[article] in L'Histoire > N° 495 (Mai 2022) . - p. 89 Titre : | Guide des Classiques : « La Guerre au Moyen Age » de Philippe Contamine | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Claude Gauvard, Auteur | Année de publication : | 2022 | Article en page(s) : | p. 89 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | lecture classique Moyen Age guerre | Note de contenu : | Publié en 1980, l'ouvrage de Philippe Contamine reste indispensable pour comprendre la guerre, ressort essentiel de la société médiévale.
LA THÈSE
Suivant le cahier des charges posé par les directeurs de la collection « Nouvelle Clio » aux PUF, Robert Boutruche et Paul Lemerle, le livre se partage en trois grandes parties, « Orientation bibliographique et documentaire », puis « État des connaissances. Caractères généraux de l'histoire militaire médiévale », enfin « Thèmes et perspectives ». Ce cadre convient très bien à Philippe Contamine, dont le goût de l'érudition se trouve à l'aise dans une bibliographie exhaustive d'environ 2 000 titres, classée par thèmes, révélant ainsi la somme considérable de ses connaissances.
Car le spécialiste des armées à la fin du Moyen Age se plonge avec force détails dans la description de celles des envahisseurs « barbares » qui se sont déployées pendant le Haut Moyen Age. Il les brosse en phrases incisives : « des armées peu nombreuses, une tactique rudimentaire, une logistique presque inexistante », appelant donc à d'autres explications possibles sur leur rôle dans la disparition de l'Empire romain. Le Moyen Age central, du XIIe au début du XIVe siècle, oppose l'aristocratie guerrière aux inermes (« sans armes »), pour l'essentiel des paysans, mais les villes et les communes ont toute leur place sur le champ de bataille, et le perfectionnement des rouages du gouvernement des grandes monarchies, ou des cités-États italiennes, conduit à une meilleure efficacité militaire. L'étude des compagnies d'aventure, la lente adoption de l'artillerie à poudre et la reconnaissance des armées permanentes viennent clore cette fresque chronologique. Dans la dernière partie, l'auteur livre de fécondes pistes de recherche. De l'étrier aux traités théoriques de l'art militaire, du droit de guerre au pacifisme, il définit au plus profond ce qu'est la guerre médiévale dans sa réalité comme dans sa justification.
CE QU'IL EN RESTE
Réédité six fois depuis sa parution en 1980, La Guerre au Moyen Age n'est pas seulement un classique de l'historiographie. A l'heure d'une histoire des émotions, il ouvre sur la notion de courage ; la « guerre juste » médiévale y flirte avec la « guerre sainte ». Le poids de la guerre en matière économique vient fort heureusement contrecarrer la tendance actuelle qui consisterait à en atténuer les effets dans la crise de longue durée des deux derniers siècles du Moyen Age. Les hommes ne sont pas absents : ils sont ici traités en acteurs, dans un mélange nécessaire entre les institutions et la chair humaine. Certes, les études postérieures menées sur la violence, auxquelles Philippe Contamine a lui-même participé, ou sur les scansions de l'histoire qui minimisent les ruptures, permettent de nuancer la démonstration, mais elles prêtent plus à discuter qu'à balayer les conclusions. Cette somme reste indispensable pour comprendre la guerre, ressort essentiel de la société médiévale.
Claude Gauvard est professeure émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne
La Guerre au Moyen Age, PUF, « Nouvelle Clio », rééd. 2003, 30,50 €.
Philippe Contamine
Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres depuis 1990, promu récemment commandeur de la Légion d'honneur, Philippe Contamine, né en 1932, a enseigné comme professeur aux universités de Nancy, Nanterre, puis à la Sorbonne (Paris-IV). Spécialiste éminent des armées après la parution de sa thèse de doctorat d'État, soutenue en 1972, Guerre, État et société à la fin du Moyen Age. Études sur les armées des rois de France, 1337-1494, il rompt avec l'histoire-bataille. Il se consacre à une histoire totale des pouvoirs, dont il dégage les ressorts sociaux et politiques pendant les deux derniers siècles du Moyen Age, en France mais également en Angleterre. Ces dernières années, il se voue à la figure de Jeanne d'Arc, qu'il contribue à enrichir, et à celle de Charles VII, dont il dresse la biographie politique. Travailleur infatigable, érudit soucieux d'un retour aux archives, généreux de sa pensée, comme l'attestent ses élèves et ceux qui ont participé à ses séminaires, il est l'une des figures de proue des médiévistes français du XXe-XXIe siècle.
|
[article] Guide des Classiques : « La Guerre au Moyen Age » de Philippe Contamine [Livres, articles, périodiques] / Claude Gauvard, Auteur . - 2022 . - p. 89. Langues : Français ( fre) in L'Histoire > N° 495 (Mai 2022) . - p. 89 Mots-clés : | lecture classique Moyen Age guerre | Note de contenu : | Publié en 1980, l'ouvrage de Philippe Contamine reste indispensable pour comprendre la guerre, ressort essentiel de la société médiévale.
LA THÈSE
Suivant le cahier des charges posé par les directeurs de la collection « Nouvelle Clio » aux PUF, Robert Boutruche et Paul Lemerle, le livre se partage en trois grandes parties, « Orientation bibliographique et documentaire », puis « État des connaissances. Caractères généraux de l'histoire militaire médiévale », enfin « Thèmes et perspectives ». Ce cadre convient très bien à Philippe Contamine, dont le goût de l'érudition se trouve à l'aise dans une bibliographie exhaustive d'environ 2 000 titres, classée par thèmes, révélant ainsi la somme considérable de ses connaissances.
Car le spécialiste des armées à la fin du Moyen Age se plonge avec force détails dans la description de celles des envahisseurs « barbares » qui se sont déployées pendant le Haut Moyen Age. Il les brosse en phrases incisives : « des armées peu nombreuses, une tactique rudimentaire, une logistique presque inexistante », appelant donc à d'autres explications possibles sur leur rôle dans la disparition de l'Empire romain. Le Moyen Age central, du XIIe au début du XIVe siècle, oppose l'aristocratie guerrière aux inermes (« sans armes »), pour l'essentiel des paysans, mais les villes et les communes ont toute leur place sur le champ de bataille, et le perfectionnement des rouages du gouvernement des grandes monarchies, ou des cités-États italiennes, conduit à une meilleure efficacité militaire. L'étude des compagnies d'aventure, la lente adoption de l'artillerie à poudre et la reconnaissance des armées permanentes viennent clore cette fresque chronologique. Dans la dernière partie, l'auteur livre de fécondes pistes de recherche. De l'étrier aux traités théoriques de l'art militaire, du droit de guerre au pacifisme, il définit au plus profond ce qu'est la guerre médiévale dans sa réalité comme dans sa justification.
CE QU'IL EN RESTE
Réédité six fois depuis sa parution en 1980, La Guerre au Moyen Age n'est pas seulement un classique de l'historiographie. A l'heure d'une histoire des émotions, il ouvre sur la notion de courage ; la « guerre juste » médiévale y flirte avec la « guerre sainte ». Le poids de la guerre en matière économique vient fort heureusement contrecarrer la tendance actuelle qui consisterait à en atténuer les effets dans la crise de longue durée des deux derniers siècles du Moyen Age. Les hommes ne sont pas absents : ils sont ici traités en acteurs, dans un mélange nécessaire entre les institutions et la chair humaine. Certes, les études postérieures menées sur la violence, auxquelles Philippe Contamine a lui-même participé, ou sur les scansions de l'histoire qui minimisent les ruptures, permettent de nuancer la démonstration, mais elles prêtent plus à discuter qu'à balayer les conclusions. Cette somme reste indispensable pour comprendre la guerre, ressort essentiel de la société médiévale.
Claude Gauvard est professeure émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne
La Guerre au Moyen Age, PUF, « Nouvelle Clio », rééd. 2003, 30,50 €.
Philippe Contamine
Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres depuis 1990, promu récemment commandeur de la Légion d'honneur, Philippe Contamine, né en 1932, a enseigné comme professeur aux universités de Nancy, Nanterre, puis à la Sorbonne (Paris-IV). Spécialiste éminent des armées après la parution de sa thèse de doctorat d'État, soutenue en 1972, Guerre, État et société à la fin du Moyen Age. Études sur les armées des rois de France, 1337-1494, il rompt avec l'histoire-bataille. Il se consacre à une histoire totale des pouvoirs, dont il dégage les ressorts sociaux et politiques pendant les deux derniers siècles du Moyen Age, en France mais également en Angleterre. Ces dernières années, il se voue à la figure de Jeanne d'Arc, qu'il contribue à enrichir, et à celle de Charles VII, dont il dresse la biographie politique. Travailleur infatigable, érudit soucieux d'un retour aux archives, généreux de sa pensée, comme l'attestent ses élèves et ceux qui ont participé à ses séminaires, il est l'une des figures de proue des médiévistes français du XXe-XXIe siècle.
|
|