[article] in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 76 Titre : | Guide des Livres : Nettoyage ethnique à Diego-Garcia | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Eric Jennings, Auteur | Année de publication : | 2022 | Article en page(s) : | p. 76 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | ethnique Philippe Sands lecture | Note de contenu : | Dans les années 1960, les Britanniques ont chassé les habitants de l'archipel des Chagos.
Pour le lecteur avisé, Diego-Garcia évoquera le nom d'une île de l'Océan indien qui a servi de base pour les États-Unis au long de la guerre froide, puis pendant les deux guerres d'Irak et celle d'Afghanistan. Mais ce que retrace ici l'avocat franco-britannique Philippe Sands, c'est l'histoire d'une stratégie délibérée de la part du Royaume-Uni de vider cet archipel de sa population, tout en le scindant de l'État mauricien, qui voit le jour en 1968, déjà amputé des îles Chagos. L'objectif consistant à créer une nouvelle entité baptisée British Indian Ocean Territory. Les 1500 habitants de l'archipel en furent chassés, leurs animaux domestiques abattus, leurs biens saisis, leurs tombes laissées à l'abandon. Tout cela dans le but de permettre aux États-Unis se servir de Diego-Garcia comme base navale.
L'approche est originale, la lecture vive : Philippe Sands est acteur assumé de cette histoire tout en se faisant le relais de témoignages et le narrateur des souvenirs d'une femme en particulier, Liseby Élysé. L'analyse se situe au carrefour des droits humains, de la colonisation, des relations internationales, et de l'esprit de Bandung. Est mis à nu, au passage, le discours néocolonial britannique décrivant les insulaires comme des Vendredi, ou encore des « saisonniers » et qualifiant de « visites patrimoniales » les rares pèlerinages autorisés aux Chagossiens dans ce début de nouveau millénaire.
Quelques rares critiques viennent au fil de ce récit riche en rebondissements, qui achemine le lecteur aux Nations unies, au Nicaragua, en Namibie et surtout au tribunal international de La Haye. Les archives mauriciennes auraient pu s'avérer précieuses ; l'utilisation exacte des îles Chagos pendant la guerre froide aurait pu être plus détaillée. Cela ne retire rien à l'originalité de ce bel ouvrage, superbement illustré, pionnier dans son analyse d'un véritable nettoyage ethnique, voire d'une « déportation », coïncidant avec une décolonisation incomplète. Les populations majoritairement descendantes d'esclaves d'Afrique orientale se sont vues arrachées de leurs îles dans des conditions indignes, qui leur ont justement rappelé l'esclavage. Une récente décision à La Haye laisse entrevoir un retour des Chagossiens sur leur terre natale. A suivre.
Mot clé :
Livres
Éric Jennings est professeur à l'université de Toronto.
La Dernière Colonie, Philippe Sands, Albin Michel, 2022, 240 p., 21,90 €.
|
[article] Guide des Livres : Nettoyage ethnique à Diego-Garcia [Livres, articles, périodiques] / Eric Jennings, Auteur . - 2022 . - p. 76. Langues : Français ( fre) in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 76 Mots-clés : | ethnique Philippe Sands lecture | Note de contenu : | Dans les années 1960, les Britanniques ont chassé les habitants de l'archipel des Chagos.
Pour le lecteur avisé, Diego-Garcia évoquera le nom d'une île de l'Océan indien qui a servi de base pour les États-Unis au long de la guerre froide, puis pendant les deux guerres d'Irak et celle d'Afghanistan. Mais ce que retrace ici l'avocat franco-britannique Philippe Sands, c'est l'histoire d'une stratégie délibérée de la part du Royaume-Uni de vider cet archipel de sa population, tout en le scindant de l'État mauricien, qui voit le jour en 1968, déjà amputé des îles Chagos. L'objectif consistant à créer une nouvelle entité baptisée British Indian Ocean Territory. Les 1500 habitants de l'archipel en furent chassés, leurs animaux domestiques abattus, leurs biens saisis, leurs tombes laissées à l'abandon. Tout cela dans le but de permettre aux États-Unis se servir de Diego-Garcia comme base navale.
L'approche est originale, la lecture vive : Philippe Sands est acteur assumé de cette histoire tout en se faisant le relais de témoignages et le narrateur des souvenirs d'une femme en particulier, Liseby Élysé. L'analyse se situe au carrefour des droits humains, de la colonisation, des relations internationales, et de l'esprit de Bandung. Est mis à nu, au passage, le discours néocolonial britannique décrivant les insulaires comme des Vendredi, ou encore des « saisonniers » et qualifiant de « visites patrimoniales » les rares pèlerinages autorisés aux Chagossiens dans ce début de nouveau millénaire.
Quelques rares critiques viennent au fil de ce récit riche en rebondissements, qui achemine le lecteur aux Nations unies, au Nicaragua, en Namibie et surtout au tribunal international de La Haye. Les archives mauriciennes auraient pu s'avérer précieuses ; l'utilisation exacte des îles Chagos pendant la guerre froide aurait pu être plus détaillée. Cela ne retire rien à l'originalité de ce bel ouvrage, superbement illustré, pionnier dans son analyse d'un véritable nettoyage ethnique, voire d'une « déportation », coïncidant avec une décolonisation incomplète. Les populations majoritairement descendantes d'esclaves d'Afrique orientale se sont vues arrachées de leurs îles dans des conditions indignes, qui leur ont justement rappelé l'esclavage. Une récente décision à La Haye laisse entrevoir un retour des Chagossiens sur leur terre natale. A suivre.
Mot clé :
Livres
Éric Jennings est professeur à l'université de Toronto.
La Dernière Colonie, Philippe Sands, Albin Michel, 2022, 240 p., 21,90 €.
|
|