[article] in L'Histoire > N° 508 (Juin 2023) . - p. 89 Titre : | Guide des Classiques : « The Revolt of the Catalans, 1598-1640 » de John H. Elliott | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Benoît Pellistrandi, Auteur | Année de publication : | 2023 | Article en page(s) : | p. 89 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | livre lecture classique Catalans | Note de contenu : |
A travers l'étude de la crise catalane, John H. Elliott expose le déclin de l'Espagne au XVIIe siècle.
LA THÈSE
Rompant avec les interprétations romantiques de l'école historique catalane de la seconde moitié du XIXe siècle, qui faisaient de la révolte de 1640 un affrontement entre un pouvoir central autoritaire et une conscience nationale attachée à ses libertés, John H. Elliott s'exerce, dans ce livre, publié en 1963, à comprendre la genèse de l'événement. Le sous-titre est éloquent : une étude sur la décadence de l'Espagne que l'historien amorce en 1598, date de la mort de Philippe II.
Qu'ont signifié, dans l'histoire de l'Espagne moderne, les règnes de Philippe III et Philippe IV - les « Habsbourg mineurs » - en comparaison de ceux de Charles Quint et Philippe II ? A la prépondérance espagnole succède une lutte désespérée pour maintenir debout un empire multinational, européen et colonial. C'est à cette lumière que John H. Elliott relit la crise catalane.
Il interprète la politique du comte-duc d'Olivares comme une tentative de transformation de l'empire castillan en empire « espagnol » via le changement des équilibres fiscaux, monétaires, juridiques et sociaux de cet ensemble de monarchies qu'est la Couronne espagnole. Une partie des Catalans s'y oppose... et une autre y collabore ! Elliott brise ainsi le mythe d'une « unanimité » catalane, vantée par les historiens nationalistes du XIXe siècle. Il rappelle que le cadre mental de cette révolte demeure celui des monarchies d'Ancien Régime, instituées par Dieu et non par une volonté populaire ou nationale.
Les dix-sept chapitres mènent à l'explosion de 1640. Curieusement, Elliott abandonne presque le lecteur au moment où la « révolution » (chapitre XVI) déploie tous ses effets, jusqu'au moins 1652... Il s'interroge : comment est née cette crise catalane, comment elle possède des dimensions qui dépassent le seul cadre géographique de la Catalogne mais comment celles-ci ont des répercussions concrètes dans la vie des Catalans. Il met au jour les tensions entre la ville de Barcelone et le reste de la région. A côté des archives institutionnelles, dispersées entre Simancas, Madrid, Barcelone, Paris et Londres, il ausculte les archives locales et une littérature pamphlétaire. Aussi offre-t-il un panorama complet qui donne la parole à tous les protagonistes.
CE QU'IL EN RESTE
Traduit en catalan dès 1966 et en castillan en 1977, La Révolte des Catalans demeure aujourd'hui encore un ouvrage de référence. La portée du livre tient à la puissance de la démonstration et au caractère séminal qu'il a pour l'ensemble de l'oeuvre de John H. Elliott. En ces pages se trouvent potentiellement ses autres ouvrages : la biographie du comte-duc d'Olivares (1986), l'étude parallèle de Richelieu et d'Olivares (1984), la notion de « monarchies composées », l'attention portée à l'histoire comparée. En 2018 Elliott publiait son dernier ouvrage, Scots and Catalans. Union and Disunion, ultime enquête sur le destin similaire de deux réalités historiques enchâssées dans des ensembles plus vastes qui, à nouveau, connaissaient, en ce début de XXIe siècle, des velléités indépendantistes puissamment enracinées dans leur histoire sinon dans leur tempérament. Unanimement reconnu, La Révolte des Catalans a fait d'Elliott un grand historien de l'Espagne et de la Catalogne.
Benoît Pellistrandi est professeur en classes préparatoires au lycée Condorcet
John H. Elliott 1930-2022
Assistant à Cambridge de 1957 à 1962, professeur au King's College de 1968 à 1973, puis à Princeton de 1973 à 1990, il acheva sa carrière à Oxford en 1997. Membre du comité de rédaction de la revue Past and Present, il a marqué les historiens de l'empire espagnol. En 2012 il publiait History in the Making, soulignant les enjeux méthodologiques de l'histoire politique, de l'histoire comparée, de l'histoire culturelle, à partir de son expérience d'Anglais ayant exploré l'histoire espagnole. Prix Nebrija (1993), Prince des Asturies en sciences sociales (1996) et Balzan (1999), il était grand-croix dans les ordres d'Isabelle la Catholique et d'Alphonse X le Sage (Espagne) et titulaire de la creu de Sant Jordi (Catalogne).
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[article] Guide des Classiques : « The Revolt of the Catalans, 1598-1640 » de John H. Elliott [Livres, articles, périodiques] / Benoît Pellistrandi, Auteur . - 2023 . - p. 89. Langues : Français ( fre) in L'Histoire > N° 508 (Juin 2023) . - p. 89 Mots-clés : | livre lecture classique Catalans | Note de contenu : |
A travers l'étude de la crise catalane, John H. Elliott expose le déclin de l'Espagne au XVIIe siècle.
LA THÈSE
Rompant avec les interprétations romantiques de l'école historique catalane de la seconde moitié du XIXe siècle, qui faisaient de la révolte de 1640 un affrontement entre un pouvoir central autoritaire et une conscience nationale attachée à ses libertés, John H. Elliott s'exerce, dans ce livre, publié en 1963, à comprendre la genèse de l'événement. Le sous-titre est éloquent : une étude sur la décadence de l'Espagne que l'historien amorce en 1598, date de la mort de Philippe II.
Qu'ont signifié, dans l'histoire de l'Espagne moderne, les règnes de Philippe III et Philippe IV - les « Habsbourg mineurs » - en comparaison de ceux de Charles Quint et Philippe II ? A la prépondérance espagnole succède une lutte désespérée pour maintenir debout un empire multinational, européen et colonial. C'est à cette lumière que John H. Elliott relit la crise catalane.
Il interprète la politique du comte-duc d'Olivares comme une tentative de transformation de l'empire castillan en empire « espagnol » via le changement des équilibres fiscaux, monétaires, juridiques et sociaux de cet ensemble de monarchies qu'est la Couronne espagnole. Une partie des Catalans s'y oppose... et une autre y collabore ! Elliott brise ainsi le mythe d'une « unanimité » catalane, vantée par les historiens nationalistes du XIXe siècle. Il rappelle que le cadre mental de cette révolte demeure celui des monarchies d'Ancien Régime, instituées par Dieu et non par une volonté populaire ou nationale.
Les dix-sept chapitres mènent à l'explosion de 1640. Curieusement, Elliott abandonne presque le lecteur au moment où la « révolution » (chapitre XVI) déploie tous ses effets, jusqu'au moins 1652... Il s'interroge : comment est née cette crise catalane, comment elle possède des dimensions qui dépassent le seul cadre géographique de la Catalogne mais comment celles-ci ont des répercussions concrètes dans la vie des Catalans. Il met au jour les tensions entre la ville de Barcelone et le reste de la région. A côté des archives institutionnelles, dispersées entre Simancas, Madrid, Barcelone, Paris et Londres, il ausculte les archives locales et une littérature pamphlétaire. Aussi offre-t-il un panorama complet qui donne la parole à tous les protagonistes.
CE QU'IL EN RESTE
Traduit en catalan dès 1966 et en castillan en 1977, La Révolte des Catalans demeure aujourd'hui encore un ouvrage de référence. La portée du livre tient à la puissance de la démonstration et au caractère séminal qu'il a pour l'ensemble de l'oeuvre de John H. Elliott. En ces pages se trouvent potentiellement ses autres ouvrages : la biographie du comte-duc d'Olivares (1986), l'étude parallèle de Richelieu et d'Olivares (1984), la notion de « monarchies composées », l'attention portée à l'histoire comparée. En 2018 Elliott publiait son dernier ouvrage, Scots and Catalans. Union and Disunion, ultime enquête sur le destin similaire de deux réalités historiques enchâssées dans des ensembles plus vastes qui, à nouveau, connaissaient, en ce début de XXIe siècle, des velléités indépendantistes puissamment enracinées dans leur histoire sinon dans leur tempérament. Unanimement reconnu, La Révolte des Catalans a fait d'Elliott un grand historien de l'Espagne et de la Catalogne.
Benoît Pellistrandi est professeur en classes préparatoires au lycée Condorcet
John H. Elliott 1930-2022
Assistant à Cambridge de 1957 à 1962, professeur au King's College de 1968 à 1973, puis à Princeton de 1973 à 1990, il acheva sa carrière à Oxford en 1997. Membre du comité de rédaction de la revue Past and Present, il a marqué les historiens de l'empire espagnol. En 2012 il publiait History in the Making, soulignant les enjeux méthodologiques de l'histoire politique, de l'histoire comparée, de l'histoire culturelle, à partir de son expérience d'Anglais ayant exploré l'histoire espagnole. Prix Nebrija (1993), Prince des Asturies en sciences sociales (1996) et Balzan (1999), il était grand-croix dans les ordres d'Isabelle la Catholique et d'Alphonse X le Sage (Espagne) et titulaire de la creu de Sant Jordi (Catalogne).
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