[article] in L'Histoire > N° 495 (Mai 2022) . - p. 95 Titre : | Guide des Sorties : Cinéma - Sans laisser de traces | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Ania Szczepanska, Auteur | Année de publication : | 2022 | Article en page(s) : | p. 95 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | cinéma film Varsovie bavure policière opinion publique | Note de contenu : | Jan P. Matuszewski relate le meurtre d'un jeune Polonais par la milice communiste à Varsovie en 1983.
Par un joli mois de mai, deux lycéens rejoignent le centre-ville de Varsovie et exultent de joie après les résultats du bac. La milice les interpelle sans raison apparente. Le contrôle d'identité tourne mal et l'insolence du jeune homme envers l'autorité provoque un déchaînement de violence. Après deux jours d'agonie, Grzegorz Przemyk, jeune poète de 18 ans lié par sa mère au mouvement Solidarnosc, succombe.
Cette histoire tragique qui s'est déroulée en 1983 n'est pourtant qu'un point de départ. Pour mettre en scène cette affaire quatre décennies plus tard, Jan P. Matuszynski s'appuie sur le passionnant reportage du journaliste Cezary Lazarewicz sorti en 2016. Le cinéaste, qui avait démontré son talent à représenter la vie quotidienne des Polonais dans la dernière décennie communiste (The Last Family, 2016), confirme ici sa compréhension juste et nuancée de cette époque. Il montre un Parti communiste divisé, un État soumis aux impératifs du ministère de l'Intérieur et des professionnels de la surveillance qui savent, avec zèle, entretenir la peur au sein de la société.
Thriller politique, le film ne porte pas tant sur la violence physique de la répression en Pologne communiste que sur les coulisses du pouvoir. Un an et demi après l'instauration de l'état de guerre par le général Jaruzelski, cette bavure policière devient le symbole d'un pouvoir autoritaire prêt à tout, jusqu'à l'absurde, pour sauver son image auprès de l'opinion publique nationale et internationale.
Détruire les individus
Le réalisateur donne à voir avec une précision chirurgicale les filatures et les opérations de discréditation. Toutes ces méthodes qui ne laissent pas de « traces » visibles (pour reprendre le titre original du film), mais qui se révèlent bien plus efficaces pour détruire les individus. Grâce à un rythme haletant et des acteurs brillants, le film renoue avec la grande tradition du cinéma de l'inquiétude morale des années 1970. Il montre une société qui souffre moins de carences matérielles que d'un rapport corrompu à l'État, à la vérité et à la justice. Un film nécessaire qui parle à partir du temps présent, inquiet pour l'indépendance de la justice et qui nous met en garde contre ceux qui « compromettent la justice polonaise par des manipulations cyniques ». Varsovie 1983, ou Varsovie tout court ?
À VOIR
Varsovie 83, une affaire d'État
J. P. Matuszynski, en salle le 4 mai.
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[article] Guide des Sorties : Cinéma - Sans laisser de traces [Livres, articles, périodiques] / Ania Szczepanska, Auteur . - 2022 . - p. 95. Langues : Français ( fre) in L'Histoire > N° 495 (Mai 2022) . - p. 95 Mots-clés : | cinéma film Varsovie bavure policière opinion publique | Note de contenu : | Jan P. Matuszewski relate le meurtre d'un jeune Polonais par la milice communiste à Varsovie en 1983.
Par un joli mois de mai, deux lycéens rejoignent le centre-ville de Varsovie et exultent de joie après les résultats du bac. La milice les interpelle sans raison apparente. Le contrôle d'identité tourne mal et l'insolence du jeune homme envers l'autorité provoque un déchaînement de violence. Après deux jours d'agonie, Grzegorz Przemyk, jeune poète de 18 ans lié par sa mère au mouvement Solidarnosc, succombe.
Cette histoire tragique qui s'est déroulée en 1983 n'est pourtant qu'un point de départ. Pour mettre en scène cette affaire quatre décennies plus tard, Jan P. Matuszynski s'appuie sur le passionnant reportage du journaliste Cezary Lazarewicz sorti en 2016. Le cinéaste, qui avait démontré son talent à représenter la vie quotidienne des Polonais dans la dernière décennie communiste (The Last Family, 2016), confirme ici sa compréhension juste et nuancée de cette époque. Il montre un Parti communiste divisé, un État soumis aux impératifs du ministère de l'Intérieur et des professionnels de la surveillance qui savent, avec zèle, entretenir la peur au sein de la société.
Thriller politique, le film ne porte pas tant sur la violence physique de la répression en Pologne communiste que sur les coulisses du pouvoir. Un an et demi après l'instauration de l'état de guerre par le général Jaruzelski, cette bavure policière devient le symbole d'un pouvoir autoritaire prêt à tout, jusqu'à l'absurde, pour sauver son image auprès de l'opinion publique nationale et internationale.
Détruire les individus
Le réalisateur donne à voir avec une précision chirurgicale les filatures et les opérations de discréditation. Toutes ces méthodes qui ne laissent pas de « traces » visibles (pour reprendre le titre original du film), mais qui se révèlent bien plus efficaces pour détruire les individus. Grâce à un rythme haletant et des acteurs brillants, le film renoue avec la grande tradition du cinéma de l'inquiétude morale des années 1970. Il montre une société qui souffre moins de carences matérielles que d'un rapport corrompu à l'État, à la vérité et à la justice. Un film nécessaire qui parle à partir du temps présent, inquiet pour l'indépendance de la justice et qui nous met en garde contre ceux qui « compromettent la justice polonaise par des manipulations cyniques ». Varsovie 1983, ou Varsovie tout court ?
À VOIR
Varsovie 83, une affaire d'État
J. P. Matuszynski, en salle le 4 mai.
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