roi du second massacre, Branciforte, c'est à la fin d'un mandat marqué par le mauvais gouvernement et la corruption qu'il agit. Il semble mener une sorte de politique de rattrapage visant à recouvrer une réputation perdue. Bien que chassé de Mexico par la variole, le vice-roi n'évoque pas les épidémies : les chiens sont « si nombreux qu'ils perturbent le repos du voisinage, troublent la décence des églises et empêchent la propreté publique ».
L'auteur élargit ainsi la focale. D'une part, il étend son propos à l'Occident dans son ensemble, où les processus de normalisation ont lieu au même moment, dans les métropoles : rationalisation urbaine, exclusion des animaux, assainissement, surveillance, etc. D'autre part, il regarde en direction des êtres humains, avec le couple chien errant/vagabond, « la façon dont on traite les animaux révélant la manière dont on traite les hommes ». Le mot vago peut, en espagnol, qualifier le chien comme l'humain. L'auteur se pose la question de savoir si ces massacres n'ont pas été « un moyen sciemment mobilisé pour effrayer les misérables » (la canalla, la infima plebe). A Madrid, en 1832, pendant la « décennie abominable » de la répression antilibérale de Ferdinand VII, à Paris en 1878, à l'occasion de l'Exposition universelle, à Istanbul en 1910, après la prise de pouvoir par les Jeunes-Turcs, des tueries de chiens comparables ont lieu, le XIXe siècle s'avérant être le « siècle canicide ». Ces massacres apparaissent comme des normes de civilisation dans des moments de tension, pas seulement épidémiques. Les chiens de rue deviennent alors des victimes expiatoires pour le retour de la paix sociale. A travers les chiens, c'est bien aussi la « canaille », les classes dangereuses, qui sont également visées.
Au fur et à mesure que le temps passe, les méthodes d'exécution se perfectionnent (strychnine, voire chambre à gaz à la fin du XIXe siècle), tandis que les capacités policières s'accroissent. La fin de l'ouvrage est consacrée à ces « perfectionnements » et à la situation actuelle où la défiance envers la police, la justice, les institutions, et l'adhésion à la cause animale n'autorisent plus des politiques de violence. Pour autant, depuis les Lumières, la rue est conçue comme un espace où les chiens, « dernière espèce domestique survivante au processus d'exclusion », doivent être éduqués, policés, « et leurs maîtres avec eux ».
[article] Guide Livres : Le temps des canicides [Livres, articles, périodiques] / Yves Saint-Geours, Auteur . - 2023 . - p. 76-77.
Langues : Français (fre)
in L'Histoire > N° 508 (Juin 2023) . - p. 76-77
Mots-clés : livre lecture massacre chiens Note de contenu : A la fin du XVIIIe siècle, plus de 34 000 chiens furent massacrés dans les villes mexicaines par les autorités. Des tueries semblables eurent ensuite lieu à Paris, Cuba, Madrid ou Istanbul. Arnaud Exbalin montre ce que cela dit de sociétés où l'errance n'a plus sa place.
La liasse 3662 des Archives historiques de la ville de Mexico, section Policia, recèle une documentation unique sur deux massacres de chiens ordonnés par les vice-rois, l'un en 1790-1792 (20 000 victimes), l'autre en 1797-1798 (14 500). C'est au siècle des Lumières que ce genre d'extermination se répand, jusqu'à aujourd'hui. Qui sont donc ces chiens qu'on abat, dans tout l'Occident, et notamment cet Extrême-Occident, qui vit alors au même rythme que de l'autre côté de l'Atlantique ? Et pourquoi ?
C'est à cette passionnante enquête que nous convie Arnaud Exbalin, en campant d'abord le personnage principal, le chien dans l'Amérique de la Conquête. Celui qui était déjà là, dont le xoloitzcuintle, sans poil, promu animal emblématique national dans le XXe siècle mexicain, et le chien espagnol, dont certains molosses dressés pour tuer, « mangeurs d'Indiens » comme dans les codex mexicains des années 1550 ou les gravures de Théodore de Bry. Animal domestique dans l'un et l'autre cas, il est, pour les Amérindiens, plus qu'un auxiliaire de chasse, un commensal ou le symbole de la fidélité. Il est aussi psychopompe, conducteur des âmes dans l'au-delà, ou nourriture rituelle. Pour ces Amérindiens qui participaient à un système de croyances où les frontières entre humain et non-humain étaient incertaines, le meurtre des chiens avait une signification d'une autre nature que la destruction d'êtres nuisibles. Le vice-roi ne s'y trompait d'ailleurs pas, lorsqu'il enjoignait aux gardes de ne pas procéder à une « chasse aveugle » qui pourrait bien dégénérer dans les « quartiers exclusivement peuplés d'Indiens ». A Mexico, la besogne est confiée aux serenos, ces « veilleurs de nuit », souvent de sang mêlé, qui ont en charge la garde et la sécurité d'un quartier. Ils sont certes efficaces, avec leurs bâtons ferrés et leurs hallebardes, mais ils sont aussi honnis, car les choses se passent plutôt mal, les voisins résistent et la révolte gronde face à la cruauté de ces tueries. Est pointé le fait que l'attitude bienveillante à l'égard des animaux ne vient pas en l'occurrence des classes supérieures, influencées par les réflexions sensualistes des Lumières, pour se diffuser ensuite vers la population.
« Chien errant » et « canaille »
Quelque temps avant les premières tueries, et bien avant nombre de villes européennes, Mexico s'est doté d'un éclairage public, ce qui va permettre d'agir nuitamment et participe également d'une gestion urbaine nouvelle, maîtrisée, ordonnée, « civilisée », où nature et culture seraient bien séparées. La catégorie « chien errant » est une invention juridique des Lumières. Les arguments de salubrité, de lutte contre la diffusion des maladies (mais la rage n'est guère présente) ou de rejet du spectacle d'une animalité oisive, quand elle n'est pas luxurieuse, s'imposent, comme s'approfondissent les éléments de domestication (colliers, laisses, etc.). Pourtant, malgré ce contexte, le premier massacre intervient d'abord dans une logique visant à rationaliser la gestion de l'empire et comme une affirmation d'autorité souveraine de la part du vice-roi, face aux autres pouvoirs locaux dans la colonie. C'est ainsi une volonté de contrôle policier des bêtes mais aussi des humains. Revillagigedo, vice-roi régnant en « despote éclairé », mène une ambitieuse politique d'aménagement urbain, de rationalisation, d'embellissement, d'ordre, dans un moment de prospérité, au début de son mandat. Quant au vice-roi du second massacre, Branciforte, c'est à la fin d'un mandat marqué par le mauvais gouvernement et la corruption qu'il agit. Il semble mener une sorte de politique de rattrapage visant à recouvrer une réputation perdue. Bien que chassé de Mexico par la variole, le vice-roi n'évoque pas les épidémies : les chiens sont « si nombreux qu'ils perturbent le repos du voisinage, troublent la décence des églises et empêchent la propreté publique ».
L'auteur élargit ainsi la focale. D'une part, il étend son propos à l'Occident dans son ensemble, où les processus de normalisation ont lieu au même moment, dans les métropoles : rationalisation urbaine, exclusion des animaux, assainissement, surveillance, etc. D'autre part, il regarde en direction des êtres humains, avec le couple chien errant/vagabond, « la façon dont on traite les animaux révélant la manière dont on traite les hommes ». Le mot vago peut, en espagnol, qualifier le chien comme l'humain. L'auteur se pose la question de savoir si ces massacres n'ont pas été « un moyen sciemment mobilisé pour effrayer les misérables » (la canalla, la infima plebe). A Madrid, en 1832, pendant la « décennie abominable » de la répression antilibérale de Ferdinand VII, à Paris en 1878, à l'occasion de l'Exposition universelle, à Istanbul en 1910, après la prise de pouvoir par les Jeunes-Turcs, des tueries de chiens comparables ont lieu, le XIXe siècle s'avérant être le « siècle canicide ». Ces massacres apparaissent comme des normes de civilisation dans des moments de tension, pas seulement épidémiques. Les chiens de rue deviennent alors des victimes expiatoires pour le retour de la paix sociale. A travers les chiens, c'est bien aussi la « canaille », les classes dangereuses, qui sont également visées.
Au fur et à mesure que le temps passe, les méthodes d'exécution se perfectionnent (strychnine, voire chambre à gaz à la fin du XIXe siècle), tandis que les capacités policières s'accroissent. La fin de l'ouvrage est consacrée à ces « perfectionnements » et à la situation actuelle où la défiance envers la police, la justice, les institutions, et l'adhésion à la cause animale n'autorisent plus des politiques de violence. Pour autant, depuis les Lumières, la rue est conçue comme un espace où les chiens, « dernière espèce domestique survivante au processus d'exclusion », doivent être éduqués, policés, « et leurs maîtres avec eux ».