[article] in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 77 Titre : | Guide des Livres : Les esclaves de Louis XIV | Type de document : | Livres, articles, périodiques | Auteurs : | Meredith Martin, Auteur ; Gillian Weiss, Auteur | Année de publication : | 2022 | Article en page(s) : | p. 77 | Langues : | Français (fre) | Mots-clés : | lecture esclaves Roi-Soleil Marseille | Note de contenu : |
Le Roi-Soleil en mer. Art maritime et galériens, Meredith Martin, Gillian Weiss trad. de l'anglais par Élise Trogrlic, EHESS Éditions, 2022, 404 p., 32 €.
Saviez-vous qu'il y avait des esclaves en France au temps du Roi-Soleil ? C'est là le premier intérêt de ce livre issu d'une recherche menée par deux historiennes américaines, qui dévoile un pan méconnu du Grand Siècle : l'esclavage à Marseille.
Lorsque Louis XIV ordonna à Colbert de transformer la ville rebelle qu'il venait de soumettre (en 1660) en base navale pour les galères et en port franc pour le commerce du Levant, des centaines d'esclaves turcs - 200 en 1664, 2 000 en 1670 - furent achetés à Messine, Venise, Istanbul et ailleurs, ou « razziés » sur les rivages de l'Afrique du Nord. A la fin du XVIIe siècle, 40 galères mouillaient à Marseille, tout à la gloire de Louis XIV. Elles étaient autant des instruments de puissance que des oeuvres d'art. C'est là le second intérêt de ce livre, magnifiquement illustré : mettre en valeur la propagande qui se déploie dans la décoration des navires.
La représentation des esclaves turcs sur les galères mais aussi sur les vaisseaux de ligne a contribué à façonner l'image du Roi-Soleil en souverain dominant les mers, à l'exemple du Royal Louis (1670), vaisseau amiral de la flotte du Levant : la plus imposante des sculptures était un bas-relief dessiné par Charles Le Brun recouvert de feuilles d'or montrant un Louis XIV en conquérant romain assis sur un trône, deux esclaves turcs enchaînés à ses pieds. Galères et galériens contribuèrent ainsi à parfaire l'image du roi « très chrétien », les esclaves donnant à voir la domination que le royaume voulait exercer sur l'Islam. La Couronne chercha aussi par là à faire taire les critiques concernant les accords conclus depuis l'époque de François Ier avec l'Empire ottoman. Envers du décor : ces esclaves arabes et africains qui travaillent et dorment enchaînés à un banc, trempés par l'eau salée et écrasés par le soleil, trimant au rythme des coups de fouet, dévorés par les puces et les poux, dans la pestilence de leur sueur et de leurs excréments...
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[article] Guide des Livres : Les esclaves de Louis XIV [Livres, articles, périodiques] / Meredith Martin, Auteur ; Gillian Weiss, Auteur . - 2022 . - p. 77. Langues : Français ( fre) in L'Histoire > N° 501 (Novembre 2022) . - p. 77 Mots-clés : | lecture esclaves Roi-Soleil Marseille | Note de contenu : |
Le Roi-Soleil en mer. Art maritime et galériens, Meredith Martin, Gillian Weiss trad. de l'anglais par Élise Trogrlic, EHESS Éditions, 2022, 404 p., 32 €.
Saviez-vous qu'il y avait des esclaves en France au temps du Roi-Soleil ? C'est là le premier intérêt de ce livre issu d'une recherche menée par deux historiennes américaines, qui dévoile un pan méconnu du Grand Siècle : l'esclavage à Marseille.
Lorsque Louis XIV ordonna à Colbert de transformer la ville rebelle qu'il venait de soumettre (en 1660) en base navale pour les galères et en port franc pour le commerce du Levant, des centaines d'esclaves turcs - 200 en 1664, 2 000 en 1670 - furent achetés à Messine, Venise, Istanbul et ailleurs, ou « razziés » sur les rivages de l'Afrique du Nord. A la fin du XVIIe siècle, 40 galères mouillaient à Marseille, tout à la gloire de Louis XIV. Elles étaient autant des instruments de puissance que des oeuvres d'art. C'est là le second intérêt de ce livre, magnifiquement illustré : mettre en valeur la propagande qui se déploie dans la décoration des navires.
La représentation des esclaves turcs sur les galères mais aussi sur les vaisseaux de ligne a contribué à façonner l'image du Roi-Soleil en souverain dominant les mers, à l'exemple du Royal Louis (1670), vaisseau amiral de la flotte du Levant : la plus imposante des sculptures était un bas-relief dessiné par Charles Le Brun recouvert de feuilles d'or montrant un Louis XIV en conquérant romain assis sur un trône, deux esclaves turcs enchaînés à ses pieds. Galères et galériens contribuèrent ainsi à parfaire l'image du roi « très chrétien », les esclaves donnant à voir la domination que le royaume voulait exercer sur l'Islam. La Couronne chercha aussi par là à faire taire les critiques concernant les accords conclus depuis l'époque de François Ier avec l'Empire ottoman. Envers du décor : ces esclaves arabes et africains qui travaillent et dorment enchaînés à un banc, trempés par l'eau salée et écrasés par le soleil, trimant au rythme des coups de fouet, dévorés par les puces et les poux, dans la pestilence de leur sueur et de leurs excréments...
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