[article] in L'Histoire > N° 488 (Octobre 2021) . - p. 12-19 Titre : | Événement : 17 octobre 1961 : un massacre colonial à Paris | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Emmanuel Blanchard, Auteur | Année de publication : | 2021 | Article en page(s) : | p. 12-19 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | massacre colonial à Paris manifestation 1961 victimes hommage | Note de contenu : |
Soixante ans après que la police parisienne a réprimé dans le sang une manifestation organisée par le Front de libération nationale algérien, Emmanuel Blanchard fait le point sur l'histoire et la mémoire d'un événement si longtemps occulté par l'État français et dont les archives accessibles confirment le déroulement. En attendant l'ouverture de nouveaux fonds.
En septembre 2020, une marche nationale des sans-papiers rappelait, en prévision de son arrivée à Paris : « Parce qu'il s'agit de liberté et de solidarité, nous manifesterons le 17 octobre en hommage à toutes les victimes du colonialisme, du racisme et des violences de la police. » Depuis une vingtaine d'années, le 17 octobre 1961 compte au nombre des rares journées du second XXe siècle français à avoir fait date en intégrant le calendrier commémoratif des militants des droits humains.
Ce jour-là 20 000 à 30 000 Algériens, venus d'Aubervilliers, de Nanterre, de Colombes, de Courbevoie ou de Saint-Denis, se dirigèrent vers les beaux quartiers parisiens, les Grands Boulevards, l'Étoile, la Concorde ou le Quartier latin, pour manifester leur soutien à l'indépendance de l'Algérie. Cette « démonstration de masse », initiée par le Front de libération national (FLN), fut férocement réprimée par la police française. Jusqu'aux années 1980, pourtant, les dizaines de morts d'octobre 1961 n'ont été commémorés qu'en Algérie où, depuis 1968, le 17 octobre est la Journée nationale de l'émigration.
Un mensonge d'État
En France, si l'État niait jusqu'aux disparitions, une « mémoire souterraine » s'était cependant perpétuée. A partir de la fin des années 1970, elle est peu à peu sortie de ses noyaux initiaux (cercles familiaux, partis d'extrême gauche, groupes tiers-mondistes) au travers de mobilisations contre les violences policières et de l'affirmation politique des descendants d'immigrés. Ainsi, le samedi 15 octobre 1983, alors que la « marche pour l'égalité et contre le racisme » démarrait de Marseille, les militants parisiens chargés de relayer cette initiative choisissaient de se réunir au bord du canal Saint-Martin, en hommage aux victimes du 17 octobre 1961.
La généalogie coloniale des « crimes racistes » était alors déjà vivement ressentie et dénoncée : « Il ne s'agit donc pas seulement de s'attendrir sur le sort des immigrés, il s'agit de changer un mode de ségrégation raciale profondément ancré dans la subjectivité collective », écrivait ainsi le philosophe Félix Guattari en mai 19811. Le 17 octobre 1961 restait cependant une « nuit noire », un spectre qui hantait des mémoires projetées dans le présent « des bavures policières et des exploits des tenants de l'autodéfense ». Ce « massacre d'État » n'avait pas encore fait événement ni trouvé son historien.
En plus des quelques tentatives pour faire connaître le massacre à l'époque, comme le film de Jacques Panijel, Octobre à Paris, qui fut immédiatement interdit à la diffusion, un premier livre très documenté parut en 1985, sous la plume du journaliste Michel Lévine, sans rencontrer son public2. Il fallut attendre 1991 et l'ouvrage de Jean-Luc Einaudi La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil) pour que le 17 octobre commence à irriguer la mémoire collective. Dans les années suivantes, la reconnaissance grandit au fil des procédures judiciaires intentées contre ou par Maurice Papon, préfet de police de Paris en octobre 1961. Les prétoires furent les premiers lieux où une parole officielle vint contrecarrer un mensonge d'État ébranlé par l'accumulation de témoignages, de travaux d'historiens et de films documentaires. Quand, le 17 octobre 2012, François Hollande, élu président de la République au printemps précédent, reconnut que, « le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression », cela faisait des années que les historiens considéraient que les événements de cette soirée étaient désormais connus. Les significations de cet épisode tragique étaient cependant loin d'être épuisées.
Dès novembre 1961, Pierre Vidal-Naquet avait qualifié le « pogrom » du 17 octobre de « véritable énigme » : comment était-il possible que la police française tue plusieurs dizaines de personnes en plein coeur de la capitale sans que cela suscite un scandale de grande ampleur ?
Une rafle gigantesque
Le dispositif policier mis en place ce soir-là et la réquisition du Palais des sports démontrent que la Préfecture de police ne se plaçait pas dans une logique de « maintien de l'ordre » en vue d'une manifestation. Elle préparait une rafle gigantesque qui visa de fait l'ensemble des Algériens descendus dans la rue. En quelques heures, plus de 12 000 personnes, souvent au préalable frappées à coups de crosse ou de matraque, furent conduites au Centre d'identification de Vincennes ou dans des centres d'internement improvisés, des commissariats de quartier, l'hôpital Beaujon, le Palais des sports ou le Parc des expositions. Quelques jours avant le ministre de l'Intérieur Roger Frey avait annoncé une reprise des retours forcés des Algériens « indésirables » vers l'Algérie. Dans un contexte de lutte contre le « terrorisme » et après qu'en un mois cinq fonctionnaires de police avaient été tués à Paris par des membres du Front de libération nationale (FLN) algérien, un tel changement d'échelle était porteur d'une escalade de la violence policière.
Le rôle confié à la Force de police auxiliaire (FPA) sur les principaux barrages érigés aux portes de Paris ne pouvait que conduire à des exactions. Ceux qu'on appelait les « harkis de la Préfecture de police », pour la plupart recrutés en Algérie, avaient un lourd contentieux avec le FLN et les doter de pistolets-mitrailleurs équivalait à une acceptation tacite d'un usage massif des armes. Dès les premiers engagements au pont de Neuilly des coups de feu mortels furent tirés par des membres de la FPA et des gardiens de la paix, sur une foule désarmée. Le lendemain, il n'y eut pas de contrôle des conditions d'usage des armes et de nouvelles munitions furent distribuées : des tirs meurtriers furent à nouveau opposés aux groupes d'Algériens qui cherchaient à rejoindre la capitale.
Encouragement à la violence
Les autorités ne se contentèrent pas de couvrir ces fusillades. Les rares informations diffusées dans le feu de l'action ont très largement encouragé les agents à faire usage de la force. Des messages radio firent ainsi savoir que « des civils auraient vu des FMA [Français musulmans d'Algérie] armer leurs pistolets » et que des « FMA tiraient avec leurs mitraillettes ». Ces affirmations mensongères montrent que le poste de commandement de l'île de la Cité se plaçait dans une logique de « guerre antisubversive » dont, selon Maurice Papon, les gardiens de la Préfecture de police étaient les principaux « soldats » en métropole.
Depuis la fin de l'été 1961 les violences policières avaient d'ailleurs pris une ampleur sans précédent. Consigne avait été donnée d'abattre sans sommation les Algériens supposés représenter un danger pour les forces de l'ordre. Surtout, alors que les premières plaintes pour « disparition » étaient déposées par des familles inquiètes, les cars de Police secours et les réunions du Syndicat général de la police parisienne bruissaient de rumeurs au sujet des dizaines de cadavres anonymes retrouvés dans les canaux et les forêts de région parisienne. Était notamment évoquée la participation de collègues à des « commandos » mêlant policiers hors service, barbouzes et autres activistes de l'Algérie française. Ces derniers étaient supposés être combattus mais le Premier ministre Michel Debré avait fait part de ses priorités : il fallait à tout prix affaiblir le FLN et, pour les négociations à venir, faire émerger une « troisième force », dût-elle être manipulée par les services de renseignements français.
C'est dans ce contexte que, le 5 octobre 1961, la Préfecture de police avait diffusé un communiqué « conseillant de la façon la plus pressante aux travailleurs musulmans algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne ». Un couvre-feu discriminatoire était ainsi imposé de 20 h 30 à 5 h 30. Ce dispositif, déjà testé en 1958, visait un double objectif : perturber les collectes de fonds du FLN (le « nerf de la guerre ») ; donner des gages à des syndicats de police aux prises avec une base qui, comme au printemps 1958, semblait prête à verser dans le défi aux institutions, alors incarné par les attentats commis quotidiennement par l'Organisation armée secrète (OAS).
La préparation de « démonstrations de masse » les 17, 18 et 19 octobre fut la réponse apportée par la direction de la Fédération de France du FLN, qui ne voulait pas rester sans réaction face à l'intensification de la répression policière et à la multiplication des arrestations et des disparitions. Ce retour à des modes d'action pacifiques devait aussi lui permettre de reprendre la main sur ses groupes armés. Le redoublement des attentats contre des policiers apportait en effet de l'eau au moulin d'un gouvernement voulant réduire les indépendantistes algériens à un « groupe terroriste ». Les « démonstrations de masse » donnaient l'occasion à l'immigration algérienne de participer activement à la lutte pour l'indépendance nationale. Cette population montra ainsi qu'elle apportait tout son soutien à un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) que le gouvernement français cherchait à isoler. Il s'agissait de rendre visible aux médias du monde entier un peuple algérien uni dans son combat pour l'indépendance. La « bataille de Paris » fut aussi une lutte d'images : les barrages érigés en amont de la capitale et la censure de la presse devaient empêcher que la Fédération de France du FLN démontre son poids politique. Pour les autorités françaises, une manifestation indépendantiste apparaissait à cet égard des plus séditieuses, le défilé non-violent de milliers de soutiens des « fellaga » au coeur de la capitale française marquant une véritable rupture de l'ordre politique et symbolique.
Dans une conférence donnée à l'Institut des hautes études de la Défense nationale en mars 1961, Maurice Papon s'était dit prêt à affronter des « émeutes subversives ». Ses expériences de la « guerre contre-insurrectionnelle » n'étaient d'ailleurs pas étrangères à son arrivée à la tête de la Préfecture de police en mars 1958. Cinq ans plus tôt, il avait été nommé secrétaire général de la Résidence marocaine, ébranlée par les suites des massacres de Casablanca (décembre 1952). Il y perpétua des techniques violentes de maintien de l'ordre. Dans ses postes suivants, d'abord à Constantine, puis à Paris, il s'appuya sur certains des officiers des Affaires indigènes avec lesquels il avait travaillé au Maroc.
Pour ces derniers, le massacre du 17 octobre 1961 n'eut pas le caractère singulier qu'il avait pour les personnes ignorant les réalités du maintien de l'ordre en situation coloniale. Une majorité d'Algériens les avaient déjà vécues dans leur chair. Au cours des échanges préalables à l'organisation du boycott massif du couvre-feu, les dirigeants de la Fédération de France s'étaient d'ailleurs interrogés sur les moyens de limiter les violences des « sbires de Papon ». Le pacifisme affiché par les manifestants du 17 octobre n'y suffit pas. Cela n'empêcha pas, dans les jours suivants, que des participants réclament à la Fédération de France d'organiser de nouvelles manifestations destinées « à montrer à de Gaulle que nous voulons notre indépendance même s'il faut crever ».
Devant cette détermination et les dénonciations de la répression, particulièrement cinglantes dans la presse internationale, la Préfecture de police dut s'avouer vaincue. Ainsi, le 25 octobre 1961, le directeur du Service de coordination des Affaires algériennes écrivait : « La lecture de la grande presse à ce sujet est édifiante. Les événements y sont rapportés sous un jour tel que le lecteur a le sentiment que la main du FLN dans cette affaire est invisible et que la police s'est précipitée sur de malheureux travailleurs musulmans. [...] De ce point de vue, on peut considérer que le FLN a eu partie gagnée. » A quel prix, serait-on tenté d'ajouter. Ce serait cependant oublier que ces terribles bilans humains étaient courants en situation coloniale.
Suivre la piste de la « répression colonialiste », suggérée par le FLN dans ses analyses de « cet épisode héroïque de la lutte libératrice du peuple algérien », relativise le caractère inédit de la répression d'octobre 1961. Depuis l'entre-deux-guerres, dans tous les empires coloniaux (en Égypte, en Corée, en Inde, en Tunisie, etc.), des « indigènes » rassemblés dans le cadre de manifestations interdites avaient été la cible de tirs policiers et étaient morts en nombre. Ce fut par exemple le cas à Alger en décembre 1960 et en juillet 1961. Ces techniques répressives avaient même déjà été appliquées dans la capitale française, en 1953, où six militants du parti de Messali Hadj avaient été tués par balles lors de la dispersion du traditionnel défilé du 14 Juillet, victimes d'« un racisme qui n'ose pas dire son nom », avait alors écrit Albert Camus dans une lettre ouverte adressée au quotidien Le Monde. De l'Afrique du Sud (massacre de Sharpeville, 21 mars 1960) aux États-Unis (répression des marches de Selma en mars 1965) en passant par la France, les répertoires répressifs ne variaient guère face à la montée d'une revendication collective d'un « droit à la ville3 » et à l'espace public.
Anatomie d'une dissimulation
Le gouvernement français ne pouvait pas pour autant reconnaître qu'un massacre avait été commis à Paris. Son entreprise de dissimulation était facilitée par le fait que la plupart des victimes avaient été jetées à la Seine et demeuraient sans visage. La communication à propos d'une supposée « émeute algérienne » ne tint cependant que quelques jours, le temps que les médias les moins critiques de l'action gouvernementale, tel Le Figaro, mettent en doute le récit officiel. Le fleuve et les canaux parisiens charriaient alors leur lot de cadavres de « N. A. inconnu » (Nord-Africain inconnu). C'était d'ailleurs le cas depuis le début du mois d'octobre.
On fit croire dès lors que cette hécatombe était le fait d'une reprise des « règlements de comptes entre Nord-Africains ». Les affrontements entre le FLN et les partisans du parti de Messali Hadj avaient fait, depuis 1956, au moins 4 000 victimes en France. La résolution de ces affaires se révélait particulièrement complexe (les « Nord-Africains » étaient réputés former un « milieu impénétrable »). Les brigades spécialisées, qui veillaient avant tout à affaiblir les forces indépendantistes, se désintéressaient de ces dossiers, qui ne faisaient d'ailleurs plus l'objet d'instructions judiciaires mais étaient traités dans le cadre procédural dit des « morts sans suite » : les enquêtes de police se révélant « vaines », le procureur de la République en charge les classait sans saisir un juge d'instruction.
L'argument de crimes commis par le FLN était peu tenable : habituellement, les indépendantistes algériens ne cherchaient pas à faire disparaître leurs victimes mais au contraire à les exposer à la vue de ceux qui étaient rétifs à la discipline qu'ils imposaient. D'autres acteurs avaient, à l'inverse, intérêt à masquer leurs méfaits : ainsi, l'OAS multipliait les attentats ; les enlèvements et exécutions faisaient partie des modes d'action de la nébuleuse « activiste ». L'hypothèse du « contre-terrorisme » ne fut pourtant jamais soulevée par les magistrats en charge des dépositions d'Algériens.
Les interrogations sur les cadavres repêchés et les mises en cause de l'action policière se firent cependant de plus en plus nombreuses au fil des jours. Cela conduisit la chambre de l'instruction du tribunal de Paris à être saisie au sujet d'une soixantaine de cadavres de « Nord-Africains » repêchés les semaines précédentes. Les registres d'information du parquet montrent que, les 30 et 31 octobre 7 juges avaient reçu simultanément des réquisitions au sujet de 63 homicides volontaires de « FMA ». La présence, au milieu de ces cadavres d'Algériens, du corps de Guy Chevallier, mort matraqué le 17 octobre 1961 alors qu'il sortait du cinéma Le Grand Rex, révèle la manière dont ces affaires avaient été regroupées. Décision avait été prise au plus haut niveau de l'État qu'ouvrir des instructions était la réponse à apporter aux questions insistantes soulevées par journalistes et avocats. Classer ces dossiers « sans suite » était devenu intenable. Surtout, la saisine de juges d'instruction permettait d'annihiler toute possibilité d'enquête parlementaire réclamée par des sénateurs emmenés par le socialiste Gaston Defferre. Cette ouverture était en effet impossible si elle touchait à des sujets faisant l'objet d'enquêtes judiciaires.
Dossiers individuels
Il était cependant inconcevable que ces procédures débouchent sur des inculpations de policiers mis en cause dans certaines plaintes ou articles de presse. Les instructions furent donc confiées à des juges considérés comme sûrs, sous la supervision d'un unique substitut du procureur. A notre connaissance, un seul magistrat se risqua à saisir l'Inspection générale des services afin de contrecarrer une police judiciaire (PJ) qui enquêtait sans enquêter. Le plus souvent, elle se concentrait sur l'établissement de l'identité de cadavres découverts après un séjour de plusieurs jours ou semaines dans l'eau. La décomposition des corps rendait l'identification, y compris par les empreintes digitales, particulièrement difficile.
Ces affaires de « repêchages » furent dès lors traitées comme autant de dossiers individuels, sans qu'aucun lien fût établi entre elles. En bref, les juges désignés laissèrent la bride sur le cou à une PJ cherchant à conforter l'hypothèse des affrontements entre Algériens. Au bout d'un an, ces dossiers furent conclus par des non-lieux ou clôturés en vertu de la loi d'amnistie adoptée à la suite des accords d'Évian signés le 18 mars 1962.
Alors que les inhumations d'anonymes étaient d'ordinaires rares, des dizaines de cadavres de « N. A. inconnu » furent ainsi traités, « par la voie administrative », à l'automne 1961, la plupart dans une section dédiée aux sépultures musulmanes du cimetière de Thiais, qui reçut 38 « X-FMA inconnu » entre septembre 1961 et janvier 1962. Alors que de nombreuses familles étaient à la recherche d'un « disparu », des dizaines de morts ne reçurent aucun hommage et furent ainsi ensevelis dans l'oubli.
Ces « Nord-Africains inconnus » ont cependant laissé de nombreuses traces dans les archives. De leur « repêchage » à leur « inhumation administrative », ils ont été scrutés par une longue chaîne institutionnelle qui n'avait pas totalement rompu avec les pratiques habituelles d'enregistrement. Des registres de l'Institut médico-légal de la Préfecture de police à ceux des cimetières parisiens, en passant par les dossiers de police et de justice, les disparus d'octobre 1961 surgissent notamment dans des blancs et silences qui font césure dans la routine des écritures administratives et judiciaires. Les cadavres n'ont plus d'identité, les enquêtes sont dites « vaines », les magistrats ne diligentent pas d'actes d'instruction...
Jean-Luc Einaudi ne s'y était pas trompé quand il s'était mis en quête d'archives judiciaires qui étaient alors non seulement inaccessibles mais aussi, pour la plupart, non inventoriées ni même versées. Il fallut toute l'obstination et l'éthique de conviction de deux conservateurs des Archives de Paris, Philippe Grand et Brigitte Lainé, de ce fait « mis au placard » et harcelés par leur hiérarchie, pour que cette documentation ne soit pas condamnée aux destructions ou à l'ensevelissement sous d'autres priorités. Si des pertes sans doute irrémédiables sont à déplorer, des centaines de dossiers et registres sont aujourd'hui inventoriés et accessibles, au moins sur dérogation. Depuis mars 2020, le « Guide numérique sur les disparus de la guerre d'Algérie » publié par les Archives nationales en donne une description.
Cette aide aux recherches est cependant loin de répondre aux évolutions demandées par l'Élysée dans le cadre du « travail de vérité » sur la « disparition » de Maurice Audin : le 13 septembre 2018 le président de la République Emmanuel Macron avait alors appelé à ce que « toutes les archives de l'État qui concernent les disparus de la guerre d'Algérie puissent être librement consultées et qu'une dérogation générale soit instituée en ce sens ». Les dizaines de morts de l'automne 1961 relèvent assurément de cette catégorie des « disparus de la guerre d'Algérie ». Or les évolutions de la législation relative aux archives vont à l'encontre de cette déclaration. L'article 25 de la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme promulguée le 30 juillet 2021 vise ainsi à refermer l'accès à de nombreuses archives des services de renseignements. En ce qui concerne octobre 1961, il s'agit du dernier épisode en date de soixante années de dissimulation d'État.
Un accès élargi aux archives publiques serait pourtant la seule manière de faire du 17 octobre « une date de commémoration importante », comme l'a réclamé Benjamin Stora dans son rapport Sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie remis en janvier 2021 au président de la République. L'hommage aux victimes passe, lui, par des protocoles de recherche puisant hors des sources administratives afin de leur redonner une histoire et une identité personnelles
Notes
1. F. Guattari, « Contre le racisme à la française », Le Nouvel Observateur, 4 mai 1981.
2. M. Lévine, Les Ratonnades d'octobre. Un meurtre collectif à Paris en 1961, Ramsay, 1985.
3. Cf. H. Lefebvre, Le Droit à la ville, Anthropos, 1968.
Image : Des manifestants algériens sont arrêtés à Puteaux le 17 octobre 1961. Au premier plan, des policiers et leur « bidule », un manche de pioche responsable, ce soir-là de nombreux décès et blessures graves.
© Fernand Parizot / AFP.
L'AUTEUR
Maître de conférences à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Emmanuel Blanchard a notamment publié La Police parisienne et les Algériens, 1944-1962 (Nouveau Monde, 2011) et Histoire de l'immigration algérienne en France (La Découverte, 2018).
MOT CLÉ
FMA
Français musulmans d'Algérie : c'est ainsi que l'administration française appelle, après 1947 et avant l'indépendance de leur pays, les Algériens. En 1961 ils sont entre 300 000 et 400 000 à vivre en métropole, essentiellement des hommes. Juridiquement français, ils sont supposés bénéficier de l'égalité des droits, mais restent des citoyens diminués.
FPA
Créée fin 1959 par Maurice Papon, la Force de police auxiliaire participait à la lutte contre le FLN dans la capitale et sa banlieue. Composée de recrues notamment issues des bidonvilles d'Alger et ayant souvent un lourd contentieux avec le FLN, la FPA était commandée par des officiers français. En octobre 1961 ces « harkis » ou « calots bleus » étaient environ 300, casernés au fort de Noisy, à Romainville.
CHRONOLOGIE DE 1961
8 janvier : Après sept ans de guerre, lors du référendum sur l'autodétermination de l'Algérie le « oui » l'emporte à 75 % en métropole.
Février : Création de l'Organisation armée secrète (OAS).
25 avril : Échec du putsch des généraux à Alger.
1er et 5 juillet : Grève générale et manifestations en Algérie en soutien à l'indépendance ; 80 morts sont officiellement dénombrés.
28 juillet : Suspension des rencontres entre Français et Algériens après l'échec des négociations d'Évian et de Lugrin.
29 août : Reprise des attentats du Front de libération nationale (FLN) contre des policiers parisiens.
8 septembre : Le général de Gaulle échappe de peu à un attentat de l'OAS à Pont-sur-Seine (Aube).
2 octobre : Aux obsèques du brigadier Demoën, Maurice Papon déclare que, « pour un coup donné, nous en porterons dix ».
5 octobre : La préfecture de police de Paris proclame un couvre-feu visant les « travailleurs musulmans algériens ».
17 octobre : La « démonstration de masse » des Algériens à Paris est sauvagement réprimée.
20 octobre : Manifestations de femmes algériennes à Paris mais aussi dans des villes de provinces en soutien à « L'Algérie algérienne » et pour dénoncer les arrestations et les violences du 17 octobre.
28 octobre : Reprise des négociations secrètes entre émissaires français et algériens.
« Marche » ou « fierté »
Souvent venus des banlieues où ils résidaient, les Algériens souhaitaient, ce 17 octobre, investir le coeur de la capitale pour rendre visible leur combat afin de compter politiquement. Leur « démonstration de masse » s'apparente à une « marche » ou une « fierté » revendiquée par les participants. Beaucoup furent arrêtés puis internés aux portes de la ville.
À SAVOIR
Combien de morts ?
« S'il est une chose dont on puisse être sûr c'est que le nombre de tués ne sera jamais définitivement connu », concluaient, en 2006, Neil MacMaster et Jim House. Leurs estimations demeurent les plus vraisemblables : a minima il y eut des dizaines d'Algériens tués les 17 et 18 octobre, et au moins une centaine sur la période septembre-octobre. C'était d'ailleurs l'ordre de grandeur proposé par le GPRA en décembre 1961. Les autorités françaises, elles, s'en tenaient alors à 6 morts. Jusqu'à la fin des années 1990, elles s'enferrèrent dans un mensonge qui empêche aujourd'hui de faire la lumière sur le nombre exact de victimes. Les archives disponibles permettent cependant de repérer des cadavres et d'estimer une surmortalité par rapport aux mois précédents et suivants. Des estimations beaucoup plus élevées ont été avancées (200 morts ? 300 morts ?) : cet écart est habituel dans de telles circonstances de dissimulation d'État générant une contre-mémoire. Il tient aussi à ce que les traces de certaines victimes ont été détruites, que ce soit délibérément ou selon les processus habituels de pertes archivistiques.
Des archives malgré tout
Lorsque Jean-Luc Einaudi, le premier historien à se pencher sur l'événement, publia en 1991 La Bataille de Paris, il déplora qu'à cette date les archives de l'État français (police et justice en particulier) demeuraient fermées. Il put néanmoins s'appuyer sur de nombreuses autres archives, provenant de la Fédération de France du FLN ou des cimetières et hôpitaux parisiens, et constitua un vaste fonds de sources orales (des centaines d'heures d'entretiens, en France et en Algérie, avec des policiers comme des manifestants).
Deux rapports commandés par Lionel Jospin, Premier ministre lors du procès de Maurice Papon (1997-1998), permirent l'inventaire et un début d'ouverture des archives conservées par la Préfecture de police et le ministère de la Justice, en particulier les tribunaux parisiens. Un certain nombre de lacunes et de pertes furent alors pointées.
Si les fonds de la police parisienne ont été scrutés par de nombreux chercheurs, les archives de la justice ont fait l'objet d'une moindre attention puisqu'elles demeurent « sous dérogation » et que leur accès a longtemps été entravé. D'autres fonds, tels ceux de la Direction de la surveillance du territoire (DST), n'ont toujours pas été versés et risquent de rester inaccessibles en raison des récentes évolutions législatives.
POUR EN SAVOIR PLUS
M. H. Abdallah, Rengainez, on arrive ! Chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires, contre la Hagra policière et judiciaire, des années 1970 à nos jours, Libertalia, 2012.
L. Amiri, La Bataille de France. La guerre d'Algérie en métropole, Robert Laffont, 2004.
E. Blanchard, La Police parisienne et les Algériens, 1944-1962, Nouveau Monde, 2011 ; Histoire de l'immigration algérienne en France, La Découverte, 2018.
R. Brahim, La race tue deux fois. Une histoire des crimes racistes en France, 1970-2000, Syllepse, 2021.
J.-L. Einaudi, La Bataille de Paris, Seuil, 1991 ; Octobre 1961. Un massacre à Paris, Fayard, 2001.
J. House, N. MacMaster, Paris 1961. Les Algériens, la terreur d'État et la mémoire, [2006], Gallimard, « Folio histoire », 2021.
N. MacMaster, Inside the FLN. The Paris Massacre and the French Intelligence Service, Norwich, University of East Anglia, 2013.
G. Manceron, La Triple Occultation d'un massacre, La Découverte, 2011.
G. Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Fayard, 2002.
F. Riceputi, La Bataille d'Einaudi ou comment la mémoire du 17 octobre 1961 revint à la République, Neuvy-en-Champagne, Le Passager clandestin, 2015.
Sur Internet
Le « Guide numérique sur les disparus de la guerre d'Algérie », disponible en anglais, français et arabe, publié par les Archives nationales, sur les archives relatives aux disparus, quel que soit le lieu en France où elles sont conservées (francearchives.fr/fr/actualite/223693824)
Le site 1000autres.org, créé en 2018, animé par Malika Rahal et Fabrice Riceputi, rattaché au projet « Alger 1957-des Maurice Audin par milliers », collecte des informations sur les disparus pour les faire sortir de l'anonymat.
Et retrouvez l'article de Sylvie Thénault, « Les disparus de la guerre d'Algérie », L'Histoire n° 466, décembre 2019, pp. 12-19.
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Soixante ans après que la police parisienne a réprimé dans le sang une manifestation organisée par le Front de libération nationale algérien, Emmanuel Blanchard fait le point sur l'histoire et la mémoire d'un événement si longtemps occulté par l'État français et dont les archives accessibles confirment le déroulement. En attendant l'ouverture de nouveaux fonds.
En septembre 2020, une marche nationale des sans-papiers rappelait, en prévision de son arrivée à Paris : « Parce qu'il s'agit de liberté et de solidarité, nous manifesterons le 17 octobre en hommage à toutes les victimes du colonialisme, du racisme et des violences de la police. » Depuis une vingtaine d'années, le 17 octobre 1961 compte au nombre des rares journées du second XXe siècle français à avoir fait date en intégrant le calendrier commémoratif des militants des droits humains.
Ce jour-là 20 000 à 30 000 Algériens, venus d'Aubervilliers, de Nanterre, de Colombes, de Courbevoie ou de Saint-Denis, se dirigèrent vers les beaux quartiers parisiens, les Grands Boulevards, l'Étoile, la Concorde ou le Quartier latin, pour manifester leur soutien à l'indépendance de l'Algérie. Cette « démonstration de masse », initiée par le Front de libération national (FLN), fut férocement réprimée par la police française. Jusqu'aux années 1980, pourtant, les dizaines de morts d'octobre 1961 n'ont été commémorés qu'en Algérie où, depuis 1968, le 17 octobre est la Journée nationale de l'émigration.
Un mensonge d'État
En France, si l'État niait jusqu'aux disparitions, une « mémoire souterraine » s'était cependant perpétuée. A partir de la fin des années 1970, elle est peu à peu sortie de ses noyaux initiaux (cercles familiaux, partis d'extrême gauche, groupes tiers-mondistes) au travers de mobilisations contre les violences policières et de l'affirmation politique des descendants d'immigrés. Ainsi, le samedi 15 octobre 1983, alors que la « marche pour l'égalité et contre le racisme » démarrait de Marseille, les militants parisiens chargés de relayer cette initiative choisissaient de se réunir au bord du canal Saint-Martin, en hommage aux victimes du 17 octobre 1961.
La généalogie coloniale des « crimes racistes » était alors déjà vivement ressentie et dénoncée : « Il ne s'agit donc pas seulement de s'attendrir sur le sort des immigrés, il s'agit de changer un mode de ségrégation raciale profondément ancré dans la subjectivité collective », écrivait ainsi le philosophe Félix Guattari en mai 19811. Le 17 octobre 1961 restait cependant une « nuit noire », un spectre qui hantait des mémoires projetées dans le présent « des bavures policières et des exploits des tenants de l'autodéfense ». Ce « massacre d'État » n'avait pas encore fait événement ni trouvé son historien.
En plus des quelques tentatives pour faire connaître le massacre à l'époque, comme le film de Jacques Panijel, Octobre à Paris, qui fut immédiatement interdit à la diffusion, un premier livre très documenté parut en 1985, sous la plume du journaliste Michel Lévine, sans rencontrer son public2. Il fallut attendre 1991 et l'ouvrage de Jean-Luc Einaudi La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil) pour que le 17 octobre commence à irriguer la mémoire collective. Dans les années suivantes, la reconnaissance grandit au fil des procédures judiciaires intentées contre ou par Maurice Papon, préfet de police de Paris en octobre 1961. Les prétoires furent les premiers lieux où une parole officielle vint contrecarrer un mensonge d'État ébranlé par l'accumulation de témoignages, de travaux d'historiens et de films documentaires. Quand, le 17 octobre 2012, François Hollande, élu président de la République au printemps précédent, reconnut que, « le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression », cela faisait des années que les historiens considéraient que les événements de cette soirée étaient désormais connus. Les significations de cet épisode tragique étaient cependant loin d'être épuisées.
Dès novembre 1961, Pierre Vidal-Naquet avait qualifié le « pogrom » du 17 octobre de « véritable énigme » : comment était-il possible que la police française tue plusieurs dizaines de personnes en plein coeur de la capitale sans que cela suscite un scandale de grande ampleur ?
Une rafle gigantesque
Le dispositif policier mis en place ce soir-là et la réquisition du Palais des sports démontrent que la Préfecture de police ne se plaçait pas dans une logique de « maintien de l'ordre » en vue d'une manifestation. Elle préparait une rafle gigantesque qui visa de fait l'ensemble des Algériens descendus dans la rue. En quelques heures, plus de 12 000 personnes, souvent au préalable frappées à coups de crosse ou de matraque, furent conduites au Centre d'identification de Vincennes ou dans des centres d'internement improvisés, des commissariats de quartier, l'hôpital Beaujon, le Palais des sports ou le Parc des expositions. Quelques jours avant le ministre de l'Intérieur Roger Frey avait annoncé une reprise des retours forcés des Algériens « indésirables » vers l'Algérie. Dans un contexte de lutte contre le « terrorisme » et après qu'en un mois cinq fonctionnaires de police avaient été tués à Paris par des membres du Front de libération nationale (FLN) algérien, un tel changement d'échelle était porteur d'une escalade de la violence policière.
Le rôle confié à la Force de police auxiliaire (FPA) sur les principaux barrages érigés aux portes de Paris ne pouvait que conduire à des exactions. Ceux qu'on appelait les « harkis de la Préfecture de police », pour la plupart recrutés en Algérie, avaient un lourd contentieux avec le FLN et les doter de pistolets-mitrailleurs équivalait à une acceptation tacite d'un usage massif des armes. Dès les premiers engagements au pont de Neuilly des coups de feu mortels furent tirés par des membres de la FPA et des gardiens de la paix, sur une foule désarmée. Le lendemain, il n'y eut pas de contrôle des conditions d'usage des armes et de nouvelles munitions furent distribuées : des tirs meurtriers furent à nouveau opposés aux groupes d'Algériens qui cherchaient à rejoindre la capitale.
Encouragement à la violence
Les autorités ne se contentèrent pas de couvrir ces fusillades. Les rares informations diffusées dans le feu de l'action ont très largement encouragé les agents à faire usage de la force. Des messages radio firent ainsi savoir que « des civils auraient vu des FMA [Français musulmans d'Algérie] armer leurs pistolets » et que des « FMA tiraient avec leurs mitraillettes ». Ces affirmations mensongères montrent que le poste de commandement de l'île de la Cité se plaçait dans une logique de « guerre antisubversive » dont, selon Maurice Papon, les gardiens de la Préfecture de police étaient les principaux « soldats » en métropole.
Depuis la fin de l'été 1961 les violences policières avaient d'ailleurs pris une ampleur sans précédent. Consigne avait été donnée d'abattre sans sommation les Algériens supposés représenter un danger pour les forces de l'ordre. Surtout, alors que les premières plaintes pour « disparition » étaient déposées par des familles inquiètes, les cars de Police secours et les réunions du Syndicat général de la police parisienne bruissaient de rumeurs au sujet des dizaines de cadavres anonymes retrouvés dans les canaux et les forêts de région parisienne. Était notamment évoquée la participation de collègues à des « commandos » mêlant policiers hors service, barbouzes et autres activistes de l'Algérie française. Ces derniers étaient supposés être combattus mais le Premier ministre Michel Debré avait fait part de ses priorités : il fallait à tout prix affaiblir le FLN et, pour les négociations à venir, faire émerger une « troisième force », dût-elle être manipulée par les services de renseignements français.
C'est dans ce contexte que, le 5 octobre 1961, la Préfecture de police avait diffusé un communiqué « conseillant de la façon la plus pressante aux travailleurs musulmans algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne ». Un couvre-feu discriminatoire était ainsi imposé de 20 h 30 à 5 h 30. Ce dispositif, déjà testé en 1958, visait un double objectif : perturber les collectes de fonds du FLN (le « nerf de la guerre ») ; donner des gages à des syndicats de police aux prises avec une base qui, comme au printemps 1958, semblait prête à verser dans le défi aux institutions, alors incarné par les attentats commis quotidiennement par l'Organisation armée secrète (OAS).
La préparation de « démonstrations de masse » les 17, 18 et 19 octobre fut la réponse apportée par la direction de la Fédération de France du FLN, qui ne voulait pas rester sans réaction face à l'intensification de la répression policière et à la multiplication des arrestations et des disparitions. Ce retour à des modes d'action pacifiques devait aussi lui permettre de reprendre la main sur ses groupes armés. Le redoublement des attentats contre des policiers apportait en effet de l'eau au moulin d'un gouvernement voulant réduire les indépendantistes algériens à un « groupe terroriste ». Les « démonstrations de masse » donnaient l'occasion à l'immigration algérienne de participer activement à la lutte pour l'indépendance nationale. Cette population montra ainsi qu'elle apportait tout son soutien à un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) que le gouvernement français cherchait à isoler. Il s'agissait de rendre visible aux médias du monde entier un peuple algérien uni dans son combat pour l'indépendance. La « bataille de Paris » fut aussi une lutte d'images : les barrages érigés en amont de la capitale et la censure de la presse devaient empêcher que la Fédération de France du FLN démontre son poids politique. Pour les autorités françaises, une manifestation indépendantiste apparaissait à cet égard des plus séditieuses, le défilé non-violent de milliers de soutiens des « fellaga » au coeur de la capitale française marquant une véritable rupture de l'ordre politique et symbolique.
Dans une conférence donnée à l'Institut des hautes études de la Défense nationale en mars 1961, Maurice Papon s'était dit prêt à affronter des « émeutes subversives ». Ses expériences de la « guerre contre-insurrectionnelle » n'étaient d'ailleurs pas étrangères à son arrivée à la tête de la Préfecture de police en mars 1958. Cinq ans plus tôt, il avait été nommé secrétaire général de la Résidence marocaine, ébranlée par les suites des massacres de Casablanca (décembre 1952). Il y perpétua des techniques violentes de maintien de l'ordre. Dans ses postes suivants, d'abord à Constantine, puis à Paris, il s'appuya sur certains des officiers des Affaires indigènes avec lesquels il avait travaillé au Maroc.
Pour ces derniers, le massacre du 17 octobre 1961 n'eut pas le caractère singulier qu'il avait pour les personnes ignorant les réalités du maintien de l'ordre en situation coloniale. Une majorité d'Algériens les avaient déjà vécues dans leur chair. Au cours des échanges préalables à l'organisation du boycott massif du couvre-feu, les dirigeants de la Fédération de France s'étaient d'ailleurs interrogés sur les moyens de limiter les violences des « sbires de Papon ». Le pacifisme affiché par les manifestants du 17 octobre n'y suffit pas. Cela n'empêcha pas, dans les jours suivants, que des participants réclament à la Fédération de France d'organiser de nouvelles manifestations destinées « à montrer à de Gaulle que nous voulons notre indépendance même s'il faut crever ».
Devant cette détermination et les dénonciations de la répression, particulièrement cinglantes dans la presse internationale, la Préfecture de police dut s'avouer vaincue. Ainsi, le 25 octobre 1961, le directeur du Service de coordination des Affaires algériennes écrivait : « La lecture de la grande presse à ce sujet est édifiante. Les événements y sont rapportés sous un jour tel que le lecteur a le sentiment que la main du FLN dans cette affaire est invisible et que la police s'est précipitée sur de malheureux travailleurs musulmans. [...] De ce point de vue, on peut considérer que le FLN a eu partie gagnée. » A quel prix, serait-on tenté d'ajouter. Ce serait cependant oublier que ces terribles bilans humains étaient courants en situation coloniale.
Suivre la piste de la « répression colonialiste », suggérée par le FLN dans ses analyses de « cet épisode héroïque de la lutte libératrice du peuple algérien », relativise le caractère inédit de la répression d'octobre 1961. Depuis l'entre-deux-guerres, dans tous les empires coloniaux (en Égypte, en Corée, en Inde, en Tunisie, etc.), des « indigènes » rassemblés dans le cadre de manifestations interdites avaient été la cible de tirs policiers et étaient morts en nombre. Ce fut par exemple le cas à Alger en décembre 1960 et en juillet 1961. Ces techniques répressives avaient même déjà été appliquées dans la capitale française, en 1953, où six militants du parti de Messali Hadj avaient été tués par balles lors de la dispersion du traditionnel défilé du 14 Juillet, victimes d'« un racisme qui n'ose pas dire son nom », avait alors écrit Albert Camus dans une lettre ouverte adressée au quotidien Le Monde. De l'Afrique du Sud (massacre de Sharpeville, 21 mars 1960) aux États-Unis (répression des marches de Selma en mars 1965) en passant par la France, les répertoires répressifs ne variaient guère face à la montée d'une revendication collective d'un « droit à la ville3 » et à l'espace public.
Anatomie d'une dissimulation
Le gouvernement français ne pouvait pas pour autant reconnaître qu'un massacre avait été commis à Paris. Son entreprise de dissimulation était facilitée par le fait que la plupart des victimes avaient été jetées à la Seine et demeuraient sans visage. La communication à propos d'une supposée « émeute algérienne » ne tint cependant que quelques jours, le temps que les médias les moins critiques de l'action gouvernementale, tel Le Figaro, mettent en doute le récit officiel. Le fleuve et les canaux parisiens charriaient alors leur lot de cadavres de « N. A. inconnu » (Nord-Africain inconnu). C'était d'ailleurs le cas depuis le début du mois d'octobre.
On fit croire dès lors que cette hécatombe était le fait d'une reprise des « règlements de comptes entre Nord-Africains ». Les affrontements entre le FLN et les partisans du parti de Messali Hadj avaient fait, depuis 1956, au moins 4 000 victimes en France. La résolution de ces affaires se révélait particulièrement complexe (les « Nord-Africains » étaient réputés former un « milieu impénétrable »). Les brigades spécialisées, qui veillaient avant tout à affaiblir les forces indépendantistes, se désintéressaient de ces dossiers, qui ne faisaient d'ailleurs plus l'objet d'instructions judiciaires mais étaient traités dans le cadre procédural dit des « morts sans suite » : les enquêtes de police se révélant « vaines », le procureur de la République en charge les classait sans saisir un juge d'instruction.
L'argument de crimes commis par le FLN était peu tenable : habituellement, les indépendantistes algériens ne cherchaient pas à faire disparaître leurs victimes mais au contraire à les exposer à la vue de ceux qui étaient rétifs à la discipline qu'ils imposaient. D'autres acteurs avaient, à l'inverse, intérêt à masquer leurs méfaits : ainsi, l'OAS multipliait les attentats ; les enlèvements et exécutions faisaient partie des modes d'action de la nébuleuse « activiste ». L'hypothèse du « contre-terrorisme » ne fut pourtant jamais soulevée par les magistrats en charge des dépositions d'Algériens.
Les interrogations sur les cadavres repêchés et les mises en cause de l'action policière se firent cependant de plus en plus nombreuses au fil des jours. Cela conduisit la chambre de l'instruction du tribunal de Paris à être saisie au sujet d'une soixantaine de cadavres de « Nord-Africains » repêchés les semaines précédentes. Les registres d'information du parquet montrent que, les 30 et 31 octobre 7 juges avaient reçu simultanément des réquisitions au sujet de 63 homicides volontaires de « FMA ». La présence, au milieu de ces cadavres d'Algériens, du corps de Guy Chevallier, mort matraqué le 17 octobre 1961 alors qu'il sortait du cinéma Le Grand Rex, révèle la manière dont ces affaires avaient été regroupées. Décision avait été prise au plus haut niveau de l'État qu'ouvrir des instructions était la réponse à apporter aux questions insistantes soulevées par journalistes et avocats. Classer ces dossiers « sans suite » était devenu intenable. Surtout, la saisine de juges d'instruction permettait d'annihiler toute possibilité d'enquête parlementaire réclamée par des sénateurs emmenés par le socialiste Gaston Defferre. Cette ouverture était en effet impossible si elle touchait à des sujets faisant l'objet d'enquêtes judiciaires.
Dossiers individuels
Il était cependant inconcevable que ces procédures débouchent sur des inculpations de policiers mis en cause dans certaines plaintes ou articles de presse. Les instructions furent donc confiées à des juges considérés comme sûrs, sous la supervision d'un unique substitut du procureur. A notre connaissance, un seul magistrat se risqua à saisir l'Inspection générale des services afin de contrecarrer une police judiciaire (PJ) qui enquêtait sans enquêter. Le plus souvent, elle se concentrait sur l'établissement de l'identité de cadavres découverts après un séjour de plusieurs jours ou semaines dans l'eau. La décomposition des corps rendait l'identification, y compris par les empreintes digitales, particulièrement difficile.
Ces affaires de « repêchages » furent dès lors traitées comme autant de dossiers individuels, sans qu'aucun lien fût établi entre elles. En bref, les juges désignés laissèrent la bride sur le cou à une PJ cherchant à conforter l'hypothèse des affrontements entre Algériens. Au bout d'un an, ces dossiers furent conclus par des non-lieux ou clôturés en vertu de la loi d'amnistie adoptée à la suite des accords d'Évian signés le 18 mars 1962.
Alors que les inhumations d'anonymes étaient d'ordinaires rares, des dizaines de cadavres de « N. A. inconnu » furent ainsi traités, « par la voie administrative », à l'automne 1961, la plupart dans une section dédiée aux sépultures musulmanes du cimetière de Thiais, qui reçut 38 « X-FMA inconnu » entre septembre 1961 et janvier 1962. Alors que de nombreuses familles étaient à la recherche d'un « disparu », des dizaines de morts ne reçurent aucun hommage et furent ainsi ensevelis dans l'oubli.
Ces « Nord-Africains inconnus » ont cependant laissé de nombreuses traces dans les archives. De leur « repêchage » à leur « inhumation administrative », ils ont été scrutés par une longue chaîne institutionnelle qui n'avait pas totalement rompu avec les pratiques habituelles d'enregistrement. Des registres de l'Institut médico-légal de la Préfecture de police à ceux des cimetières parisiens, en passant par les dossiers de police et de justice, les disparus d'octobre 1961 surgissent notamment dans des blancs et silences qui font césure dans la routine des écritures administratives et judiciaires. Les cadavres n'ont plus d'identité, les enquêtes sont dites « vaines », les magistrats ne diligentent pas d'actes d'instruction...
Jean-Luc Einaudi ne s'y était pas trompé quand il s'était mis en quête d'archives judiciaires qui étaient alors non seulement inaccessibles mais aussi, pour la plupart, non inventoriées ni même versées. Il fallut toute l'obstination et l'éthique de conviction de deux conservateurs des Archives de Paris, Philippe Grand et Brigitte Lainé, de ce fait « mis au placard » et harcelés par leur hiérarchie, pour que cette documentation ne soit pas condamnée aux destructions ou à l'ensevelissement sous d'autres priorités. Si des pertes sans doute irrémédiables sont à déplorer, des centaines de dossiers et registres sont aujourd'hui inventoriés et accessibles, au moins sur dérogation. Depuis mars 2020, le « Guide numérique sur les disparus de la guerre d'Algérie » publié par les Archives nationales en donne une description.
Cette aide aux recherches est cependant loin de répondre aux évolutions demandées par l'Élysée dans le cadre du « travail de vérité » sur la « disparition » de Maurice Audin : le 13 septembre 2018 le président de la République Emmanuel Macron avait alors appelé à ce que « toutes les archives de l'État qui concernent les disparus de la guerre d'Algérie puissent être librement consultées et qu'une dérogation générale soit instituée en ce sens ». Les dizaines de morts de l'automne 1961 relèvent assurément de cette catégorie des « disparus de la guerre d'Algérie ». Or les évolutions de la législation relative aux archives vont à l'encontre de cette déclaration. L'article 25 de la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme promulguée le 30 juillet 2021 vise ainsi à refermer l'accès à de nombreuses archives des services de renseignements. En ce qui concerne octobre 1961, il s'agit du dernier épisode en date de soixante années de dissimulation d'État.
Un accès élargi aux archives publiques serait pourtant la seule manière de faire du 17 octobre « une date de commémoration importante », comme l'a réclamé Benjamin Stora dans son rapport Sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie remis en janvier 2021 au président de la République. L'hommage aux victimes passe, lui, par des protocoles de recherche puisant hors des sources administratives afin de leur redonner une histoire et une identité personnelles
Notes
1. F. Guattari, « Contre le racisme à la française », Le Nouvel Observateur, 4 mai 1981.
2. M. Lévine, Les Ratonnades d'octobre. Un meurtre collectif à Paris en 1961, Ramsay, 1985.
3. Cf. H. Lefebvre, Le Droit à la ville, Anthropos, 1968.
Image : Des manifestants algériens sont arrêtés à Puteaux le 17 octobre 1961. Au premier plan, des policiers et leur « bidule », un manche de pioche responsable, ce soir-là de nombreux décès et blessures graves.
© Fernand Parizot / AFP.
L'AUTEUR
Maître de conférences à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Emmanuel Blanchard a notamment publié La Police parisienne et les Algériens, 1944-1962 (Nouveau Monde, 2011) et Histoire de l'immigration algérienne en France (La Découverte, 2018).
MOT CLÉ
FMA
Français musulmans d'Algérie : c'est ainsi que l'administration française appelle, après 1947 et avant l'indépendance de leur pays, les Algériens. En 1961 ils sont entre 300 000 et 400 000 à vivre en métropole, essentiellement des hommes. Juridiquement français, ils sont supposés bénéficier de l'égalité des droits, mais restent des citoyens diminués.
FPA
Créée fin 1959 par Maurice Papon, la Force de police auxiliaire participait à la lutte contre le FLN dans la capitale et sa banlieue. Composée de recrues notamment issues des bidonvilles d'Alger et ayant souvent un lourd contentieux avec le FLN, la FPA était commandée par des officiers français. En octobre 1961 ces « harkis » ou « calots bleus » étaient environ 300, casernés au fort de Noisy, à Romainville.
CHRONOLOGIE DE 1961
8 janvier : Après sept ans de guerre, lors du référendum sur l'autodétermination de l'Algérie le « oui » l'emporte à 75 % en métropole.
Février : Création de l'Organisation armée secrète (OAS).
25 avril : Échec du putsch des généraux à Alger.
1er et 5 juillet : Grève générale et manifestations en Algérie en soutien à l'indépendance ; 80 morts sont officiellement dénombrés.
28 juillet : Suspension des rencontres entre Français et Algériens après l'échec des négociations d'Évian et de Lugrin.
29 août : Reprise des attentats du Front de libération nationale (FLN) contre des policiers parisiens.
8 septembre : Le général de Gaulle échappe de peu à un attentat de l'OAS à Pont-sur-Seine (Aube).
2 octobre : Aux obsèques du brigadier Demoën, Maurice Papon déclare que, « pour un coup donné, nous en porterons dix ».
5 octobre : La préfecture de police de Paris proclame un couvre-feu visant les « travailleurs musulmans algériens ».
17 octobre : La « démonstration de masse » des Algériens à Paris est sauvagement réprimée.
20 octobre : Manifestations de femmes algériennes à Paris mais aussi dans des villes de provinces en soutien à « L'Algérie algérienne » et pour dénoncer les arrestations et les violences du 17 octobre.
28 octobre : Reprise des négociations secrètes entre émissaires français et algériens.
« Marche » ou « fierté »
Souvent venus des banlieues où ils résidaient, les Algériens souhaitaient, ce 17 octobre, investir le coeur de la capitale pour rendre visible leur combat afin de compter politiquement. Leur « démonstration de masse » s'apparente à une « marche » ou une « fierté » revendiquée par les participants. Beaucoup furent arrêtés puis internés aux portes de la ville.
À SAVOIR
Combien de morts ?
« S'il est une chose dont on puisse être sûr c'est que le nombre de tués ne sera jamais définitivement connu », concluaient, en 2006, Neil MacMaster et Jim House. Leurs estimations demeurent les plus vraisemblables : a minima il y eut des dizaines d'Algériens tués les 17 et 18 octobre, et au moins une centaine sur la période septembre-octobre. C'était d'ailleurs l'ordre de grandeur proposé par le GPRA en décembre 1961. Les autorités françaises, elles, s'en tenaient alors à 6 morts. Jusqu'à la fin des années 1990, elles s'enferrèrent dans un mensonge qui empêche aujourd'hui de faire la lumière sur le nombre exact de victimes. Les archives disponibles permettent cependant de repérer des cadavres et d'estimer une surmortalité par rapport aux mois précédents et suivants. Des estimations beaucoup plus élevées ont été avancées (200 morts ? 300 morts ?) : cet écart est habituel dans de telles circonstances de dissimulation d'État générant une contre-mémoire. Il tient aussi à ce que les traces de certaines victimes ont été détruites, que ce soit délibérément ou selon les processus habituels de pertes archivistiques.
Des archives malgré tout
Lorsque Jean-Luc Einaudi, le premier historien à se pencher sur l'événement, publia en 1991 La Bataille de Paris, il déplora qu'à cette date les archives de l'État français (police et justice en particulier) demeuraient fermées. Il put néanmoins s'appuyer sur de nombreuses autres archives, provenant de la Fédération de France du FLN ou des cimetières et hôpitaux parisiens, et constitua un vaste fonds de sources orales (des centaines d'heures d'entretiens, en France et en Algérie, avec des policiers comme des manifestants).
Deux rapports commandés par Lionel Jospin, Premier ministre lors du procès de Maurice Papon (1997-1998), permirent l'inventaire et un début d'ouverture des archives conservées par la Préfecture de police et le ministère de la Justice, en particulier les tribunaux parisiens. Un certain nombre de lacunes et de pertes furent alors pointées.
Si les fonds de la police parisienne ont été scrutés par de nombreux chercheurs, les archives de la justice ont fait l'objet d'une moindre attention puisqu'elles demeurent « sous dérogation » et que leur accès a longtemps été entravé. D'autres fonds, tels ceux de la Direction de la surveillance du territoire (DST), n'ont toujours pas été versés et risquent de rester inaccessibles en raison des récentes évolutions législatives.
POUR EN SAVOIR PLUS
M. H. Abdallah, Rengainez, on arrive ! Chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires, contre la Hagra policière et judiciaire, des années 1970 à nos jours, Libertalia, 2012.
L. Amiri, La Bataille de France. La guerre d'Algérie en métropole, Robert Laffont, 2004.
E. Blanchard, La Police parisienne et les Algériens, 1944-1962, Nouveau Monde, 2011 ; Histoire de l'immigration algérienne en France, La Découverte, 2018.
R. Brahim, La race tue deux fois. Une histoire des crimes racistes en France, 1970-2000, Syllepse, 2021.
J.-L. Einaudi, La Bataille de Paris, Seuil, 1991 ; Octobre 1961. Un massacre à Paris, Fayard, 2001.
J. House, N. MacMaster, Paris 1961. Les Algériens, la terreur d'État et la mémoire, [2006], Gallimard, « Folio histoire », 2021.
N. MacMaster, Inside the FLN. The Paris Massacre and the French Intelligence Service, Norwich, University of East Anglia, 2013.
G. Manceron, La Triple Occultation d'un massacre, La Découverte, 2011.
G. Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Fayard, 2002.
F. Riceputi, La Bataille d'Einaudi ou comment la mémoire du 17 octobre 1961 revint à la République, Neuvy-en-Champagne, Le Passager clandestin, 2015.
Sur Internet
Le « Guide numérique sur les disparus de la guerre d'Algérie », disponible en anglais, français et arabe, publié par les Archives nationales, sur les archives relatives aux disparus, quel que soit le lieu en France où elles sont conservées (francearchives.fr/fr/actualite/223693824)
Le site 1000autres.org, créé en 2018, animé par Malika Rahal et Fabrice Riceputi, rattaché au projet « Alger 1957-des Maurice Audin par milliers », collecte des informations sur les disparus pour les faire sortir de l'anonymat.
Et retrouvez l'article de Sylvie Thénault, « Les disparus de la guerre d'Algérie », L'Histoire n° 466, décembre 2019, pp. 12-19.
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